« Vous êtes certain de pouvoir mettre votre nez dans ce panier de crabes ? ». L’homme élégant en costume trois pièces qui nous a donné rendez-vous dans un café huppé du centre de Casablanca, sort de sa serviette un épais dossier, qui au fil de ses feuillets, raconte un véritable thriller, celui de la mise à mort programmée de l’unique raffinerie marocaine.
Pour reconstituer le puzzle de ce récit déroutant, Le Desk a rencontré nombre de protagonistes de l’affaire Samir, certains qui y jouent un rôle fondamental sont cependant demeurés aux abonnés absents, d’autres ont préféré ne rien dire « de peur de représailles ».
Ce fleuron de l’industrie marocaine est à l’arrêt depuis l’été 2015 suite à une procédure de saisie conservatoire de ses avoirs auprès des banques et de ses débiteurs, lancée par la douane. La dette globale de la Samir est estimée à plus de 44 milliards de dirhams, dont 13,5 milliards de crédit d’enlèvement auprès de l’Administration des Douanes et des Impôts Indirects.
Sa liquidation judiciaire associée à une autorisation de continuité d’activité a été prononcée par le Tribunal de commerce de Casablanca en première instance le 21 mars 2016, puis confirmée en appel le 1er juin. Une décision de justice motivée par l’existence de déséquilibres financiers irréversibles et par l’incapacité de l’entreprise à honorer ses règlements à cause de dettes excédant très largement ses actifs.
Si le sort de la Samir fait grand débat, le couperet semble arranger au fond bien des intérêts. Faute de trouver un repreneur, la raffinerie de Mohammedia pourrait être démantelée et vendue comme de la vulgaire ferraille.
Il faut remonter le long feuilleton des péripéties de son histoire pour comprendre comment ce scénario catastrophe s’est noué d’événement en événement. Construite dans les années 60 grâce à une coopération avec l’Italien ENI, agrandie puis nationalisée dans le sillage du choc pétrolier consécutif à la Guerre du Kippour de 1973, la raffinerie connaitra durant près d’un demi-siècle un développement croissant de ses capacités et des résultats financiers satisfaisants. Son destin allait connaître un premier tournant déterminant en 1996, lorsque l’Etat l’inscrit au menu de son plan de privatisation d’entreprises nationales. Objectif déclaré : en faire un exemple de réussite du passage au privé d’un poids lourd de l’industrie national confié à des investisseurs étrangers capables de lui assurer un développement harmonieux et donner un coup de fouet significatif à la Bourse de Casablanca encore balbutiante. Un an plus tard, sous les acclamations de la presse, le groupe Corral du magnat saoudo-éthiopien cheikh Al Amoudi, allait ainsi racheter la raffinerie.

Le rapport accablant du « Front de sauvegarde » de la Samir

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