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04.04.2024 à 15 H 22 • Mis à jour le 08.04.2024 à 11 H 58 • Temps de lecture : 7 minutes
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n°965.Comment la faible maîtrise des coûts enfle les budgets de la santé au Maroc

La généralisation de l'assurance maladie nécessite plus que jamais une stratégie de maîtrise des coûts. Cependant, alors que le Maroc progresse vers une protection médicale universelle, plusieurs problèmes d’efficacité persistent, enflant les coûts de fonctionnement du système de santé public, relève une récente étude réalisée par l’OMS

La généralisation de la couverture médicale doit s’accompagner d’une maîtrise des coûts. Cependant, au Maroc les coûts de soins et prestations médicales varient d’un niveau de soins et d’un établissement à l’autre. C’est ce qu’a révélé une récente étude réalisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), menée par des chercheurs marocains depuis 2021 sur 39 hôpitaux répartis dans les 12 régions du royaume. La structure de ces hôpitaux (10 hôpitaux provinciaux, 11 hôpitaux régionaux et 18 hôpitaux universitaires) a été analysée pour définir les aspects méthodologiques clés de cette étude.


L’étude s’est basée sur les systèmes de gestion d’information des hôpitaux du royaume selon approche pragmatique basée sur les stratégies les plus précises pour estimer les coûts unitaires tout en tenant compte de la disponibilité des données au niveau hospitalier. Toutes les perspectives sur les coûts ont été prises en compte, notent les auteurs de l’étude, soulignant que la collecte de données a été effectuée par des cadres du ministère de la Santé et facilitée par le bureau de l'OMS au Maroc.  Alors que l’étude démontre qu’il existe de nombreuses différences dans les coûts unitaires pour les mêmes services d'un hôpital à l'autre, ce qui indique des inefficacités au niveau de la tarification, elle relève également la faisabilité de la tarification à grande échelle dans le contexte du Maroc.


Des coûts différents d’un niveau de soins à l’autre

En passant d’un hôpital provincial à un autre régional à un centre hospitalo-universitaire (CHU), le coût supporté pour une même prestation varie. Selon les données collectées, le coût unitaire moyen d'une journée d'hospitalisation pour une intervention chirurgicale varie de 755 dirhams (DH) pour un hôpital provincial à 886 DH pour un hôpital universitaire, avec une variation importante au niveau régional. Le coût de l'activité de salle d'opération pour l'unité de chirurgie K passe de 76 à 30 DH, alors qu'une séance d'hémodialyse, quant à elle coûte 654 DH au niveau provincial et  1 872 DH dans un CHU. Pour l'hospitalisation médicale, un séjour d'une journée coûte varie de 684 à 755 DH entre les hôpitaux locaux et universitaires.


En ce qui concerne le service de maternité, un séjour d'une journée coûte en moyenne 735 au niveau provincial et 855 DH au niveau universitaire. Le coût unitaire d'une journée d'hospitalisation pour l'activité de néonatologie varie de 422 à 1 339 DH, tandis que le coût du séjour d'une journée dans le centre d'activité pédiatrique vont de 432 à 1 027 DH. Le centre d'activité psychiatrique présente des coûts unitaires allant de 292 à 624 DH, en passant d'un niveau à l'autre.  Le coût unitaire d'une journée passée en soins intensifs varie quant à lui de 1 842 à 4 561 DH.  A son tour, le coût unitaire moyen d'une consultation augmente en passant du milieu provincial au milieu universitaire passant  de 151 à 694 DH. Les consultations externes, qui coûtent 312 dans un hôpital provincial, coûtent 422 DH dans un CHU.


Une prestation dans l'unité de radiologie coûte, en revanche moins cher dans un CHU (5,24 DH) que dans un hôpital provincial ( 15 DH), comme c'est le cas pour une prestation dans l'unité de laboratoire dont le coût baisse de 1,71 DH au niveau provincial à 0,7 DH au niveau universitaire.


Au même niveau de soins, les coûts varient d’un établissement à l’autre

En plus de cette variation considérable dans le coût unitaire en passant d’un niveau de soins à l’autre,  des variations significatives sont aussi observées au sein du même niveau de soins, en passant d’un établissement à l’autre. Dans ce sens, il est relevé que pour les hôpitaux provinciaux, le coût unitaire d'une journée d'hospitalisation en chirurgie varie de 292 à 1 550 DH. S’agissant  des services médicaux, le coût unitaire varie de 322 à 1 580 DH pour la journée d'hospitalisation, avec une variation « significative » entre les hôpitaux, alors qu’une journée en unité de soins intensifs coûte entre 906 et 2 859 DH. Une journée d’hospitalisation dans l’unité K coûte entre 23 et 216 DH.


Parmi les hôpitaux régionaux, la variation est également significative. Le coût unitaire d’une journée d’hospitalisation dans les services de chirurgie va de 281 à 2114 DH d’un hôpital régional à l’autre, alors qu’une journée d’hospitalisation dans les services médicaux coûte entre 422 et 3 262 DH.  Les coûts d’une journée d’hospitalisation en unité de soins intensifs et d’une journée au sein de l’unité K varient respectivement entre 2 114  et 2 477et DH et 27 et 140 DH.


Pareillement, des différences des coûts sont constatées dans le milieu hospitalo-universitaire. La journée d’hospitalisation au niveau du bloc opératoire d’un CHU peut aller de 493 à 1 862 DH, alors que le coût d’une journée d’hospitalisation dans les services médicaux varie de 453 à 1 530 DH d’un CHU à l’autre. En unité de soins intensifs, ce coût va de 1 762 à 6 102 et en unité K de 25 à 130 DH.


Dans les différentes structures de soins, la variation du coût unitaire pour une même nature d'activité d’un établissement à l’autre est donc « assez importante », et appelle à « une amélioration de l'efficacité », soulignent les auteurs de l’étude. Pour certains types de soins, le nombre d'admissions est crucial pour déterminer le coût unitaire, car les dépenses en capital sont maximisées en fonction de la taille de la production, note-t-on.


Près de 12 MMDH pour financer les hôpitaux publics en 2023

Selon les estimations établies sur la base des données collectées, le financement total requis pour tous les hôpitaux au Maroc en 2023 est de 1 193 377 166 $, soit près de 12 milliards de dirhams (MMDH). Cette estimation du financement nécessaire pour le fonctionnement du réseau sanitaire national public inclut le coût total de tous les niveaux de soins et prend en compte une moyenne de consommation des produits pharmaceutiques traduite en coût unitaire pour chaque type d'admission.


Dans le détail, les chercheurs estiment à 2,01 MMDH (199 950 950 $) le montant total du financement nécessaire pour le fonctionnement des hôpitaux provinciaux, à plus de 986 millions de dirhams (MDH) (97 992 516 $) celui requis par les hôpitaux régionaux et à 8,2 MMDH (814 273 550 $) celui des hôpitaux universitaires. Bas du formulaire. A cela s’ajoute le financement total nécessaire pour la production des consultations externes dans tous les hôpitaux pour 2023, et qui est estimé à 817 MDH (81 160 148 $).


En outre, les chercheurs estiment que la proportion des produits pharmaceutiques dans le coût unitaire total pour chaque type de service varie de 3 % dans les services de psychiatrie à 6 % pour les consultations externes où le coût des ressources humaines est important, et de 60 % pour les services d'oncologie où le coût du médicament est plus élevé que celui des autres composantes de coût.


Augmenter l’efficacité pour réduire les coûts

Si les chercheurs estiment « normales » les différences dans les coûts des mêmes activités d'un hôpital à un autre au sein du même niveau de soins, ils qualifient certaines variations des coûts unitaires observées d’un niveau à l’autre de « surprenantes ». Alors qu’il est attendu d'observer une augmentation des coûts unitaires en passant des hôpitaux provinciaux et régionaux aux hôpitaux universitaires, les chercheurs soulignent que certaines prestations coûtent plus cher au niveau provincial qu’universitaire. « Nos analyses ont montré que dans certains hôpitaux éloignés et non attractifs, l'utilisation des services est faible, ce qui réduit la productivité globale de l'hôpital et augmente le coût unitaire. Cela indique des problèmes liés à l'efficacité qui n'ont pas été identifiés avant cette étude  », soulignent-t-ils.


En outre, lorsque les coûts unitaires sont comparés aux tarifs utilisés, il ressort que les tarifs réels ne permettraient pas à l'hôpital de couvrir ses coûts et donc de continuer à servir sa population à long terme, ce qui dévoile un problème de facturation. « Avoir une idée de la variation du coût unitaire peut fournir plus d'informations pour développer un système de facturation efficace  », indiquent à cet égard les chercheurs. La réduction de l’écart entre les coûts supportés et les tarifs pratiqués peut aussi passer par l’adoption de mécanismes d’achat stratégique, ajoutent les chercheurs.


Enfin, les chercheurs indiquent que « l'augmentation de la productivité à tous les niveaux de soins, combinée à un système de tarification, aidera les hôpitaux à atteindre les modes organisationnels les plus rentables. L'efficacité de l'hôpital contribuera à l'efficacité globale du système de santé et augmentera l'espace budgétaire pour la santé grâce à l'efficacité ». Par ailleurs, en examinant en détail les coûts, les chercheurs concluent que la productivité des ressources humaines est également cruciale pour réduire les coûts.

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