n°883.Cahier des charges de la FIFA: les défis du Maroc en vue de 2030
Le Maroc rêve de Coupe du Monde depuis 1994, date de la première candidature marocaine pour accueillir l’événement planétaire. Les tentatives s’enchaîneront pour le Royaume qui présentera des dossiers pour 1998, 2006, 2010 et 2026, en vain.
Pour 2030, le Maroc s'appuie sur deux partenaires voisins en présentant un dossier de candidature commun avec l’Espagne et le Portugal, avec la ferme intention d’organiser le premier Mondial sur deux continents. Après l’augmentation du nombre d’équipes nationales participantes (48 au lieu de 32 nations), des défis de taille dans différents secteurs attendent le pays, en vue de cocher toutes les cases d’un cahier de charge des plus exigeants. Pour le moment, le dossier ibéro-marocain n'aura comme concurrent, que le dossier sud-américain commun entre l'Uruguay, le Paraguay, le Chili et l'Argentine.
Le 22 juin, après la réunion hebdomadaire du Conseil du gouvernement, Aziz Akhannouch a présidé la première réunion du comité, présidé par Fouzi Lekjaa, qui supervisera la présentation du dossier de candidature de notre pays pour abriter le Mondial 2030, conjointement avec l’Espagne et le Portugal. Durant cette réunion, différents aspects organisationnels et logistiques ont été examinés en plus du plan de mise en œuvre, pour être conforme avec les grandes exigences de la FIFA, et son imposant cahier de charges pour l'organisation d'un Mondial à 48 équipes.
Logistiques et infrastructures
Développement des infrastructures, solutions logistiques, ressources financières, exonérations fiscales, procédures administratives simplifiées, sécurité, l'exploitation des droits commerciaux et les infrastructures de télécommunications, le cahier de charge approuvé par le Conseil de la FIFA où siège notamment Fouzi Lekjaa, fait le tour des exigences de l’instance dirigeante du football mondial en vue de l’attribution de l’organisation du Mondial.
Niveau infrastructures, la candidature doit proposer au moins 14 stades appropriés, dont sept déjà prêts et opérationnels. Ces stades doivent respecter des critères spécifiques liés à la capacité, 40 000 places pour les matchs de la phase de groupe, 60 000 pour les stades avancés de la compétition et 80 000 places pour le match d’ouverture ou la finale, indique le document consulté.
Pour le moment, les comités chargés du dossier de candidature, des trois pays, n’ont pas encore communiqué les noms des villes choisies pour l’organisation du Mondial, mais c’est une certitude que seules les grandes villes des trois pays seront concernées, compte tenu des critères relevés par le cahier de charge, surtout au niveau des installations.
La FIFA souligne aussi l’importance de disposer de toitures complètes pour les stades. Toutes les tribunes doivent être couvertes, alors que ce n’est pas le cas pour les stades déjà existants comme ceux de Fès, de Rabat ou de Tanger.
Le Maroc et ses partenaires sont sommés de mettre en place des sites d'entraînement adaptés, des hébergements pour les équipes, des espaces pour accueillir les événements connexes tels que le tirage au sort et le Congrès de la FIFA, qui est généralement prévu au pays organisateur du Mondial, ainsi que des installations pour les médias et les diffuseurs.
Assurer une coordination fluide entre tous ces éléments logistiques représentera un défi majeur pour le pays, puisque les autoroutes qui lient les villes concernés, connaîtront également des travaux de mise à niveau. Les villes hôtes doivent également disposer d’une capacité hôtelière suffisante pour accueillir les supporters par milliers. La cahier de charge note que les établissements doivent être étoilés (3 à 5 étoiles), pour pouvoir accueillir non seulement les supporters, mais aussi certains fonctionnaires et prestataires de l’instance. La capacité d’hébergement de chaque ville ne concerne pas seulement les hôtels, mais aussi les auberges, maisons d’hôtes et le nombre de chambres et appartements proposés sur des sites spécialisés comme Airbnb et Booking.
Non moins important, l’aménagement de zones réservées au FIFA Fan Festival (Fan Fest) où les supporters se rassemblent pour y suivre tous les matchs du Mondial sur un écran géant, dans une ambiance festive (Concerts, vente de produits dérivés, vente de nourriture sur place etc.). La FIFA exige que pour chaque ville hôte, deux lieux sois proposés. Des endroits connus, qui disposeraient éventuellement d’un poids historique et qui soient surtout accessible par les différents moyens de transport publics pour rassembler en moyenne 12 000 personnes par jour.
IT, fiscalité et droits commerciaux
Être à la pointe technologique n’est plus qu’une option pour accueillir le Mondial, mais une exigence soulignée par la FIFA, pour garantir une transmission médiatique mondiale ininterrompue durant toute la durée de la compétition.
La Maroc doit répondre aux normes internationales les plus élevées en matière d'infrastructures de télécommunications et informatiques (IT), comme à titre d’exemple, les couverture internet 5G et fibre, qui doivent concerner les villes hôtes.
La FIFA souligne que le gouvernement marocain doit garantir l'accès sans restriction à l'importation et à l'exportation de devises étrangères, durant la durée de la compétition, ainsi qu'à leur conversion en monnaie locale sans imposition de taxes et en conformité avec les conditions du marché international des changes. L’instance a prévu toute une sous partie de son cahier de charge à la question des exonérations fiscales.
La FIFA est une association régie par le droit suisse et les bénéfices qu'elle génère doivent être utilisés conformément à ses objectifs statutaires, notamment le développement du football et l'organisation d'événements liés à ce sport. Cependant, toutes les recettes générées par la FIFA, y compris celles issues de la Coupe du Monde, sont soumises au régime fiscal ordinaire en Suisse.
Pour éviter les coûts fiscaux indirects pour la FIFA, le pays hôte du Mondial est tenu de fournir une exonération fiscale limitée à certaines tierces parties impliquées dans l'organisation de la compétition et des événements connexes. Il inclut les associations hôtes, les confédérations de football continentales, les associations membres de la FIFA, le diffuseur hôte, les prestataires de services de la FIFA, les entrepreneurs de la FIFA et certaines personnes désignées. Ces exonérations fiscales sont limitées dans le temps et s'appliquent uniquement aux activités liées à la compétition et aux événements connexes.
Au niveau de l’exploitation des droits commerciaux de la compétition, le Maroc en tant que pays hôte pourra profiter de retombées positives de la Coupe du Monde sur le long, court et moyen terme.
En revanche, le cahier de charge relève que la FIFA doit être en mesure de pleinement exploiter ses droits commerciaux liés à la compétition. Le gouvernement est chargé de reconnaître et de protéger les droits commerciaux de l’instance suisse, en veillant à ce qu'aucune restriction légale n'entrave l'exploitation de ces droits. Cela inclut la publicité et la consommation de biens et services dans les stades et les sites utilisés pour la compétition. De plus, le Maroc doit soutenir la protection des droits de propriété intellectuelle de la FIFA, y compris les marques de compétition et la musique officielle de la compétition.
Sport, sécurité et droits de l’homme
La sécurité sera une autre une montagne à gravir pour le Royaume. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes préoccupations de l’instance suisse, en raison de l'importance publique et de l'ampleur mondiale de sa compétition phare. Le Maroc doit élaborer une stratégie de sécurité en collaboration avec les autorités compétentes pour assurer la sécurité des sites de la compétition, des centres d'entraînement, des hôtels officiels, des centres d'accréditation, des centres médiatiques, etc. « Les autorités du pays hôte sont entièrement responsables », de la sécurité et des mesures nécessaires pour la réussite de l’événement, souligne le cahier de charge.
En terme du respect des droits de l’homme, la FIFA se réserve le droit demander aux pays candidats de présenter des plans détaillés démontrant comment ils ont l'intention de respecter et de promouvoir les droits de l'homme dans le cadre de l'organisation de la compétition. Des plans qui concerneraient les divers aspects, tels que les conditions de travail des ouvriers du bâtiment chargé de la construction des stades et autres infrastructures nécessaires à l'organisation du Mondial, les mesures visant à prévenir la discrimination et les violations des droits de l'homme, les initiatives de durabilité environnementale, ainsi que la promotion de l'inclusion sociale à travers le sport.
C’est d’ailleurs à ce niveau que le Qatar et la FIFA ont été pointés du doigt à l’approche du coup d’envoi de Mondial 2022. La FIFA a ensuite trouvé un terrain d’entente avec le gouvernement local, surtout concernant les droits des personnes LGBT, et la présence du drapeau arc-en-ciel en tribunes ou dans les lieux publics. Finalement, tous les signes ont été interdits « par respect aux traditions et aux valeurs culturelles du pays hôte ». Le Maroc devrait se pencher sur ces volets à l’avance, évitant ainsi toute mauvaise surprise de dernière minute, tant que la candidature est commune avec le Portugal et l’Espagne.
Sportivement, le Maroc doit s’assurer d’être en passe avec les principes de la FIFA qui prône aujourd’hui le développement de la formation et surtout, la promotion du football féminin. A ce niveau, la Fédération Royale Marocaine de Football a entrepris un travail de mise à niveau depuis déjà quelques années qui a fait que les joueuses disposent aujourd’hui de contrats professionnels et des salaires décents. En 2022, le pays a accueilli la Coupe d’Afrique féminine la plus aboutie de l’histoire, à en croire le président de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe qui n'a pas cessé de remercier les supporters d'avoir répondu à l'appel, notamment lors de la finale de tous les records (Maroc-Afrique du Sud 1-2 ndlr) qui a connu la présence de plus de 50.000 supporters. La CAF a ensuite attribué au Royaume l’organisation de l’édition suivante de la compétition, prévue en 2024.
Pour attribuer l’organisation de toute compétition placée sous son égide, la FIFA exige désormais que le pays hôte dispose de sélections de football féminin, toutes catégories confondues. Ces exigence ne figurent pas essentiellement sur le cahier de charge, mais font partie des programmes de développement et des cases à cocher pour être conforme aux orientations de l’instance, qui promeut le « football pour tous », surtout en Afrique.
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