
Petit écran Nuisent debout
Beaucoup de Marocains étaient rivés devant leur écran de télévision hier pour regarder le documentaire Roi du Maroc, le règne secret (Premières Lignes) du journaliste Jean-Louis Perez, diffusé sur France 3 à une heure bien tardive.
Très attendu, le film, certes équilibré à souhait et loin d’être sensationnaliste ou résolument à charge contre Mohammed VI, est décevant à bien des égards. Survendu par la propre histoire de sa confection, il n’apporte rien au téléspectateur averti.
Destiné avant tout à un public français plutôt habitué aux reportages vantant les lieux magiques du Maroc, il s’attarde trop sur l’enfance du roi, dépeinte à travers quelques rushes d’archives et sur la figure tutélaire de son père Hassan II sous le prisme du célèbre ouvrage Notre ami le roi (Gallimard) dont l’auteur, Gilles Perrault, est convoqué pour la circonstance, pour nous rappeler les affres des années de plomb.
Des 17 années de règne de Mohammed VI, décrites en survol, pour arriver enfin au cœur du sujet, son affairisme et sa résilience face aux Printemps arabes, le documentaire ne retient que quelques étapes clés : la chute du vizir Basri, la réforme de la Moudawana, des réalisations phares comme le port de Tanger-Med…Rien d’affriolant en somme.
Du Roi prédateur (Le Seuil), le livre compilatoire de Catherine Graciet et d’Eric Laurent, qui a servi de scripte au documentaire, Perez n’en retient sur le volet des affaires de la holding royale, que le cas Auchan, la position du monarque dans le classement Forbes des têtes couronnées les plus fortunées du monde, sa prévalence dans l’économie … Le film nous repasse des plats réchauffés.
L’épisode du 'chantage au roi' y est habilement incrusté, où l’ont voit Graciet faire son mea-culpa. Les relations franco-marocaines sont traitées sous l’angle de l’affranchissement du paternalisme néocolonial et de la coopération sécuritaire que la glaciation de 2014 est venue un temps perturber.
La thèse est entendue. Après un semblant d’ouverture en début de règne, c’est le temps du raidissement que décrivent les intervenants marocains à travers le témoignage du prince rouge au discours particulièrement mesuré, le parcours heurté de journalistes vivant aujourd’hui à l’étranger, d’anciens militaires défroqués pour avoir dénoncé la corruption au sein de leur unité, de membres de la société civile critiques à l’endroit du régime.
Aucun d’eux n’appelle à la révolution, du moins dans le documentaire. Le jour de sa diffusion à la télévision, sept opposants à la monarchie – dont deux témoins du film- s’étaient réunis sous les fenêtres du roi à Betz pour manifester « contre la dictature ».