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25.05.2018 à 21 H 06 • Mis à jour le 26.05.2018 à 02 H 45 • Temps de lecture : 1 minutes
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Tavor israélien: la DGSN joue sur les mots pour démentir

Des images de la parade des commandos d’élite de la BCI lors du 62e anniversaire de la création de la police ont révélé qu’ils étaient équipés du fusil d’assaut israélien Tavor X95. La DGSN a cependant démenti dans un communiqué qu’il s’agissait d’« armes à feu israéliennes ». En réalité, elle joue sur les mots pour brouiller les pistes et éviter ainsi la critique
À l'origine
Lors de la célébration à l’Académie royale de police de Kénitra le 17 mai du 62e anniversaire de la création de son corps par la Direction générale de la sécurité nationale (DGSN), les unités en parade étaient équipées du fusil d’assaut israélien IWI Tavor X95, a rapporté le 24 mai, le site spécialisé Mena Defense qualifiant de première l’usage public de cette arme par un pays d’Afrique du Nord ou du Moyen Orient, à l’exception d’Israël et de la Turquie.

Le Tavor X95 israélien est de conception bullup. Ce modèle est en tous points similaires avec ceux portés par les commandos à la parade.
Les détails
L’information a été alors reprise au Maroc sous la forme interrogative par Yabiladi et de manière affirmative par Le Desk, puis par d’autres médias à l’international, à l’instar de l’agence russe Sputnik.

Ce 25 mai, la DGSN a cependant émis un communiqué pour démentir l’information : « La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a démenti de manière catégorique (…) avoir présenté des armes à feu israéliennes lors de la parade annuelle à l'occasion de la célébration du 62ème anniversaire de la création de la sûreté national »,

La DGSN a indiqué, dans ce communiqué relayé par l’agence officielle MAP, qu'un « site électronique étranger a diffusé une information selon laquelle la police marocaine aurait présenté, au cours de la parade annuelle organisée à l'occasion de la célébration du 62ème anniversaire de la création de la sûreté nationale, des armes à feu israéliennes, prétendant que le Maroc à l'habitude d'acquérir des armes et des équipements sécuritaires de la même source ».

« Tout en démentant de manière catégorique cette information qui a été reprise par certains sites d'information nationaux, la DGSN souligne que les contrats d'acquisition des armes à feu collectives cités par le site étranger ont été signés avec une société européenne spécialisée, ajoutant que ces contrats publics sont soumis aux dispositions et législations nationales en vigueur », conclut le communiqué.

Réagissant promptement à ce démenti, quelques twittos ont tout de suite reproché au Desk d’avoir repris l’information d’un site algérien (Mena Defense) sans vérification ou par complaisance,  laissant ainsi entendre qu’il s’agirait d’une manipulation.
Les faits réels
Il est indubitable que les armes qui ont équipé les commandos de la Brigade centrale d'intervention (BCI) lors de la parade sont bien des Tavor X95. Leur identification n’a en réalité pas été faite par le site algérien qui n’a pas livré sa source comme il se doit, mais des passionnés chevronnés du forum FAR-Maroc dès le 17 mai. Ils ont d’ailleurs posté des agrandissements des images filmées par Al Oula qui ne laissent aucun doute sur ses caractéristiques et son origine, le Tavor étant le seul fusil de cette gamme à avoir ces types de rainures sur sa crosse et le long de son canon.

Un commando du BCIJ filmé de près par Al Oula, mettant le Tavor en évidence. FAR-Maroc


A bien lire attentivement le communiqué de la DGSN, il est remarquable qu’il joue sur les mots. D’abord, il évite soigneusement de mentionner la marque du fusil d’assaut, ni le Tavor X95, ni celle prétendue en creux. Pourtant, un fusil, aussi soit-il des forces spéciales, n’est pas classé secret-défense. On comprend pourquoi en lisant la suite du démenti.

C'est en effet par son phrasé que le démenti trompe le public par omission, parlant « d’armes israéliennes ». Là, la définition est équivoque, laissant entendre qu’elles ne sont pas d’origine israélienne, alors qu’on peut comprendre aussi qu’elles ne proviennent pas directement ou ne sont pas usinées par un fournisseur israélien.

Et c’est d’ailleurs confirmé plus loin dans le texte du communiqué qui, pour enfoncer le clou, affirme que « les contrats d’acquisition (…) ont été signés avec une société européenne spécialisée ». N’aurait-il pas été plus simple de dire que ses armes ne sont pas de conception israélienne et de livrer leur origine ?

En fait, les spécialistes des marchés d’armement savent pertinemment que les firmes israéliennes ne concluent pas de contrat en direct avec certains pays, arabes notamment, pour des raisons évidentes liées au boycott de toute marchandise en provenance de l’Etat hébreu ou en raison de diverses contraintes législatives.

Pour contourner les interdits, des firmes spécialisées intermédiaires servent de paravent à ces transactions. Dans ce secteur, l’industrie militaire israélienne a poussé plus loin la logique commerciale en concédant des licences à des entreprises de pays tiers.

Dans le cas du Tavor, conçu par l’armurier Israeli Weapons Industries (IWI), il est aussi produit sous licence en Inde par Indian Ordnance Factories, au Brésil par Latin American Aerospace and Defense (LAAD) et aussi pour la zone Europe en Ukraine par la firme RPC Fort. Et selon nos informations, ce pourrait être cette dernière firme évoquée par la DGSN lorsqu’elle parle de « société européenne » qui concernerait la livraison aux forces de police marocaines de la version FORT-224 du Tavor, mais des sources spécialisées  tempèrent cette option, la licence ukrainienne serait réservée à un usage local. Faudrait-il alors chercher auprès d'un trader qui aurait réalisé une opération unique pour des quantités limitées ?
Le verdict
Si le fournisseur direct de la police marocaine du Tavor n’est pas en effet une firme israélienne, s’agissant soit de la firme ukrainienne RPC Fort soit d'un courtier en armement, il n’en demeure pas moins que le fusil vu lors de la parade de Kénitra est bel et bien d’origine et de conception israélienne. Mais le reconnaître particulièrement dans ce contexte tendu au Proche-Orient, pourrait auprès de l’opinion publique marocaine très attachée à la cause palestinienne être mal reçu, d’où la pirouette du démenti de la DGSN...

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