
n°836.Pourquoi Azzedine Ounahi est-il si précieux au système de jeu de Walid Regragui ?
« J'ai été agréablement surpris par le numéro 8. Je ne me rappelle plus de son nom, j'en suis désolé… Mon Dieu, d'où sort ce gars ? Il joue vraiment bien ! Il m'a surpris ». Le désormais ex-sélectionneur espagnol, Luis Enrique, n’a pas tari d’éloge sur le numéro 8 des Lions de l’Atlas, Azzedine Ounahi, après la qualification aux tirs au but du Maroc face à l’Espagne, en huitièmes de finale de la Coupe du monde.
Et pour cause, ce soir-là, c’est Azzedine qui aura été le patron du milieu de terrain. A croire qu’il est titulaire indiscutable au FC Barcelone, non pas ses homologues espagnols de l’entrejeu, Pedri et Gavi. Tacleur, passeur, dribbleur, Ounahi semblait avoir été cloné, tant son omniprésence s’est faite ressentir, et ce jusqu’à son remplacement par Badr Benoun, quelques instants avant la séance de tirs au but.
Il est certainement la grande révélation de ce Mondial. Pas uniquement chez les Lions de l’Atlas, mais parmi les 832 joueurs sélectionnés par les 32 équipes qualifiées. Son énergie, son aisance balle au pied, son intelligence de jeu sans le ballon ont certainement tapé dans l’œil des recruteurs des grandes écuries européennes. Il serait aujourd’hui pisté par Leicester City, l’Olympique de Marseille et certains échos venus d’Espagne parlent même d’un intérêt du FC Barcelone. Ce qui est sûr, c’est que ses jours au SCO Angers, où il évolue depuis l’été 2021, sont comptés.
A première vue, sa silhouette longiligne, quasiment squelettique, le rend vulnérable face aux colosses de muscles du haut niveau européen. Mais ce qu’Ounahi n’offre pas en bagage physique, il le compense en qualité technique et en agilité. « Au quartier, je jouais avec des mecs plus grands que moi. Donc je n’avais pas le choix, pour m’en sortir, je devais jouer technique. Je n’étais pas grand, pas costaud, donc ça me permettait de jouer avec les autres, les plus grands », racontait-il au quotidien français Ouest-France, en novembre 2021.
« Azz », comme l’appellent ses coéquipiers à Angers, se présente comme un « joueur qui n’aime pas les duels ». Il essaie donc de « jouer vite, de sortir de la densité, grâce à [sa] prise de balle, être plus rapide qu’eux ». C’est justement pour cela qu’il a tant impressionné Luis Enrique, qui n’était pas le joueur le plus costaud des pelouses espagnoles dans les années 1990. Car le football, bien que ce soit un sport physique, ce n’est pas uniquement une question de muscles. La Roja de Xavi, Busquets et Iniesta, véritable bulldozer du football international entre 2008 et 2012, en est le parfait exemple.
Couteau-suisse made in Casablanca
Sous Walid Regragui, Azzedine Ounahi évolue au poste de milieu central droit dans un 4-1-4-1. Dans ce système, il est l’une des pièces maîtresses du pressing passif mis en place par le sélectionneur et qui a conduit le Maroc à une demi-finale inédite en Coupe du monde. Comme expliqué tout au long de la compétition, Ounahi a hérité de plusieurs tâches, en fonction de l’adversaire. Face à la Croatie, il était chargé de marquer le meneur de jeu Kovacic, de manière à l’empêcher de recevoir le ballon et de se tourner face au jeu. Mais au-delà de cette tâche presque « industrielle », Ounahi devait également attendre le bon moment pour avancer d’un cran et harceler les défenseurs centraux croates, les forçant ainsi à jouer long et rendre le ballon au Maroc.

Contre l’Espagne, son match le plus abouti jusqu’ici, Ounahi a reçu pour consigne de former avec son attaquant de pointe, En-Nesyri et ses deux autres camarades du milieu de terrain, Amallah et Amrabat, un losange autour de Sergio Busquets, le meneur de jeu en retrait de la Roja et son passeur le plus redoutable. Le piège marche à merveille, Busquets est presque totalement annihilé. Le capitaine de la Roja et du FC Barcelone ne parviendra à se montrer dangereux qu’une seule fois en 120 minutes.

Les statistiques - n’en déplaisent à notre Regragui national - ne mentent pas. Ounahi est le deuxième marocain qui a récupéré le plus de ballons face à l’Espagne, avec neuf tentatives réussies, derrière le capitaine Romain Saïss (11). Mais c’est surtout son jeu sans le ballon qui aura impressionné lors de cette rencontre. Azzedine Ounahi a demandé 58 fois le ballon lorsque le Maroc se retrouvait en possession du cuir, plus que tout autre Lion présent sur le terrain ce soir-là. Sur ces 58 propositions, 23 se sont déroulées entre les lignes espagnoles, soit la zone privilégiée des entraîneurs, où les joueurs créatifs peuvent faire le plus de mal à l’adversaire.

Face aux Bleus, Ounahi a présenté une autre facette de son football. Le Maroc, désormais appelé à faire le jeu pour revenir au score, a dominé la possession du ballon. Ounahi a donc tweaké son rôle pour s’adapter à la situation et améliorer son apport à ses coéquipiers. Toujours positionné dans le demi-espace droit devant la sentinelle Sofyan Amrabat, Ounahi a eu tendance à se décaler davantage sur le côté pour combiner avec Ziyech et Hakimi. Les Lions, profitant du laxisme de l’ailier gauche français Kylian Mbappé lorsqu’il s’agit de se replier en défense, ont concentré leurs offensives sur ce côté, pour créer le surnombre devant Théo Hernandez et Ibrahima Konaté. Ounahi a, à la manière d’un Kevin de Bruyne à Manchester City ou d’un jeune Paul Pogba à la Juventus, évolué comme Mezzala, un terme italien qui signifie littéralement « demi-ailier ».
La valeur marchande d’Azzedine Ounahi, estimée pour le moment à 3,5 millions d’euros par le site spécialisé Transfermarkt, va certainement enfler dans les prochains jours. A 22 ans seulement, le natif de Casablanca, passé par le Raja puis l’Académie Mohammed VI, a de beaux jours devant lui, mais devra faire des choix difficiles. Le mercato des transferts pointe son nez, nombreux seront les clubs qui voudront s’attacher ses services. Mais où qu’il débarque, Ounahi devra avant tout démontrer qu’il peut briller au-delà de cinq semaines de Coupe du monde et qu’il n’est pas uniquement le coup d’un soir.
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