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06.05.2017 à 13 H 41 • Mis à jour le 06.05.2017 à 13 H 41 • Temps de lecture : 5 minutes
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n°140.«Macron Leaks» : les dessous d’une boule puante venue de l’extrême droite américaine

Des utilisateurs se revendiquant de l'extrême droite américaine ont mis en ligne des milliers de documents piratés dans les ordinateurs de l'équipe de campagne d'En Marche!. Ce leak a ensuite été très vite relayé sur les réseaux sociaux par les mêmes communautés à l'origine de la fausse rumeur lancée il y a quelques jours sur l'existence d'un compte offshore du candidat

C’est la dernière boule puante de la campagne. Et elle est venue, une nouvelle fois, du site 4Chan et de l’extrême droite américaine. Vendredi 5 mai dans la soirée, des utilisateurs du forum anglophone anonyme, déjà à l’origine de plusieurs fausses rumeurs, ont mis en ligne 9GB des documents dérobés à des membres de l’équipe d’Emmanuel Macron.


Vers 20h30, un utilisateur de 4Chan, un site proposant divers forums non modérés et assurant une liberté d’expression totale, a posté dans la rubrique « Politiquement incorrect » un lien permettant de télécharger des milliers de documents, mails, fichiers comptables, notes, factures, documents bancaires…


Dans un communiqué diffusé dans la soirée, l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron a confirmé l’authenticité des documents, tout en précisant que plusieurs fausses informations avaient été glissées dans la masse. « Le mouvement En Marche ! a été victime d’une action de piratage massive et coordonnée donnant lieu ce soir à la diffusion sur les réseaux sociaux d’informations internes de nature diverse (mails, documents comptables, contrats…). Les fichiers qui circulent ont étés obtenus il y a plusieurs semaines grâce au hacking de boîtes mail personnelles et professionnelles de plusieurs responsables du mouvement », précise le communiqué de l’équipe du candidat, ajoutant : « Ceux qui font circuler ces documents ajoutent à des documents authentiques nombre de faux documents afin de semer le doute et la désinformation. »


Il est encore trop tôt pour dire si des informations potentiellement compromettantes se trouvent dans cette masse considérable de documents qui, pour beaucoup, sont sans aucun intérêt. Il est en revanche relativement facile de retracer la diffusion de ce leak, à quelques heures seulement de la clôture officielle de la campagne pour l’élection présidentielle.


Cela n’a pris que quelques heures à Nicolas Vanderbiest pour cartographier la propagation des documents sur les réseaux sociaux. Ce chercheur belge, spécialiste des phénomènes d’influence et auteur du site Reputatio Lab, développe depuis quatre ans des techniques d’analyse des attaques dont peuvent faire l’objet les organisations. Sa méthodologie lui permet « d’aller au-delà du bruit » des réseaux sociaux et de cartographier la propagation d’une attaque en identifiant les relais et en les classant par communautés.


Avec cette méthodologie, Nicolas Vanderbiest avait déjà retracé le parcours de la rumeur, propagée le soir du débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, selon laquelle le candidat d’En Marche ! posséderait un compte offshore aux Bahamas. Vendredi soir, il s’est très vite rendu compte que les documents piratés avaient suivi exactement le même chemin. Dans le cas de la rumeur sur le compte aux Bahamas, l’info avait été propagée dans un article du site pro-Trump The Rebel TV qui se fondait sur un document diffusé sur le forum « Politiquement incorrect » de 4Chan. Cette fois encore, c’est le rédacteur en chef de The Rebel TV, Jack Posobiec, qui a été le premier à annoncer la mise en ligne des documents sur Twitter et à lancer le hashtag #MacronLeaks .


« La similitude entre les deux est assez incroyable, explique à Mediapart Nicolas Vanderbiest. Ça part du compte @JackPosobiec et tout de suite, c’est repris par les cadres de la propagande numérique du FN. Ce sont exactement les mêmes comptes de riposte du FN, suivis par la communauté russophile pro-Trump, comme @Messmer ou @KimJongUnique, ou encore WikiLeaks. Et ensuite, on a les cadres du FN, comme Filippot, qui s’affichent avec ces gens en les relayant. »



Ce n’est pas la première fois que la campagne d’Emmanuel Macron est la cible d’attaques numériques, qu’il s’agisse de piratage ou de la propagation de fausses rumeurs. L’équipe d’En Marche ! avait annoncé à plusieurs reprises avoir fait l’objet de tentatives d’intrusion. À la fin du mois d’avril, la société de sécurité informatique Trend Micro avait confirmé ces craintes dans un rapport consacré à Pawn Storm, un groupe de hackers à l’origine du piratage des mails du parti démocrate américain et suspecté d’agir pour le compte des services secrets russes.


Les tentatives de déstabilisation de ces derniers jours de campagne sont pourtant surprenantes. Jusqu’à présent, les hackers tels que ceux de Pawn Storm diffusaient leurs informations en tentant de se faire passer pour des lanceurs d’alerte, contactant soit des médias soit des organisations telles que WikiLeaks. Cette fois-ci, même si l’organisation de Julian Assange a très vite relayé l’information, il s’agit d’une diffusion « sauvage » et reprise de manière grossière par des militants d’extrême droite. « C’est trop gros. C’est tout simplement énorme, acquiesce Nicolas Vanderbiest. Je ne comprends pas le but. »


Ce mode de diffusion pose également un problème de vérification des documents. Dans le cadre de la diffusion de mails du parti démocrate, leur authenticité avait été établie par WikiLeaks et les médias américains. Concernant, les « Macron Leaks », rien ne dit que de faux documents n’ont pas été ajoutés aux vrais. La rumeur sur le compte offshore d'Emmanuel Macron aux Bahamas était en effet fondée sur un document mis en ligne sur 4Chan, qui s’est révélé être un faux grossier, comme le rapporte Numerama.


Cela faisait plusieurs jours que la rubrique « politiquement incorrect » de 4Chan bruissait de rumeurs sur des révélations à venir sur Emmanuel Macron. Lors de son débat avec Marine Le Pen, la candidate avait évoqué ces leaks dans échange prémonitoire. « J’espère qu’on apprendra rien sur vous dans quelques jours, quelques semaines », avait-elle notamment lancé.



À quelques heures du second tour, la publication d’une telle masse de documents risque d’avoir assez peu d’effet. Dans la nuit de vendredi à samedi, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale a publié un communiqué appelant les médias au « sens des responsabilités dont ils doivent faire preuve, alors que sont en jeu la libre expression du suffrage des électeurs et de la sincérité du scrutin ». Jusqu’à présent, les principaux médias français ont respecté cet appel en ne publiant aucun article évoquant le contenu des documents. Et la masse publiée rend de toutes manières peu probable toute enquête crédible d’ici dimanche. De son côté, Mediapart expertise les données, leur contenu et leur éventuel intérêt public à être publié.

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