n°191.Le Maroc veut être associé au contrôle des mosquées en Espagne
Les autorités marocaines considèrent qu'un « modèle institutionnel » est nécessaire pour gérer les mosquées et la pratique de l'islam en Espagne et en Europe, de sorte qu'il soit « compatible avec les valeurs » du pays hôte.
Dans une déclaration écrite à EFE, le ministre marocain des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a souligné ce besoin institutionnel pour près de deux millions de musulmans en Espagne, dont le groupe principal (800 000) sont Marocains ou d’ascendance marocaine.
Interrogé sur le modèle marocain de la gestion religieuse par rapport à l'espagnol, Toufiq a répondu que « le culte et les mosquées sont des besoins sociaux d'une communauté, c'est-à-dire un besoin démocratique, qui doit être compris et géré institutionnellement ».
Le ministre a ajouté que le discours émanant des mosquées « doit être compatible avec les valeurs fondamentales du pays d'origine et du pays hôte » et que c'est à la communauté elle-même de « garantir la qualité de sa gestion » ce sera « la meilleure façon de faire face à l'extrémisme dans les pays à minorités musulmanes ».
Abdellah Boussef, directeur du Conseil des communautés marocaines à l'étranger (CCME), est allé encore plus loin en déclarant à l’agence EFE cette semaine que l'Espagne aurait tout intérêt à suivre le « modèle marocain » car c'est « le plus éloigné du salafisme extrémiste », mais a reconnu qu'il existe des « réticences politiques » de l'Espagne pour associer les Marocains à cette gestion de l'islam.
Deux approches radicalement opposées
En réalité, la gestion des mosquées et la réglementation de l'islam est radicalement différente en Espagne et au Maroc, une différence qui découle du caractère démocratique et non confessionnel de l'Etat espagnol vis-à-vis du caractère confessionnel et autoritaire au Maroc.
Au Maroc, la pratique de l'islam est étroitement contrôlée, à la fois dans la production de contenus et dans les messages ainsi que dans la gestion des espaces religieux et des calendriers d’exercice du culte : les 50 000 mosquées du pays ne peuvent s'ouvrir qu'en temps de prière alors qu’elles peuvent servir de point de rencontre social.
Les imams parrainés par l'État sont interdits de toute activité politique (200 ont été expulsés du corps cette année pour leurs sympathies avec un parti islamiste) et vendredi ils doivent délivrer le sermon communiqué par le ministère de tutelle.
Enfin, les enfants étudient obligatoirement dans les écoles un cours d'éducation islamique de l'école primaire à la dernière année scolaire.
Un modèle similaire serait impensable dans un pays comme l'Espagne, mais le problème, selon plusieurs experts consultés, est qu'en Espagne, il n'y a pas de modèle clair et les accords de 1992 signés entre le gouvernement et les représentants de la communauté Islamiques, sont aujourd'hui obsolètes, comme l’affirme Boussef et doivent de ce fait être reconsidérés.
Pour sa part, lors d'une interview téléphonique avec EFE, le professeur de l’Université Rovira i Virgili et spécialiste des communautés islamiques en Espagne, Jordi Moreras, croit que l'idée de la nécessité d'un « contrôle » des imams et des mosquées doit être traitée avec prudence en Espagne.
« Il existe un protocole de collaboration tacite entre les responsables des mosquées et de la police », affirme-t-il, s’interrogeant sur davantage de contrôle qu’après les attentats d’Atocha en 2004.
Unir la communauté islamique autour d'une voix
Les tentatives de réglementation et de contrôle d’un sujet où la « gestion autonome » a prévalu jusqu'ici - dit Moreras - sont délicates, car même le fait de faire un recensement des lieux de culte et des imams par le gouvernement socialiste a été considéré avec suspicion par une communauté qui « se sent constamment soupçonnée ».
Moreras reconnaît que la tâche principale depuis 1992 est d'unir la communauté islamique autour d'une seule voix et de mettre fin à la bicephalie existante dans son sein entre l'Union des communautés islamiques d'Espagne (UCIDE) et la Fédération espagnole des entités religieuses islamiques (FEERI).
La deuxième question est de comprendre que, face à l'islam comme « religion des émigrés », comme c'était le cas en 1992, il faut maintenant voir que c'est « la religion des enfants des émigrés », parmi lesquels il est plus clairement ressenti que par leurs parents, un besoin religieux qui a trait à la recherche de leur identité.
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