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22.06.2016 à 00 H 00 • Mis à jour le 24.07.2016 à 22 H 46 • Temps de lecture : 5 minutes
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Rencontre Un talk vite fait avec Hassan Hajjaj, l’Andy Warhol de Kech

On l'a chopé à Essaouira au Riad Loubane. Evidemment le qualifier de Warhol du coin ça lui fait plaisir. Il nous parle de la rappeuse M.I.A, des Kesh Angels aperçues avec Lmajarred et ses sacs de farines. Un tour en mob quoi.

Essaouira. Hassan Hajjaj ne se prend pas au sérieux. Bien qu’il soit un artiste reconnu à l’échelle mondiale, il débarque à Riad Loubane – qui abritait les photos de son projet avec Marouane Lbahja,  Colors of Gnawa  - sans fracas et une heure avant son acolyte. Vêtu d’un short cargo, un vieux t-shirt délavé et une veste en cuir, il se met en retrait pour que les journalistes s’intéressent aux Mâalems Gnawis qui l’accompagnent. Pour une fois qu’il était accessible au Maroc, nous l’avons pris à part le temps d’une interview, qui n’était pas évidente à retranscrire étant donné son fort accent londonien.


Hassan Hajjaji conversant avec ses amis gnaouas. MOHAMED DRISSI KAMILI / LEDESK


Est-ce que c’est flatteur d’être surnommé le Andy Warhol de Marrakech ?

Je trouve le surnom assez drôle surtout. En 2001, j’ai eu l’opportunité d’exposer mon travail à Paris et j’ai tourné ce surnom en dérision en baptisant mon exposition 3andi Walou, parce que justement je n’avais rien, tous les objets exposés étaient fabriqués à partir de produits recyclés. Les journalistes étrangers ont voulu me coller cette étiquette coûte que coûte, alors que je n’ai rien à voir avec Andy Warhol  je n’ai pas fait d’école d’art par exemple, j’ai même quitté l’école à l’âge de quinze ans.


Mais vous n’aimez pas, non plus, qu’on précise à chaque fois que vous êtes un artiste arabe…

Quand j’ai commencé à être connu, j’étais « Hassan Hajjaj l’artiste marocain basé à Londres », puis je suis devenu « Hassan Hajjaj l’artiste basé à Londres et au Moyen Orient », « Hassan Hajjaj l’international », « Hassan Hajjaj le nouveau Andy Warhol » etc. Quand on vous colle ce genre d’étiquette c’est généralement avec de bonnes intentions, donc je le prends comme un compliment.


Comment vous est venue l’idée du gang de filles sur mobylettes ?

C’était une évidence. Je travaillais beaucoup à Marrakech et j’y ai connu ce groupe de neqachates qui se déplacent en Peugeot 103. Je n’ai pas vraiment mis des filles sur mobylettes – à Marrakech tout le monde conduit une mobylette – mais j’ai ajouté ma touche personnelle pour en faire quelque chose de frais et d’international tout en préservant leur marocanité. J’aime travailler avec les éléments qui existent déjà et qui m’entourent, car quand on est artiste, on a tendance à trop réfléchir. Le groupe s’appelle Kesh Angels, à la Hell’s Angels.


Gang of Kesh part 2 (2000) de Hassan Hajjaj


Et quelques temps après, la rappeuse M.I.A s’est appropriée le concept dans son clip – tourné à Ouarzazate d’ailleurs - pour sa chanson « Bad Girls » sans vous créditer…

Oui, et je trouve toujours étrange ce qui s’est passé (rires). J’ai encore des échanges d’emails avec elle, car je lui ai parlé deux ans avant la sortie de son clip - parce que je voulais faire des photos d’elle, j’aimais bien son travail et je lui ai montré le mien – et six mois après. Quand j’ai vu la vidéo, je me suis dit « ce n’est pas possible qu’une personne ait exactement la même sensibilité artistique que la mienne ». Bon, apparemment elle a twitté comme quoi j’étais la personne qui a inspiré l’esthétique de son clip, etc.

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Et cela s’est arrêté là ?

Vous savez, je n’ai même pas Twitter, c’est un ami qui me l’a dit. Mais je crois au karma et au sbar. Quelques temps après, elle a divorcé et son ex-mari - Benjamin Bronfman, membre des familles Bronfman et Lehman qui comptent parmi les plus riches et puissantes du monde, ndlr – qui n’était même pas au courant de ce litige entre elle et moi, a financé en partie un de mes openings à New York.


On retrouve les Kesh Angels dans le clip de Saâd Lmjarrad, « Lmâalem  ». Quelle est l’histoire derrière cette collaboration ?

L’une de mes ambitions c’est d’amener mon travail à des degrés de popularité de plus en plus élevés. C’est Amir Rouani, le réalisateur, qui m’a contacté  je ne pense pas que Saâd connaissait vraiment mon travail avant.


Êtes-vous satisfait du résultat ?

Oui, même si ce n’est pas mon univers. J’ai fait un film sur les Kesh Angels qui s’appelle Karima, j’ai tenu à ce qu’il soit brut et raboteux, afin qu’il demeure le plus réaliste possible. En contraste, le clip de Rouani a un côté chewing gum, il est plus pop’.


Hassan Hajjaji au Riad Loubane. MOHAMED DRISSI KAMILI / LEDESK


Dans votre travail vous utilisez beaucoup les vieux sacs de farines en tissus, les caisses de Coca Cola et d’autres objets réminiscents d’une époque que vous, qui avez quitté le Maroc à l’âge de quatorze ans, considérez comme joyeuse. Vous êtes bien conscients que ces objets rappellent une période qui n’évoque pas forcément le bonheur pour une partie des Marocains ?

J’en suis bien conscient mais ce sont des objets qui étaient là quand j’ai quitté le Maroc et que j’ai retrouvés à mon retour. Quelque soit le pays d’origine, quand on le quitte aussi jeune, tout ce qu’on en garde ce sont les souvenirs, car la culture et les traditions changent avec le temps, mais ce qu’on garde en tête c’est c’est la version du pays qui s’imprime dans la mémoire au moment exact où on le quitte. Je pense que si je n’avais pas vécu tout ce temps à Londres, si je n’avais pas quitté le Maroc aussi jeune, il y aurait une toute autre esthétique dans mon travail.

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