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#Tunisie
13.01.2016 à 20 H 00 • Mis à jour le 02.02.2016 à 09 H 10 • Temps de lecture : 5 minutes
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Billet retour à Sidi Bouzid

Portfolio. Cinq ans après la « révolution du jasmin », la petite ville du centre de la Tunisie retombe progressivement dans l’anonymat. Marginalisée depuis l’indépendance, elle l’est restée après le départ de Zine El-Abidine Ben Ali. La photographe tunisienne Fatma Guizani raconte pour Le Desk la gueule de bois qui perdure dans la ville.

Bio Express
Fatma Guizani
1984
Naissance à Sousse, en Tunisie
2006
Diplômé de l’institut des Beaux-arts de Sousse


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2007
Se lance dans le design et travaille pour le compte de plusieurs entreprises
2011
Inspirée par la révolution du jasmin, elle découvre la photo
2015
Plaque tout et part à la découverte de la tribu des Mentawai, sur l’ile indonésienne de Sumatra. Ses photos seront encensées par les médias.

Devenue l’épicentre des soulèvements qui ont secoué une partie du monde arabe, Sidi Bouzid est la métaphore d’un héros sans gloire. Le 17 décembre 2010, une policière confisque la marchandise d’un vendeur ambulant de fruits et légumes, dénommé Mohamed Bouazizi. Ce dernier s’immole devant le siège du gouvernorat de la ville. En quelques jours, le pays s’embrase, poussant le président Zine El-Abidine Ben Ali à l’exil en Arabie Saoudite, le 14 janvier 2011. Plusieurs pays du monde arabe entrent dans une zone de turbulences qui va semer chaos et désordre. Passé l’euphorie et la promesse de lendemains meilleurs, la localité de Sidi Bouzid a replongé dans sa léthargie. En plus du chômage qui touche 17 % de la population (contre 15 % en moyenne nationale) et la crise sociale, la désillusion des habitants est aggravée par la menace terroriste qui a poussé à la militarisation des villes tunisiennes. «  Paradoxalement, une bonne partie de la population tunisienne est poussée, par la désillusion et la lassitude, à penser que les choses étaient mieux sous le régime de Ben Ali. C’est l’ironie de l’histoire », commente la photographe tunisienne Fatma Guizani.

Le ventre mou de la révolution

Les difficultés que vit la Tunisie ont fait que les régions de l’intérieur ne sont plus une priorité du gouvernement. Des régions qui ont été le fief des révoltes sociales depuis l’indépendance à cause de la politique du pays qui a misé sur le développement des zones touristiques côtières et de l’exportation, au détriment des régions du centre. En 1984, le pays est au bord de l’asphyxie économique. Résultat, la Tunisie se soumet au plan d’ajustement structurel du FMI, et une des mesures prises par le président Habib Bourguiba consiste à augmenter le prix des céréales. Cette mesure va déclencher les « émeutes du pain », qui seront réprimées dans le sang, faisant plus d’une centaine de morts dans la ville de Kasserine, située au centre-ouest du pays.


En plus de la crise économique, le flou qui entoure les institutions politiques du pays, traversées par des convulsions chroniques, empêche l’émergence d’une politique à même de développer cette Tunisie de la marge, dont la révolte a été récupérée par les centres urbains. « Depuis le drame de Mohamed Bouazizi, sa famille nourrit tous les fantasmes à Sidi Bouzid. Certains disent qu’ils se sont enrichis et qu’ils ont trahi la mémoire de leur fils. La sœur de Bouazizi a fait une sortie médiatique pour déclarer que face au harcèlement quotidien subi par sa mère et ses deux frères, elle a obtenu leur départ pour le Canada où ils vivent dans l’anonymat », rapporte Fatma Guizani. Pour Le Desk, la photographe nous replonge dans les tréfonds de Sidi Bouzid, qui panse ses plaies malgré le grand sacrifice. 

En attendant la construction du musée de la révolution, promis par la ministre de la culture, Latifa Lakhdar, ce « monument-charette » commémore l’immolation de Mohamed Bouazizi. Un désordre beau et naïf.

Chez les jeunes de Sidi Bouzid, rien n’a changé. La situation a même empiré, racontent-ils. Certains d’entre eux s’adonnent à l’activité préférée des chômeurs du Maghreb : le hittisme (adossement à un mur).
Une 4L, ou ce qui en reste. Deux marcheurs anonymes. Un tag sur le mur : « Ahmed Rabhi, tu es mon amour ».
Vie normale et colorée à Sidi Bouzid, ville oubliée du printemps arabe.

Après la révolution, cette place du marché a été entièrement réaménagée et décorée. Rapidement, tout le carrelage en marbre posé a été démonté sans explications, signe de la mauvaise gouvernance qui gangrène toujours ce territoire.
Centre Public des Télécommunications, téléboutique tenue par une jeune fille au centre de Sidi Bouzid. De la pub vintage sur le mur, typo de films égyptiens des années 1980.
En attendant des jours meilleurs, la débrouille semble l’unique issue pour les jeunes de la ville, frappés par le chômage massif. Même pour des enfants, ici déambulant dans le souk, courant derrière le moindre millime pour s’acheter une clope.
A l’occasion de la célébration, le 17 décembre dernier, des cinq ans de la révolution, les partisans du parti islamiste d’Ennahda, plébiscité par les jeunes, semblent récupérer l’évènement en leur faveur.
Un vieux routier du marché. Il a tout vu passer : Bourguiba, Ben Ali, la révolution, et ses lendemains. Rien ne semble l’atteindre dans son beau petit « bazar ».
Pour plusieurs Tunisiens, leurs revenus ont fondu après la révolution, avec le sentiment d’être englués dans la stagnation. Même les grandes villes ne peuvent plus accueillir ces damnés de la révolution puisque la crise touche également les grands centres urbains.
Le marché vit au rythme de l’atonie. Le jours se suivent et se ressemblent, comme les bottes de cette friperie.

Malgré la désolation, à Sidi Bouzid et dans l’ensemble de la Tunisie, on continue à croire que les choses ne peuvent que fatalement s’améliorer.

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Par @HichamMood
Réalisation :
Mohamed Drissi K. Direction artistique
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