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23.02.2020 à 11 H 55 • Mis à jour le 06.11.2022 à 10 H 13 • Temps de lecture : 5 minutes
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n°561.Comment Juan Carlos a remis le Sahara au Maroc pour s’assurer d’être roi d’Espagne

Selon les documents déclassifiés par la CIA, Juan Carlos I est devenu, dans les années 70, l'un des informateurs les plus précieux pour Washington dans une période d’incertitude pour l’Espagne, marquée par la fin du régime de Franco. Dans ce contexte, Il a accepté de remettre le Sahara Occidental au Maroc en échange du soutien américain pour devenir roi…

La CIA a déclassifié plus de 12 millions de documents confidentiels, dont quelque 12 500, concernent l'Espagne. Les rapports stratégiques et les câbles diplomatiques secrets dévoilés reflètent la vision et l'influence des services de renseignement américains sur le développement du pays à un moment clé de son histoire, la transition entre le régime de Franco et celui de Juan Carlos.


Selon les documents, Juan Carlos I est devenu l'un des informateurs américains les plus précieux, révélant des informations confidentielles à son contact à Madrid, l'ambassadeur américain Wells Stabler. En outre, Juan Carlos aurait accepté de remettre le Sahara occidental au Maroc. Tout cela en échange du soutien américain pour devenir roi.


En 1975, un projet secret de la CIA est lancé dans le but de prendre le contrôle de la « 53e province espagnole » : le Sahara Occidental. C'est non seulement un territoire riche en phosphates, en fer, en potentiellement en pétrole et en gaz, mais il est aussi très précieux sur le plan géostratégique. L'instabilité en Espagne due à la maladie du dictateur Francisco Franco est la clé de la réalisation de cette opération : la fameuse « Marche verte ».


Source: CIA


Le 6 octobre, les services de renseignement de l'armée espagnole informent le dictateur Franco des plans d'une « invasion pacifique » du Sahara occidental. Intervient alors Juan Carlos I, devenu « informateur américain », qui transmet à Washington tous les agissements du dictateur. En d'autres termes, le Prince Juan Carlos de l'époque a révélé des informations confidentielles sur les plans de l'Espagne dans le conflit du Sahara à une puissance étrangère qui jouait un rôle clé dans ce conflit. Certains appelleraient cela de la haute trahison.


Son but ? Gagner le soutien des États-Unis après la mort de Franco. Il a réussi, et l'histoire de l'Espagne serait probablement très différente s'il n'avait pas pris cette décision.


Source: CIA


Le 31 octobre 1975, Juan Carlos prend la tête de l'État par intérim en raison de la maladie de Franco. L'un des sujets les plus urgents qu'il doit traiter est la décision du roi Hassan II de lancer la « Marche Verte ».


Le jour même de son entrée en fonction, Juan Carlos préside son premier Conseil des ministres et manifeste son intention de prendre en charge la question du Sahara, mais ne signale pas qu'il avait déjà envoyé son homme de confiance, Manuel Prado y Colón de Carvajal, à Washington, afin d'obtenir le soutien américain et d'éviter ainsi un conflit avec le Maroc qui pourrait lui coûter sa couronne tant désirée. Ainsi, Kissinger a servi de médiateur avec Hassan II et finalement le pacte secret a été signé par lequel Juan Carlos remettrait le Sahara espagnol au Maroc, en échange de quoi les États-Unis deviendraient son allié dans l'avenir complexe qui l'attend.


Source: CIA


Le 2 novembre, Juan Carlos se rend à Laâyoune, où il rassure les troupes espagnoles : « Tout sera fait pour que notre armée conserve son prestige et son honneur », déclare-t-il. Il se permet même de dire aux officiers : « L'Espagne ne fera pas de pas en arrière, elle remplira tous ses engagements, elle respectera le droit des Sahraouis à la liberté », et aussi : « Ne doutez pas que votre commandant en chef sera là, avec vous tous, dès le premier coup de feu ». Cependant, il avait déjà convenu avec Hassan II des termes de la reddition du Sahara.


Juan Carlos à Laâyoune, le 2 novembre 1975


Dans un des documents déclassifiés, l'ambassadeur des Etats-Unis en Espagne informe Washington : « Madrid et Rabat ont convenu que les manifestants ne pénétreront dans le Sahara espagnol qu'à quelques kilomètres de là et qu'ils resteront pour une courte période à la frontière, où il n'y a plus de troupes espagnoles (...) Le Prince [Juan Carlos] a ajouté qu'une délégation représentative d'environ 50 Marocains sera autorisée à entrer dans la capitale territoriale de Laâyoune ».


Source: CIA


Dans le document, on peut également voir la crainte des services de renseignement nord-américains de voir la situation échapper à tout contrôle : « La zone où les manifestants ne sont pas censés marcher est clairement indiquée comme étant un champ de mines. Juan Carlos a déclaré que les forces espagnoles utiliseront tous les moyens à leur disposition pour empêcher les Marocains de franchir cette ligne » ... « Une fois que les manifestants ont franchi la frontière, la situation peut facilement dégénérer ». Les éventuels mouvements du Front Polisario sont également mentionnés : « Certains de ses membres se trouvent dans la zone déjà abandonnée par les troupes espagnoles »... « Ils vont presque certainement essayer d'attaquer les manifestants. »


Enfin, le 6 novembre 1975, la Marche verte envahit la province espagnole. Tout a été préparé à l'avance. Les champs de mines et les légionnaires se sont retirés de la frontière. L'ONU, stupéfaite par les événements, exhorte Hassan II à se retirer et à respecter le droit international. Le Conseil de sécurité s'est prononcé en approuvant la résolution 380, dans laquelle il « déplore la tenue de la marche » et « exhorte le Maroc à retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche », ainsi qu'en appelant à nouveau au dialogue. Cependant, tout avait déjà été convenu…


Des Marocains lors de la Marche Verte de 1975. Archives


Au plus fort de la guerre froide, les États-Unis et la France, espéraient une annexion du territoire par le Maroc, l'Algérie et le Front Polisario étant proches de l'Union soviétique. Hassan II, qui traversait une situation politique interne complexe, a gagné une manche importante pour la continuité de son règne. Et l'Espagne a perdu un territoire clé, mais Juan Carlos I a gagné un règne. Tout le monde était satisfait. Sauf, bien sûr, le Polisario et son chaperon, l’Algérie…

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