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#art contemporain
08.05.2016 à 14 H 46 • Mis à jour le 18.05.2016 à 19 H 34 • Temps de lecture : 12 minutes
Par

Art contemporain. Dix jeunes talents à suivre

PORTFOLIO. Ils s'appellent Said Afifi, Aïcha El Beloui, Hicham Gardaf ou Soukaïna Joual. Nés pour la plupart dans les années 1980, leurs noms ne sont pas (encore) connus du grand public. Mais les limiers du marché de l'art les ont déjà repérés et leurs œuvres figuraient sur le catalogue de la dernière vente aux enchères de la CMOOA.

4 filles et 6 garçons. Ils sont dessinateurs, vidéastes, peintres ou photographes. Parfois tout ça à la fois. Furieusement talentueux et définitivement urbains, ils incarnent la nouvelle génération de l’art contemporain, celle qui vient titiller les poids lourds du marché de l’art et fait saliver les galeristes en quête de la perle rare. De quoi mettre en émoi les jeunes collectionneurs et les amateurs d'art désargentés. Ou, plus prosaïquement, les chercheurs de bonnes affaires. La preuve : alors que le marché de l'art est dit actuellement frileux, en berne, leurs œuvres ont (presque) toutes trouvé preneur lors de la vente aux enchères organisée par la CMOOA au Palais Es Saadi, à Marrakech le 30 avril, et entièrement dédiée à l'art contemporain.


« Près de 80 % des lots ont été écoulés. Pari tenu, pari réussi, l'art contemporain émergent est lancé », se réjouit Hicham Daoudi, le patron de la dynamique (et parfois décriée) maison aux enchères casablancaises, convaincu, à l'instar des autres (rares) connaisseurs du monde de l'art que le royaume vit un moment clef de son histoire artistique, avec l'apparition de cette nouvelle vague d'artistes et de plasticiens. Une nouvelle vague profuse, diverse, stimulante et qui raconte un Maroc multiple, débonnaire, africain. Plus féminin aussi. Elle a commencé au début des années 2000, avec des Hicham Benohoud, Mounir Fatmi, Hassan Hajjaj, Lamia Naji, Hassan Darsi, Majida Khattari, Mohamed El Baz, Chourouk Hriech...


Mais ceux-là font quasiment figure de patriarches aujourd'hui devant l'éclosion d'une nuée de jeunes talents, nés pour la plupart dans les années 1980, voire plus tard. Cette sélection donne à voir dix d'entre eux : Said Afifi, Aïcha El Beloui, Hassan Ouazzani, Nafie Ben Krich, Safaa Mazirh, Soukaina Joual, Hicham Gardaf, Abdelaziz Zerrou, Morran Ben Lahcen, Simo Mouhim... Leurs noms sont pour la plupart méconnus du grand public, et leurs créations encore accessibles (financièrement). Mais cela ne devrait pas tarder à changer. « Si ces artistes intéressent déjà certains chasseurs de talents à l'étranger, leur participation à une vente aux enchères organisée par la CMOOA va sans doute contribuer à les faire connaître aux acheteurs et autres collectionneurs d'art marocains. Et, à terme, à faire grimper leur cote », explique ce critique d'art. C'est tout le mal qu'on leur souhaite.




said AfifiSaid Afifi

né en 1983

Apocalyptiques. Usant à l'extrême des codes de l’architecture postmoderniste, les créations de Said Afifi se lisent comme autant de projets annonciateurs de la fin du monde. Des œuvres à l'anxiété criante, où le béton règne en maître. Ses installations, photographies et vidéos , à l'esthétique froide et léchée, laissent transparaître une grande maîtrise technique issue probablement de l'univers des jeux vidéos, auxquels il s'est formé lors de son passage au Cégep en 2010. Lauréat des Beaux-Arts de Tétouan en 2008, Said Afifi a exposé notamment à la Biennale des Jeunes Créateurs de l’Europe et de la Méditerranée à Skopje (Macédoine, 2010) ou encore au festival VIDEOFORME à Clermont-Ferrand (France 2013). Lors de la dernière vente aux enchères de la CMOOA, le 30 avril, son dyptique 'The sinking of the cube' s'est arraché à 115 000 DH.

The sinking of the cube, 2013. Photographie contrecollée sur aluminium, 2 x (100 x 178 cm). Ce dyptique de Said Afifi semble questionner le devenir de la ville sainte de l'islam, La Mecque.


Soukaina JoualSoukaina Joual

née en 1990

Comme plusieurs autres étoiles montantes de l'art contemporain, Soukaina Joual est lauréate de la très prolifique école  des Beaux Arts de Tétouan (2011). Ses travaux, essentiellement des installations et des vidéos, évoquent des problématiques liées au corps, à la violence et à certains contextes politiques. « Nous vivons dans une ère nouvelle faite de conflit, nourrie par la violence, le pouvoir et la barbarie. Dans ma performance, la viande crue est le symbole de la mort. Celle-ci coupée et portée au hachoir par la main vivante de l’artiste porte une réflexion à la fois sur le côté esthétique, et perturbant de la guerre pour tenter d’en garder l’aspect le plus réaliste », explique l'artiste en parlant de sa vidéo 'I'm not so innocent', que les Rbatis ont pu visionner lors de son exposition en février dernier au Cube – Independent Art Room.

I’m not so innocent anymore, video, 2015. Dans cette performance, Soukaina Joual utilise le concept de la viande crue pour évoquer la violence générée par certains contextes politiques.


Nafie Ben Krich google plus1Nafie Ben Krich

né en 1988

« Comment l’environnement peut-il domestiquer l’individu ? Quel est l’objectif de l’homme dans la domestication de l’autre ? », autant de questions auxquelles tente de répondre Nafie Ben Krich, né en 1988 et lauréat des Beaux-arts de Tétouan (lui aussi !). A l'aide des objets disponibles autour de lui — couteaux, plaques à découper, os et plumes —, ce fils d'éleveur de poules traduit plastiquement ses interrogations, comparant notamment la condition humaine à l’élevage de volaille. Ses dessins et sculptures, peuplés de poules étêtées et sans ailes, posent un regard sarcastique sur la société actuelle, profondément marquée par le consumérisme. Une esthétique aux accents de tragi-comique que l'on retrouve dans sa toile 'Africa', qui questionne l'engouement que suscite le continent depuis quelques années.

Africa, acrylique sur toile (2015). Le continent africain serait-il, une fois de plus, une poule aux œufs d'or que le monde souhaite domestiquer par le biais du business ?


Safaa Mazirh1Safaa Mazirh

née en 1989

Aux côtés de feu Leila Alaoui et de Hicham Gardaf, Safaa Mazirh compte parmi les (rares) artistes à avoir représenté le Maroc lors de la très chic première édition de la Biennale des photographes arabes, l'automne dernier à Paris. Née à Rabat en 1989, cette autodidacte a très tôt été repérée par Nathalie Locatelli, de la galerie 127. Et en 2014, elle présentait sa première série, intitulée sobrement « Poupées », où les cicatrices d'une enfance silencieuse vous prennent à la gorge. Fascinée un temps par les mouvements du corps sur scène — elle a d'ailleurs travaillé sur cette thématique aux côtés de plusieurs compagnies de théâtre —, elle poursuit cette quête, mais cette fois dans l'intime, à travers une série d'autoportraits et de corps nus où la violence de la condition féminine est plus que jamais saillante.

Sans titre, 2013. Dans les corps de Safaa Mazirh, la douleur et le tourment d'être femme est palpable.


Abdelaziz ZerrouAbdelaziz Zerrou

né en 1982

Un guépard veille sur « le nouveau monde » de Abdelaziz Zerrou, artiste plasticien et vidéaste formé à l'école des Beaux-Arts de Tétouan. Dans cette encre sur papier (adjugée 100 000 DH lors de la vente aux enchères de la CMOOA), le félin des cahiers de notre enfance, les fameux deftar de 24 ou 48 pages, semble las. Ses traits sont fatigués, son visage émacié, et sa posture laisserait presque croire qu'il est blessé. Meurtri par le spectacle de ce monde. Il a perdu de sa superbe, mais il est toujours là, à la manière d'un vieux monarque qui ne se reconnaît plus dans son royaume mais qui ne peut céder sa charge. Une œuvre d'une grande finesse, à l'instar des autres travaux de cet artiste à la démarche résolument contemporaine, qui puise son inspiration dans le registre graphique, avec une prédilection pour les figures symboliques universelles.

New World I, encre sur papier (2013). Le félin de Abdelaziz Zerrou apparaît las, meurtri par le spectacle de ce monde sur lequel il veille et dans lequel il ne se reconnaît plus.


Femme (in)connue, Acrylique et posca sur toile, 2015. Telle la cocotte-minute qu'elle s'acharne à remplir chaque jour, cette wonder mama casablancaise est au bord de l'implosion.

Simo Mouhim 1Simo Mouhim

né en 1983

« L'outil n'a pas vraiment d'importance, ce qui prime en création, c'est l'idée, le concept, la démarche. Et pour cela, le meilleur outil c'est l'esprit ! ». Ainsi parle Simo Mouhim. Né en 1983, ce lauréat de l'école des Beaux-Arts de Casablanca est adepte des techniques mixtes et de la pluridisciplinarité : peinture, graphisme, street art... Il fait feu de tout bois pour exprimer ce qui l'habite et le consume. En particulier, sa bouillonante ville natale, Casablanca, et ses habitants. A l'instar de ce graffiti sublimissime réalisé durant Sbagha Bagha (un événement du festival L'Boulevard) et qui représente une vieille dame épuisée, mais courageuse et fière. Ou encore la wonder mama de l'acrylique sur toile 'Femme (in)connue', en jellaba et ltam, qui apparaît au bord de l'implosion, telle la cocotte qu'elle s'évertue à remplir jour après jour pour nourrir les siens. Une œuvre chargée de tendresse et d'empathie à l'égard des milliers de Casablancais qui défient avec fureur la misère et la violence de la vie dans la métropole.



Mra, encre et acrylique sur papier, 2016. Au gré de ses illustrations, Aïcha El Beloui donne à voir ce qui l'agace ou la préoccupe. Ici, devenir femme.

Aicha-El-BelouiAïcha El Beloui

née en 1984

« Cachez ce corps, ces yeux, cette bouche, ce sexe qu'ils ne sauraient voir. Je me débats déjà avec mes peurs et mes angoisses, et c'est bien assez. Pourquoi vouloir me faire taire, cacher mon corps, quand je ne sais déjà pas quoi en faire ? Comment devenir femme quand de toutes vos mains vous voulez que mon corps reste en enfance ? Et pourquoi après me reprocher d'être immature quand vous faites tout pour m'empêcher de grandir ? », semble murmurer la 'Mra ' de la graphiste Aïcha El Beloui. Née en 1984 à Casablanca, cette architecte de formation croque à travers ses dessins et ses photographies tout ce qui l'énerve. A l'instar de son projet 9O9 (artichaut en arabe, mais aussi lourd, prise de tête en darija), où elle montre, à travers un site Web décalé et urbain mêlant photos, graphisme et T-shirts à l’effigie de ce légume printanier les maux dont nous souffrons au quotidien. Une belle manière de transformer la colère en création.




Hicham GardafHicham Gardaf

né en 1989

De l'émotion comme chez Henri-Cartier Bresson, des couleurs éclatantes comme chez Harry Gruyaert, une démarche quasi documentaire comme chez Stephen Shore... les clichés du jeune artiste tangérois Hicham Gardaf — considéré, à juste titre, comme un des photographes les plus prometteurs de sa génération — rappellent tout cela à la fois. Et sans doute plus encore. Car la photographie, cet artiste autodidacte l'a d'abord apprise en feuilletant les beaux livres de la librairie des Insolites, où il a travaillé un temps. Tombé en amour avec les images de l'Agence Magnum, il décide de sortir dans la rue photographier son quartier, ses murs, ses habitants. Très rapidement, il délaisse le numérique pour l'argentique pour raconter au plus près son Tanger, à travers des images infiniment poétiques, chargées souvent de tendresse et de mélancolie. A l'instar de son « Couple regardant la mer au crépuscule », où un homme et femme se tiennent côte à côte, mais pas la main dans la main comme le voudrait une certaine bienséance amoureuse, et regardent au loin.

Un couple regardant la mer au crépuscule, Tanger, 2014. En plus de la Galerie 127 et la Fondation Slaoui, les clichés de Gardaf ont notamment été exposés lors de la très chic Biennale des photographes arabes à Paris l'automne dernier.


Morran Ben Lahcen- photo-Mehdi Drissi - OnorientourMorran Ben Lahcen

« Enfant, je vivais comme Mowgli », se souvient avec humour Morran Ben Lahcen. Né dans une ferme près de Marrakech, ce peintre et graffeur au talent singulier a découvert son tropisme pour la création par hasard, au collège, en tagguant un t-shirt à l'aide d'un marker. De manière totalement instinctive, il explore son penchant pour l'aérographie dans l'atelier d'un tôlier de la région, qui lui permet de s'initier librement aux matières et aux techniques. Peu à peu, cet artiste autodidacte forge son propre style, sa propre écriture graphique, notamment en acquérant une solide culture pop art et en s'inspirant des grands noms américains du graffiti. Entre 2011 et 2012, il est l'auteur du plus grand chantier graff du royaume, en habillant les bâtiments d'une usine (Mafoder) à Casablanca. Animé par une soif de vivre et de création, Morran Ben Lahcen ne cesse de se réinventer. Loin de rester cantonné dans le rôle de pionnier du graff marocain ou d'artiste urbain, il expérimente d'autres techniques comme la peinture sur toile ou la sculpture. Résultat, des œuvres furieusement contemporaines, à l'image de ce « Portrait de femme », qui s'est vendu plus de 70 000 DH lors de la vente aux enchères de la CMOOA du 30 avril.

Portrait de femme, huile sur toile, 2014. Loin de rester cantonné dans le rôle de pionnier du graff' marocain, Morran Ben Lahcen expérimente d'autres techniques comme ici la peinture sur toile.

Sans titre, tirage numérique sur papier Fine Art. Le train le plus long du monde, par Hassan Ouazzani, est issu d'une série de clichés réalisés lors d'un roadtrip Casa-Dakar en 2014.




Hassan OuazzaniHassan Ouazzani

né en 1983

En Mauritanie, entre Zouirate et Nouadhibou, circule un train long, très long. On dit de lui que c'est le train le plus long du monde. Et c'est cette même impression de grandeur, de longueur sans fin qui frappe dans le cliché de Hassan Ouazzani, réalisé en 2014 dans le cadre de « Roadtrip Casa-Dakar ». Cette série, fruit d'un voyage en immersion aux côtés de migrants subsahariens entre Casablanca et Dakar, est le reflet de la démarche à la fois documentaire et très pudique de ce brillant photographe, formé à l’Institut spécialisé du cinéma et de l’audiovisuel (ISCA) de Rabat et qui a fait ses premières armes dans la presse. Ses images ont notamment été publiées dans des magazines comme Jeune Afrique, TelQuel, The Africa Report ou The International Herald Tribune. Membre du collectif Soora, ses travaux ont notamment été exposés à l’Institut français de Fez ainsi qu’à la Biennale de Marrakech.



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