n°743.Antivax : Une peur irrationnelle du vaccin qui ne date pas d’hier
Les craintes contre un vaccin ne datent pas d'hier : développé en 1798, celui contre la variole suscitait déjà craintes et suspicions. Même chose en 1880, en Angleterre, où les Anglais manifestaient leur mécontentement. Plusieurs raisons se cachaient derrière les craintes de l'époque, qui ne sont pas si différentes de celles d'aujourd'hui. L'obligation de se faire vacciner est, et a toujours été considérée comme une atteinte à la liberté, comme l'étaye un article de l'Université de New York à Prague.
Les craintes d'hier sont aujourd'hui décuplées par la rapidité du digital et du numérique : la désinformation s'y impose, et est rapidement relayée. La désinformation fait d'ailleurs le nid des théories complotistes les plus folles.
Un article de Portland Press, revue dédiée au sciences de la vie cellulaire et moléculaire, rappelle d'ailleurs que les croyances complotistes et le comportement anti-vaccination sont très souvent liés.
Au Maroc, les raisons qui poussent la population à ne pas se faire vacciner sont souvent les mêmes qu'ailleurs, un mélange de désinformation, comme on l'a précédemment vu au sujet de l'impuissance sexuelle et de l'infertilité féminine. Légère différence : les raisons motivant le comportent antivax sont mises en exergue à coups d'arguments religieux ou communautaristes fallacieux.
Exemple par excellence : le média Aabbir qui tend son micro à un homme présenté comme « un cheikh » qui affirme que le vaccin est dirigé « contre les musulmans ». Dans le direct, enregistré le 14 décembre dernier, l'homme conseille aux personnes vaccinées d'utiliser du gingembre et du citron pour contrer les effets du vaccin qu'il qualifie de « virus ».
Dans la vidéo d'Aabbir, qui compte 10 000 « j'aime » et plus de 2 000 commentaires, on peut voir le prédicateur piquer le haut d'une bouteille fermée avec une seringue. Le piston de la seringue en question se redresse à cause de la pression de l'air, mais pour lui, c'est une preuve irréfutable que le vaccin n'est pas bon pour l'être humain et qu'il peut « provoquer la paralysie chez les personnes qui n’ont pas d’immunité ».
Or, Les Observateurs de France 24 ont déconstruit cette fausse nouvelle, qui circulait déjà sur les réseaux sociaux en 2020, précisant que sur 22 000 personnes vaccinées, seulement 4 cas de paralysie ont été recensés. Cette pathologie, appelée paralysie de Bell, touche les nerfs du visage, pendant quelques semaines ou mois. Aucun lien de corrélation entre l'administration du vaccin et la paralysie n'a été relevé.
Comme le précise toujours Portland Press, des études ont montré un lien entre le mouvement antivax et le recours à la médecine prophétique ou alternative. D'après l'auteur de l'article, il s'agirait plutôt d'un manque de confiance envers le système médical occidental et moderne.
Les vaccins et les infox sur le halal
Le Point, dans un reportage consacré au Maroc, avait d'ailleurs interrogé des antivax sur les raisons qui les poussent à ne pas se faire vacciner. Les réponses tournent souvent autour de la religion associée à des infox : « Je suis un homme de foi et Allah m'a confié ce corps dont je suis responsable. Je me dois d'en prendre soin. J'ignore les composantes de ce vaccin. Il se peut qu'il contienne des éléments toxiques, chimiques, voire proscrits par notre religion ». Sa source ? Facebook. Persuadé que le vaccin d'AstraZeneca contient de la gélatine porcine, celui de Sinopharm rendrait mécréant, et Sputnik V rendrait dépendant à la vodka.
La composition des vaccins contre le Covid-19 a fait l'objet de fausses rumeurs au sein de plusieurs communautés religieuses. Et sur les réseaux sociaux, les mouvances anti-vaccins n'hésitent pas à semer le doute chez les fidèles, notamment musulmans.
Les craintes au sein la communauté musulmane sont relatives au fait que le vaccin puisse contenir des substances qui ne seraient pas halal. Et certains sont prêts à relayer des informations fausses ou biaisées, ou des publications mensongères.
Pour couper court à la polémique, les laboratoires Pfizer/BioNtech, Moderna et Astrazeneca ont indiqué de leur côté ne pas utiliser de gélatine de porc dans leurs vaccins contre le Covid-19.
« La croyance en la médecine est l'un des enseignements fondamentaux de l'Islam », affirme le théologien Mohammed Tahir al-Qadri, cité dans nombre de médias. « Ils sont toujours tournés vers la raison, l'intelligence, la recherche scientifique et le développement intellectuel ». Les instances religieuses de la plupart des pays musulmans ont d'ailleurs expliqué que selon la majorité des savants musulmans, le vaccin n’est pas concerné par la question halal/haram, le médicament n’étant pas un produit de consommation comme la viande ou la boisson.
« La faute aux juifs »
D'après le même prédicateur mis en vedette par le site Aabbir, le virus du Covid-19 « est venu des juifs », citant Kadhafi. Il ajoute « qu'ils (les juifs) veulent mettre fin à la virilité avec ce virus ». Une montée de l'antisémitisme avait été recensée bien avant la pandémie par le Centre Kantor de l'Université de Tel-Aviv, rapportée par Le Figaro.Dans son rapport annuel, l'Université a compté « 456 actes violents antisémites dans le monde en 2019, soit une hausse de 18 % ».
Cette haine s'est encore plus creusée avec les débuts de la pandémie, comme au 14ème siècle « lorsque les juifs étaient jugés responsables de propager la peste bubonique », précise l'Organisation des Nations Unies sur son site...
Au Maroc, comme ailleurs, certains youtubeurs, relayés par des médias numériques entrainés dans la spirale du clic se sont emparés du thème de la vaccination et participent à l'instauration d'un climat de défiance. Il n’est pas ici question d’anthroposophie, doctrine sectaire que l’on croise notamment en Europe, mais plus d’une recherche de notoriété sur internet dans le but de monétiser des contenus de manière totalement irresponsable, usant de la peur et prospérant souvent sur le terrain de l'ignorance.
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.