Mohammed VI et Felipe VI : les enjeux d’un rendez-vous manqué à Rabat

Selon El Confidencial, une visite de Felipe VI, roi d’Espagne, initialement prévue pour le 12 juin à Rabat, a été « annulée pour cause d’agenda ». L'information a été confirmée par ailleurs au Desk par une source diplomatique marocaine. A deux jours d’intervalle, Mohammed VI recevait Emmanuel Macron pour une « visite d’amitié et de travail », expliquent ces même sources, justifiant ainsi cette annulation.
Le programme de la visite de Felipe VI prévoyait, tout comme celui de Macron, un crochet par l’exposition Picasso au musée MMVI et un iftar en famille au Palais royal de Rabat.
« La journée du 12 juin avait pourtant été bloquée par les deux parties », confie une source espagnole au Desk, qui assure toutefois que Madrid « est aux petits soins avec le Maroc, alors que pointe une réelle inquiétude dans plusieurs capitales européennes au sujet de la contestation rifaine dont personne ne perçoit encore les prémices d’une sortie de crise ».
La présence du roi d’Espagne à Rabat, accompagné de son épouse la princesse Letizia, était voulue comme « un geste d’appui au roi », ajoute la même source espagnole, mais la priorité a été manifestement donné au nouveau locataire de l’Elysée.
Dossiers stratégiques et fuite des jeunes
Plusieurs dossiers stratégiques en commun sont suivis comme le lait sur le feu par les deux pays voisins : l’évolution des négociations autours des accords liant le Maroc à l’Union européenne notamment ses volets agricole et pêche qui subissent les assauts des partisans du Polisario devant la Cour de justice européenne (CJUE), mais aussi dans l’enceinte du parlement de l’UE, la coopération sécuritaire et celle ayant trait à la politique migratoire, et enfin la situation très tendue dans le Rif, région proche à tous points de vue de l’Espagne.
« Madrid et Rabat ont pu accorder leurs violons sur les dossiers chauds en instance à l’UE », explique une source diplomatique marocaine consultée par Le Desk, faisant référence à la visite du chef de la diplomatie ibère, Alfonso Dastis, en février dernier, suivie de sa rencontre début mai en Espagne avec son homologue marocain, Nasser Bourita.
Si la coopération sécuritaire est maintenue au beau fixe entre le CNI et les services marocains (DGED et DGST), « les efforts déployés par le Maroc pour contenir l’immigration clandestine d’origine subsaharienne, mais aussi marocaine ont connu un certain relâchement », assure-t-on côté espagnol qui avance un doublement des arrivées en un an.
« Depuis le début de l'année 5 082 sans papiers, ont débarqué en Andalousie dans 207 bateaux, un chiffre qui représente une augmentation de 192 % par rapport à celui enregistré au cours des six premiers mois de 2016 qui était déjà une mauvaise année », écrit El Confidencial. Le journal espagnol apporte des témoignages d'ONG qui n'hésitent pas à faire le lien entre cette recrudescence et la situation très tendue dans le Rif : des centaines de jeunes auraient ainsi fui la répression en tentant de rallier l'Espagne.
Des centaines de jeunes du #Rif débarquent en #Andalousie #Espagne pour échapper à la répression qui sévit au #Maroc https://t.co/kEaL12BIHK
&mdash Ignacio Cembrero (@icembrero) June 27, 2017
« Le rebond au cours des quatre premières semaines de juin, en particulier le week-end dernier, est encore plus frappant : 1 596 immigrants, soit 446 % de plus qu’en juin 2016 », ajoute El Confidencial.
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Fadel Benyaich relevé de Madrid
Une situation qui ne serait pas du fait des anicroches entre le Maroc et l’UE, « Rabat ne fait pas dans la demi-mesure à ce sujet pour faire plier Bruxelles sur les contentieux en cours comme certains commentateurs ont pu l’évoquer après la décision de la CJUE », assure au Desk une source espagnole, qui ajoute : « le Maroc et l’Espagne sont dans une relation de partage d’objectifs, et chacun des deux pays fait son maximum pour ne pas être en porte-à-faux avec son voisin ».
La question des positions de la classe politique espagnole sur le Sahara ou sur le bouillonnement rifain et celle de l’activisme de la société civile sur ces dossiers et d’autres, sont devenues cruciales pour le Maroc. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le Palais a décidé de relever de son poste d’ambassadeur Fadel Benyaich, intime des deux maisons royales, mais peu efficace sur le terrain diplomatique.
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