
Art L’obsession réparatrice de Kader Attia distinguée par le prix Marcel-Duchamp
C’est l’artiste Kader Attia qui a reçu le prix Marcel-Duchamp 2016. L’annonce s’est faite ce soir au Centre Pompidou à Paris. Créé en 2000 par l’ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l’art français), le Prix Marcel-Duchamp récompense chaque année un artiste français ou résidan en France, novateur et représentatif de sa génération, travaillant dans le domaine des arts plastiques et visuels. Cette année, le Centre Pompidou a, pour la première fois, offert aux quatre artistes nommés (Kader Attia, Ulla von Brandenburg, Yto Barrada et Barthélémy Toguo) une vitrine exceptionnelle de 600 m2 pendant plus de trois mois au sein de la nouvelle Galerie 4.

Diplômé de l’Ecole Duperré et de l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone, Attia vit et travaille actuellement entre Paris et Berlin. Il est souvent question chez Kader Attia de réparation, de reconstruction et de remise en état – d’un point de vue aussi bien physique que psychique, historique ou intime. Films et installations de l’artiste révèlent les fils immatériels et invisibles qui relient entre elles, du Nord au Sud, les sociétés d’aujourd’hui.Cette problématique de la « réparation » innerve son art depuis une quinzaine d’années maintenant. À l’origine de cet intérêt, une étoffe africaine offerte à l’artiste par l’un de ses amis, raccommodée à l’aide d’un morceau de tissu Vichy. Intrigué par ce reprisage, Attia s’est alors intéressé aux objets africains (masques, statuettes et autres éléments divers) ainsi « réparés » et conservés aujourd’hui dans les plus grands musées occidentaux. Kader Attia a exposé à la Biennale de Venise, à la Documenta de Kassel, à la Whitechapel Gallery de Londres et au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
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Né en France en 1970 de parents algériens, Kader Attia a grandi dans un milieu cosmopolite. Porteur de la double nationalité, il est profondément marqué par les différents allers-retours qu'il effectue entre sa banlieue et Bab El Oued avec sa famille.
Kader Attia est un témoin de son époque et voit dans l'art un moyen d'expression et de réflexion sur les questionnements qui lui sont chers, tels que la difficulté à vivre entre les cultures occidentale et orientale, l'islam comme repli communautaire, ou bien la relation complexe qu'entretient la culture dominante, celle de la consommation, avec l'identité réfractaire des pays émergents. Sa volonté première est d’interroger le spectateur sur la société actuelle et ses dérives identitaires.
« Je cherche à déclencher un sentiment politique chez le spectateur. Mon travail est comme nous tous confronté à la réalité. Ce qui m’intéresse, c’est lorsqu'une œuvre pose une question politique pas seulement d’un point de vue linguistique, formel, mais plus d’un point de vue éthique », explique l’artiste.
L’évolution de son œuvre tend vers une part de poésie plus importante, il fuit la brutalité que revêtent en général les œuvres politiques. Si ses premiers témoignages sont directs (photographies), ses œuvres vont évoluer vers l'installation en passant par la création de la marque Hallal. « J’essaie maintenant de fuir le caractère peut-être un peu trop criard, trop bruyant que l’on trouve dans les œuvres d’art à caractère politique en général et dans mes travaux qui remontent à quelques années. ». Kader Attia entretient une relation particulière avec l'architecture et s’intéresse fortement aux travaux de Michel Foucault et Le Corbusier, comme en atteste l’œuvre : Construire, déconstruire, reconstruire : Le Corps utopique.
L'œuvre de Kader Attia peut être décrite comme consistant en une exploration symbolique des traumatismes et des peurs de sa propre enfance. Revendiquant la pluralité de ses appartenances culturelles. Colonie (le mot est barré), un lieu qu’il ouvrira le 21 octobre, à Paris est à la fois un bar, centre de débat, de pensée et d’exposition. Un espace entièrement privé qui veut dépasser tensions et amertumes nées de la colonisation.
Avec Arts & Sociétés, Wikipedia