n°736.Argent public versé aux partis politiques: les mêmes critiques d’année en année
Depuis ce vendredi, le rapport relatif à l'audit des comptes des partis politiques et à la vérification de la sincérité de leurs dépenses au titre du soutien public est disponible sur le site web de la Cour des comptes. L'institution, présidée aujourd'hui par Zineb El Adaoui, a mis en ligne une version intégrale, en langue arabe, et une synthèse en langue française.
En guise de remarques générales, la Cour relève « une amélioration continue de la performance financière et comptable des partis politiques, notamment en matière de justification de leurs dépenses, de certification de leurs comptes et de restitution au Trésor public d’une partie du soutien indu, non utilisé ou utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles il a été accordé ou dont l’utilisation n’a pas été appuyée par les pièces justificatives prévues par les lois et règlements en vigueur », peut-on lire.
On note aussi la mise en œuvre de la plupart des recommandations (de la Cour des comptes) par les ministères chargés de l’Intérieur, des Finances et de la Justice, en matière d'adoption de la nomenclature des pièces justificatives des recettes et des dépenses et l’actualisation du plan comptable normalisé des partis politiques.
Au total, ce sont six points que la Cour des comptes a dressé comme étant des observations et recommandations.
Stabilité des ressources et légère diminution des dépenses
121,93 millions de dirhams (MDH) est donc le montant total des ressources des 26 partis politiques au titre de l'année 2020. Ces ressources émanent de soutien de l'État (64,63 MDH) et des ressources propres des partis qu'on fixe à 57,30 MDH. Des ressources que la Cour juge de relativement stable par rapport à l'exercice 2018, souligne-t-on.
Il est à noter que la loi de finances de 2020 avait prévu une enveloppe budgétaire de 80 MDH pour les partis politiques. Seulement 64,44 MDH seront effectivement octroyés, apprend-on.
« Le soutien annuel sus-indiqué a été réparti entre 26 partis au titre de la contribution de l’Etat à la couverture de leurs frais de gestion pour un montant de 58,12 MDH, en plus du soutien accordé au parti d’Authenticité et Modernité, d’un montant de 6,31 MDH, au titre de la contribution de l’État à la couverture des frais d’organisation de son congrès national ordinaire (tenu du 07 au 09 février 2020) », indique-t-on. 1,87 MDH n'ont cependant pas été accordé à quatre formations politiques, en raison de leur irrégularité face au Trésor public. Il s'agit du Parti du Mouvement Démocrate Social, du Parti Démocrate National, du Parti de l'Union pour la Démocratie et enfin du parti Al Ahd Addimoqrati.
En matière de répartition des ressources propres des partis politiques, composées essentiellement de contributions et de cotisations des membres et de frais non courants, on apprend que c'est le Parti de la Justice et du Développement (PJD) qui se classe en premier avec 27 %. Il est suivi par le parti du Rassemblement National des Indépendants (RNI) avec 20 %, du Parti de l'Authenticité et de la Modernité (PAM) avec 19 % et enfin du parti de l'Istiqlal avec 11 %.
Pour ce qui est des dépenses, on note qu'il sont en légère baisse (de 16 %) par rapport à l'exercice 2019. Elles sont de 122,07 MDH. Encore une fois, le PJD arrive en tête des partis ayant le plus dépensé avec 25 %, 22 % pour le RNI au même niveau que le PAM, et 13 pour l'Istiqlal.
Des fonds à restituer et une comptabilité à améliorer
Si 20 partis politiques ont restitués au Trésor public une partie du soutien non justifié qui leur a été accordé par l'État, il en reste pas moins, comme le souligne la Cour, que certains partis n'ont pas encore restitué ces fonds. Il s'agit d'un total de 7,76 MDH. La Cour des comptes demande pour cela au ministère de l’Intérieur de poursuivre les efforts fournis pour inciter les partis politiques à restituer au Trésor public les montants non justifiés du soutien de l’État.
Par ailleurs, tenus d'adresser à la Cour des comptes leurs comptes annuels pour l'exercice 2020 au plus tard le 31 mars 2021, certains politiques n'ont pas respecté ce délai : il s'agit notamment de l'Istiqlal, du parti du Mouvement Démocratique et social, du parti Démocrate national, du parti de la Réforme et du Développement et enfin du parti de l'Union Marocaine pour la Démocratie.
Quatre autres partis ont cependant failli à cette obligation : le Parti Marocain Libéral, le parti Al Ahd Addimoqrati, le Parti des Forces Citoyennes et le parti de l'Union Nationale des Forces Populaires. Parmi d'autres formations politiques, le Parti de l'Istiqlal est aussi épinglé pour avoir présenté des comptes certifiés avec réserve des experts-comptables.
Autant de griefs qui pousse la Cour à recommander aux partis politiques de veiller au respect du délai légal de production des comptes et de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur certification conformément au plan comptable normalisé et à la norme 5700 du manuel des normes d’audit légal et contractuel.
Même remarque au niveau de la comptabilité qu'on demande d'améliorer. Sur la trentaine de partis politiques passés à la loupe, huit ont tenu leur comptabilité conformément au Code Général de la Normalisation Comptable (CGNC), sans toutefois tenir compte des adaptations prévues par le plan comptable normalisé des partis politiques. De même, 11 partis n’ont pas transcrit au niveau du compte « Etat-créditeur » de leurs bilans les montants du soutien à restituer au Trésor public, précise-t-on.
« Le parti de l’Istiqlal a enregistré des montants perçus de son imprimerie comme des dons au niveau de sa comptabilité, et ce à l’encontre du principe de la clarté, selon lequel les opérations doivent être inscrites dans les comptes dans la rubrique adéquate », indique-t-encore, épinglant encore la formation de Nizar Baraka.
Parmi les autres partis critiqués, on retrouve aussi le PJD, à qui on reproche de « ne pas reporter les mêmes soldes de l’exercice précédent au niveau des comptes « Mobilier, matériel de bureau et aménagements divers » et « compte de régularisation passif-Produits constatées d'avance », et ce à l’encontre de la règle d’intangibilité du bilan, selon laquelle le bilan d’ouverture d’un exercice est le bilan de la clôture de l’exercice précédent, et les soldes des comptes du bilan de clôture d’un exercice sont systématiquement repris à l’ouverture de l’exercice suivant, sans aucune correction ou modification ».
Enfin, la Cour des Comptes conclut son réquisitoire en demandant au ministère de l'Intérieur d'organiser des cycles de formation en faveur des cadres chargés de la gestion administrative et financière des partis politiques, et de veiller à l'élaboration d'un manuel de procédures comptables et la mise en place d'un système d'information unifié, en vue d'une utilisation optimale du plan comptable normalisé des partis politiques.
Des remarques émises ce vendredi par le rapport de l'institution financière qui ressemblent cependant en plusieurs points au précédent rapport pourtant sur l'exercice 2019...
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