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27.05.2021 à 17 H 23 • Mis à jour le 28.05.2021 à 02 H 59 • Temps de lecture : 5 minutes
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n°688.Comment Israël veut amener Hamas à se plier aux Accords d’Abraham

La droite israélienne veut donner au mouvement Hamas l’illusion d’une victoire pour pouvoir négocier avec lui un nouveau plan de paix qui ferme la parenthèse de la logique de « deux peuples, deux Etats » et faire des Accords d’Abraham la nouvelle base des négociations

La question palestinienne est de retour. Tel le Phénix, elle renait de ses cendres pour nous rappeler qu’elle ne se laisse jamais consumer, ni par le mépris du gouvernement israélien, ni par l’indifférence de la communauté internationale. Ce retour fracassant, dont les multiples ressorts méritent une analyse fine, se déroule dans un contexte israélien marqué par une discrimination rampante et de plus en plus croissante contre les arabes israéliens.


Aujourd’hui, Israël est aux prises avec des tensions internes, celles d’une extrême-droite juive qui s‘affronte régulièrement avec des arabes israéliens, une communauté qui représente désormais pas moins de 20 % de la société israélienne.


L’analyse chronologique des événements tragiques survenus en plein mois de Ramadan nous démontre que les institutions israéliennes n’ont pas su, ou pas voulu, prendre en compte la frustration des arabes israéliens. Un sentiment de déni de justice qui a dégénéré en combats de rue, voire demain en guerre civile.


Cette violence devenue « nouvelle donne en Israël », est l’œuvre d’une extrême-droite juive, messianique, agissante, omniprésente et en rupture totale avec la logique de « de deux peuples, deux Etats ». La judaïsation du quartier Sheikh Jarrah par la force est devenue son symbole. Elle envahit l’esplanade de la Mosquée Al Aqsa de manière sporadique sous l’œil complice de la police israélienne.


Cette violence se déroule sous la conduite du député kahaniste Itamar Ben Gvir, nouvellement élu à la Knesset. Ben Gvir venait ainsi soutenir les projets d’expulsion de 13 familles palestiniennes du quartier Sheikh Jarrah (situé à Jérusalem Est), soit plus de 300 personnes, toutes des descendants des réfugiés de 1948 ayant abandonné leurs biens situés à l’Ouest, et qui avaient été relogés par les Jordaniens en 1952.


Ces projets d’expulsion sont récurrents. Déjà, en 2008, plusieurs familles avaient été expulsées en vertu d’une loi votée à la Knesset en 1970, autorisant des Juifs à engager une procédure afin de récupérer des biens perdus en 1948. Pour faire barrage à ces projets d’expulsion des Juifs proche du mouvement « La Paix Maintenant » et des arabes israéliens manifestent chaque vendredi.


Israël-Palestine: Plan Trump-Kushner. Infographie: Mohamed Drissi Kamili / Le Desk


Dans les villes mixtes, symboles du vivre ensemble entre Juifs et musulmans, comme Lod ou Saint-Jean d’Acre, on a assisté à des scènes de guerre civile entre les communautés, avec incendies de voitures et de synagogues et tentatives de lynchage contre des civils.


Le 10 mai, sur l’esplanade des mosquées l’affrontement a pris une ampleur inédite. Les forces de l’ordre israéliennes se sont heurtées aux manifestants, les poursuivant jusque au sein de la Mosquée Al Aqsa.


Ces images des affrontements entre forces de police israéliennes et jeunes Palestiniens, sur ce lieu sacré pour les musulmans, ont produit l’effet d’une bombe en plein mois de Ramadan, en Palestine, dans le monde arabe et au-delà. Ce fut l’occasion pour Hamas de sortir de son silence et surtout de sa contrariété suite à la décision prise par Mahmoud Abbas de repousser les élections palestiniennes prévues en juin en prétextant le refus d’Israël d’installer des urnes à Jérusalem-Est pour permettre l’organisation du vote . Le Hamas donné vainqueur par toutes les enquêtes d’opinions se sentait floué. En prenant l’initiative d’envoyer des centaines de roquettes sur Israël, en soutien aux Palestiniens de Jérusalem, il a montré à la fois sa capacité militaire et sa volonté de se présenter comme le « meilleur défenseur » de la cause palestinienne.


Un scénario à deux vainqueurs antagonistes

Mais cet embrasement s’est déroulé à un moment historique marqué, pour la première fois depuis 1948, par la présence d’un parti islamique à la Knesset. Le parti Raam, dirigé par Mansour Abbas a gagné quatre députés lors du dernier scrutin devenant ainsi le faiseur de roi dans une classe politique fragmentée et divisée. La veille de l’escalade de la violence sur l’esplanade des mosquées, Mansour Abbas finalisait un accord pour soutenir la création d’un gouvernement regroupant tous les partis de l’opposition à Netanyahou – un gouvernement Lapid-Bennett qui irait du Meretz à gauche jusqu’à Yamina, à droite.


Cette recrudescence des tensions entre Juifs et Arabes au cœur d’Israël, et entre Palestiniens et Israéliens, rend difficile, s’il devait durer, la poursuite de ces négociations et pourrait conduire à l’éclatement de la coalition des « anti-Bibi » en poussant certains des députés des partis de droite à la quitter.


Si ce scénario devait se produire, il y aurait deux vainqueurs. Netanyahou, d’abord, qui resterait ainsi au pouvoir jusqu’à l’organisation d’un 5ème tour de scrutin où il pourrait espérer retrouver une majorité qui lui donnerait l’immunité pour échapper à la justice.


Le Hamas, sorti fort du cessez- le-feu, conforterait ainsi, au sein de la population palestinienne, un pouvoir dont il a été privé par l’annulation des élections. Cette alliance objective entre ces deux « vainqueurs » s’inscrit dans la continuité de la politique suivie par Netanyahou et le Likoud qui, depuis des années, ont choisi de renforcer le Hamas plutôt que le Fatah et l’Autorité palestinienne, avec lesquels ils n’ont mené aucune négociation.


La droite israélienne veut donner au mouvement Hamas l’illusion d’une victoire pour pouvoir négocier avec lui un nouveau plan de paix qui ferme la parenthèse de la logique de « deux peuples, deux Etats » et faire des Accords d’Abraham la nouvelle base des négociations.


En succombant à l’idée délirante que la cause palestinienne s’est évaporée, la droite israélienne n’a pas saisi la portée des gestes de normalisation pris par certains pays arabes, dont le Maroc. Un geste qui signifie qu’Israël peut vivre en paix avec les arabes si elle prend en compte la réalité palestinienne et les revendications de son peuple.

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