Eddie Wilson, CEO de Ryanair : « Nous misons sur une révolution du voyage au Maroc »

Ryanair a annoncé le 13 décembre son programme d'été le plus important jamais réalisé vers le Maroc, avec plus de 1 100 vols hebdomadaires sur 175 itinéraires, dont 35 nouvelles routes. La compagnie low-cost irlandaise annonce également l'arrivée de ses tarifs ultra-bas sur 11 lignes intérieures marocaines, stimulant ainsi la connectivité interne et la croissance du trafic à travers le Royaume.
Dans le cadre de ce programme record de l'été 2024, qui permettra de transporter plus de 5 millions de passagers (+33 % de croissance) vers, depuis, et maintenant à l'intérieur du Royaume, Ryanair ouvre sa 4ème base marocaine, avec 2 nouveaux avions à Tanger pour un investissement de 200 millions de dollars, ainsi que les premiers vols de Ryanair vers les aéroports de Beni-Mellal et d'Errachidia.
L'investissement de Ryanair au Maroc dépasse maintenant 1,4 milliards de dollars en avions - soutenant plus de 500 emplois directs « bien rémunérés » pour les pilotes, le personnel de cabine et les ingénieurs et des milliers d'emplois de soutien dans le tourisme, assurant la croissance économique à travers 12 villes, y compris Rabat, Marrakech, Fès, Agadir, Tanger, Ouarzazate, et Essaouira.
Le Desk a interviewé le CEO de Ryanair, Eddie Wilson pour davantage de détails sur ce programme inédit qui inclut aussi l’accompagnement du Maroc dans sa feuille de route qui vise à accueillir 17,5 millions de touristes à l’horizon 2026 et dans sa préparation à accueillir la Coupe du Monde de football en 2030.
Quel a été l’apport de Ryanair depuis la conclusion du partenariat stratégique avec le Maroc et en particulier avec l’ONMT ?
D’abord, je peux vous dire que le Maroc bénéficie d’une localisation unique, quasiment sur le même fuseau horaire que l’Europe, avec une industrie touristique diversifiée au seuil du Vieux continent, un marché entrant pour ses sites historiques, son désert, son littoral, ses « week-end breaks », son beau climat, une richesse de ses destinations. C’est dans ce contexte incitatif que Ryanair a construit patiemment sa présence dans le pays depuis 2006 et maintenant nous sommes, en accord avec l’ambition portée par le ministère du Tourisme et l’ONMT, en phase de multiplier notre croissance sur ce marché.
Nous sommes la seule compagnie aérienne à être réellement en pleine expansion avec la réception de 300 appareils à l’horizon 2027 et le gouvernement marocain a reconnu l’importance de cette capacité mise à disposition, non pas seulement pour les besoins du développement touristique, mais aussi en termes de connectivité, notamment au bénéfice de la diaspora marocaine avec nos fantastiques tarifs ultra-bas.
Nous participons à cette grande transformation du voyage au Maroc, nous misons sur cette révolution comme nous l’avons fait ailleurs. Prenez l’exemple d’Agadir par exemple qui était des années durant en retrait et qui est désormais bien desservie, Fès où nous avons trois avions là-bas, Marrakech qui continue de croître et maintenant Tanger qui connait un développement de son activité économique et qui est aujourd’hui la porte d’entrée du pays pour le tourisme des séjours « city breaks ». Ce sont d’excellentes nouvelles pour le Maroc qui offre d’innombrables opportunités pour plusieurs compagnies aériennes.
Ryanair a annoncé hier son programme d'été 2024 le plus important jamais réalisé vers le Maroc portant son investissement à 1,4 MM $. En quoi consiste-t-il au juste en termes de moyens aériens engagés ?
Si vous prenez en compte le coût d’un seul avion, un Boeing coûte environ 100 millions de dollars, nous en avons 14 positionnés sur le Maroc, ce qui vous donne une idée des actifs mobilisés : 7 à Marrakech, 3 à Fès, 2 à Agadir, 2 maintenant dans la nouvelle base de Tanger et cela sans compter les rotations de nos avions que nous pouvons mobiliser à partir de l’Europe où nous disposons en tout de 600 appareils en activité.
Cet été des premiers vols de Ryanair seront assurés vers les aéroports de Beni-Mellal et d'Errachidia. Quel est le potentiel en termes de trafic de ces deux destinations ?
Vous savez, là où nous allons, nous remplissons nos appareils grâce à nos bas tarifs qui nous permettent de développer de nouvelles routes. Ce genre de destinations sont typiquement le genre de celles pour lesquelles il n’y a peu ou pas de moyen d’y accéder à part la route, comme pour Errachidia qui est aux portes du désert et qui est pour cela attractive. Pour le reste des 11 liaisons domestiques que nous lançons cet été, nous sommes très confiants dans leur potentiel. Regardez ce que nous avons réalisé à Ouarzazate, alors que certains étaient encore dubitatifs sur cette destination. C’est tout l’avantage de la diversification qui rejoint et satisfait concrètement la demande du public.
La grande nouveauté, c’est justement ces 11 lignes domestiques marocaines et vous pariez donc sur la connectivité des villes. En quoi seriez-vous plus concurrentiel que vos compétiteurs (Royal Air Maroc et Air Arabia) sur ce marché et par rapport aux modes de transport classiques ?
Si vous comparez la situation avec celle d’autres pays qui voient un accroissement de leur PIB comme c’est le cas pour le Maroc, cela créé un nouveau marché qui n’existait pas auparavant. Quant à la concurrence, encore une fois, je me réfère aussi à d’autres marchés où Ryanair, fort heureusement, coexiste avec d’autres compagnies. De plus, nous faisons en sorte, grâce à notre business model, que certaines destinations soient rentables à des prix très bas alors qu’elles ne le sont pas forcément pour d’autres compétiteurs.
Si vous me questionnez spécifiquement sur le paysage de la concurrence au Maroc, il y a une formidable opportunité pour plusieurs compagnies pour croître sur le marché domestique, que ce soit pour Royal Air Maroc, Air Arabia ou Ryanair. Nous sommes dans un contexte de croissance économique et il y aura davantage de voyageurs qui se déplaceront à l’intérieur du pays dans les années à venir.
C’est une situation que nous avions observé en Italie ou en Espagne avec des personnes qui ne prenaient pas l’avion par le passé, je pense aux étudiants par exemple ou encore à des patients qui se déplacent pour des rendez-vous médicaux ou encore les professionnels et les hommes d’affaires qui partent pour une ville et en retournent le même jour. D’autres auront besoin de prendre l’avion pour des trajets à destinations multiples…Donc, vous créez un marché pour une demande en devenir avec une offre qui permet un choix varié pour les consommateurs. Nous parions sur cela pour les années à venir et c’est une excellente nouvelle aussi pour le tourisme intérieur. Si vous voulez rallier Ouarzazate à partir de Tanger ou voyager d’Agadir à Fès, c’est un long périple par la route…

Vous avez annoncé un prix de départ indicatif à partir de 330 dirhams l’aller-retour sur ces vols internes. Seront-ils subventionnés par l’Etat, par des aides des régions ?
Non, absolument pas. Regardez ce que nous avons pu faire ailleurs, les prix moyens de Ryanair en Europe pour l’an passé n’ont pas atteint 50 euros et ce à travers tout le continent, au-delà de quelques spécificités. L’essentiel de notre modèle est d’offrir à des prix moyens très raisonnables tirés vers le bas, la possibilité d’emprunter des routes relativement longues pour des destinations qui n’étaient pas accessibles autrement et à ces conditions. Cela va encourager les voyageurs à changer leurs habitudes de déplacement. Ma ferme conviction est que ce marché continuera à progresser et croître pour notre compagnie. Encore une fois, c’est ce qui s’est passé dans des marchés porteurs comme en Italie ou en Espagne.
Quel est l’avantage induit de ces lignes en termes d’emplois directs et indirects ?
Déjà, tout le personnel navigant et celui au sol est recruté au Maroc et tout le mouvement suscité va irriguer l’économie locale. Je l’ai par exemple constaté à Agadir lors de ma visite il y a deux semaines où des opérateurs touristiques locaux accueillaient nos passagers pour des excursions dans l’arrière-pays, c’est ce que le mouvement induit pour l’industrie hôtelière, les tours opérateurs locaux, etc. Et le grand avantage de Ryanair est que nous transportons des voyageurs indépendants qui dépensent leur argent localement, ce qui profite directement à l’économie, contrairement à la logique des tour-opérateurs internationaux qui font que cet argent demeure à l’extérieur du pays. C’est très important, car les touristes arrivent avec nous au Maroc à peu de frais et consomment localement.
Les responsables du tourisme marocain espèrent que l'augmentation des vols internationaux et nationaux aidera le pays à attirer 17,5 millions de touristes d'ici 2026, contre 11 millions l'année dernière. En 2019, le Maroc a accueilli 13 millions de visiteurs. Quel est votre objectif en termes de passagers ?
Nous prévoyons déjà de transporter 5 millions de passagers au Maroc l’été prochain et nous visons 9 millions dans un horizon proche, plus de 10 à partir de 2027, et je ne vois rien qui pourrais entraver cette tendance à doubler nos capacités, la moitié dans un sens, l’autre dans l’autre sens des routes. Nous allons contribuer de manière significative à la formidable demande touristique, parce-que, encore une fois nous allons ramener des gens vers des destinations qui n’étaient pas accessibles auparavant et cela couplé à des vols domestiques qui vont permettre aux voyageurs de se déplacer avec facilité à l’intérieur du pays comme cela se fait pour des trajets à escales multiples en Europe. Prenez un Américain qui s’envole à bord de Ryanair de Détroit, puis Paris, puis Athènes et enfin Madrid pour un super grand tour, pouvez-vous imaginer que cette personne pourra faire de même en voyageant à travers le Maroc et cela lors de vacances relativement courtes ? Et d’ailleurs, c’est la tendance très prisée aujourd’hui de passer ses vacances dans deux ou trois différents endroits choisis à la fois et non pas seulement vers une destination unique : vous partez à Agadir, puis lors de votre séjour, ce sera fabuleux de sauter dans un avion pour 2 nuits à Fès pour 300 dirhams, pour revenir après poursuivre vos vacances à Agadir…
Est-ce que cela a été motivé par l’offre « City Breaks » développée par le Maroc ?
Je vois ce que vous voulez dire : chaque personne qui compte dépenser son budget vacances a pour paramètre sensible le temps dévolu à son projet. Tout le monde associe le Maroc à Marrakech, mais si en même temps, ils peuvent programmer avec un accès direct et facilité Ouarzazate, Casablanca, Essaouira, Taghazout Bay ou Tanger, ils seront encouragés à venir pour des « City Breaks » et vous devez savoir que ce sont des gens qui dépensent davantage d’argent et veulent également voyager durant la saison d’hiver et justement le Maroc offre un climat clément à cette période de l’année. Ce que va permettre Ryanair sera d’ouvrir davantage le Royaume du Maroc à ces voyageurs.
Le Maroc va coorganiser la Coupe du Monde 2030. Vos plans visent à atteindre 300 millions de passagers en 2034 et 400 nouveaux appareils. Quelle part de ce plan de développement est réservé au Maroc sachant que vous visez aussi une expansion en Europe centrale et orientale pour détrôner WizzAir ?
Cela en espérant en plus que le Maroc remporte la finale ! (rires). Le gouvernement marocain a une vision, et je pose la question : quelle est cette compagnie aérienne qui dispose en Europe de la plus grande capacité sur les dix prochaines années avec les prix les plus bas et d’un partenariat significatif avec le Maroc ? Notre compagnie dispose aussi de la plateforme nécessaire à cette ambition de drainer des voyageurs vers le Maroc à travers son maillage européen et l’utilisation des réseaux domestiques, et le Maroc est en maîtrise du jeu pour sécuriser la capacité déployée par Ryanair pour la croissance prévue du tourisme dans le pays et pour doubler ses performances à cet horizon.
Quel a été votre argument envers les autorités marocaines pour obtenir leur approbation pour vos projets dans le pays ? Y avait-il un consensus à le mettre en place ?
Il y a une intelligence dans cette initiative de la part des Marocains et nous sommes ravis d’être partenaires de cette ambition. Il y a une formidable évolution de l’économie du pays, la croissance de son PIB, et à chaque fois que je m’y rends, j’ai le loisir de constater son potentiel. Il y a là une réelle vision du Royaume du Maroc à laquelle nous sommes associés…Pour le Mondial 2030, et même si ce n’est que pour 4 semaines et dans 7 ans, nous sommes déjà préparés à combler les besoins de transport là où la compétition se déroulera, en étant une part importante du système d’infrastructure du Maroc.
Pensez-vous qu’un jour vous feriez du Maroc un hub de Ryanair pour l’Afrique subsaharienne ?
Je pense que c’est une question lointaine, ce n’est pas quelque chose qui retient aujourd’hui notre attention. Nous nous focalisons aujourd’hui sur le Maroc et l’Europe. Nous pensons que le Maroc va se développer à une vitesse rapide durant les années à venir. Honnêtement, il y a aussi des opportunités pour d’autres compagnies…
De nombreuses entreprises misent déjà sur les biocarburants pour devenir plus durables. Ryanair est-elle une compagnie aérienne durable ?
Oui, tout à fait. Nous sommes la compagnie la plus durable, nous sommes n°1 en Europe en termes d’ESG et de données CDP (Carbon Disclosure Project, ndlr), cela parce-que nous disposons de la flotte aérienne la plus jeune : l’avion dont nous disposons, le Boeing 737 MAX 8-200 (version densifiée du MAX 8) brûle 16 % de kérosène en moins, offre 4 % d'espace en plus pour les passagers et 14 % de réduction de bruit. De nouveaux appareils arrivent avec l’entrée des MAX 10 en 2027, avec 20 % en moins pour la consommation de carburant, 20 % de sièges en plus et 15 % de réduction de bruit. Nous investissons aussi beaucoup dans les technologies durables avec un engagement à utiliser le SAR (carburant durable) à hauteur de 12,5 % en 2030 sur tous nos avions. Nous travaillons dans ce sens avec les plus importants fournisseurs comme Repsol en Espagne, Neste aux Pays-Bas et d’autres. Nous finançons aussi un projet de recherche majeur dans les biofuels avec le Trinity College de l’Université de Dublin dans l’objectif du « net zéro » à l’horizon 2050. Nous sommes engagés dans ce sens probablement plus qu’aucune autre compagnie en Europe.
Dans une enquête sur les agences de voyages en ligne (OTA, Online Travel Agency) qui surfacturent ses offres, Ryanair a établi une liste des mauvais voyagistes que vous désignez comme « pirates ». La destination Maroc est-elle particulièrement concernée par le « screen scraping » ?
Vous savez, nous avons fait le travail le plus dur : nous avons acheté les avions, nous avons employé le staff, nous avons mené de longues négociations avec les aéroports, les gouvernements, acheter tout le fuel, et voilà que quelque uns viennent sur tout ça pour ajouter des charges alors qu’ils n’apportent aucun service, augmentant les prix et ce faisant éloignent les clients de nous, faisant même en sorte de ne pas communiquer avec eux, les confinant dans un trou noir…Et vous avez comme ça des passagers pour Marrakech qui se retrouvent à payer 50 % de plus, voire davantage pour leurs excédents de bagages…Nous avons pris des mesures contre ces pratiques. Il y a des moyens légitimes et équitables d’acheter des billets en ligne sans devenir la proie de frais injustifiés pour des services fictifs ou de la surfacturation grossière pour des services auxiliaires dont les prix sont compétitifs sur Ryanair.com.
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