A 19 ans, Réda Bekhaled ne se fait plus d’illusions. Les rapports de police le répertorient déjà comme « un membre de la mouvance islamiste radicale du Rhône ». Sa condamnation, par le tribunal pour enfants, à deux ans de prison ferme pour son implication dans le groupuscule aujourd’hui dissous Forsane Alizza lui interdit de franchir des frontières. Alors il veut « mourir plutôt que de rester ici » et envisage un attentat à la ceinture explosive, ambitionne de « faire pareil » que Mohamed Merah, « quelqu’un de bien », estime-t-il, selon les déclarations que fera sa sœur en garde à vue.
Son projet n’étant pas encore mûr, Réda Bekhaled prend son mal en patience en pilotant, depuis son ordinateur à Vaulx-en-Velin, des djihadistes en plein combat en Syrie. Notamment trois de ses frères – le quatrième est rentré en France – qui se sont enrôlés au sein de l’État islamique.
Le 3 avril 2014, il ordonne ainsi à son aîné de huit ans de « sécuriser une route pour qui [il] sai[t] ». Le 23 juillet 2014, alors que des combats font rage à Alep, un autre de ses frères le supplie de dire au « Grand » de récupérer « son sniper » et de lui passer la consigne : « Si tu l’as, dis-lui : ça tape sec ici la nuit ! Qu’il récupère son truc. » Car si « l’immeuble tombe, c’est perdu ». Éprouvé, il raconte subir les assauts d’un « hélico » qui « jette de très haut. Tu vois pas, t’entends pas ». Réda s’engage à faire passer le message et, en attendant, lui conseille de neutraliser l’hélicoptère à la « 23 ». Le ZU-23 est un canon anti-aérien de fabrication soviétique. Dix jours plutôt, Réda lui avait recommandé de placer « les frères à la 23 » sur les immeubles, « pour un meilleur champ de vision et d’action ».

Réda Bekhaled est interpellé le 16 septembre 2014 pour les projets terroristes qu’il semble fomenter en France. Un an plus tard, une première exploitation « partielle » de l’ordinateur familial saisi lors des perquisitions passe à travers les conversations Skype ici révélées. Il faudra une année supplémentaire et une analyse plus exhaustive du disque dur pour mettre au jour le rôle joué dans la guerre syrienne par un intégriste de 19 ans derrière son écran dans la région lyonnaise.
« Réda Bekhaled assure la gestion à distance des déplacements de djihadistes sur le territoire syrien, écrit dans une note du 9 septembre 2016, un brin estomaqué, le magistrat de la section antiterroriste du parquet de Paris qui analyse le contenu des conversations. Relais essentiel de certains combattants djihadistes présents en Syrie, Réda Bekhaled est en mesure de déclencher l’intervention d’un sniper lorsque les combattants de l’État islamique sont en difficulté et qu’un immeuble tenu par Daech risque de tomber dans des mains ennemies… »
Alliant les techniques les plus classiques et les moyens de communication les plus modernes, les combattants de l’État islamique témoignent en matière de guérilla d’un certain savoir-faire. Ce qui explique la persistance de l’organisation terroriste. Certes, depuis un an, elle perd du terrain mais, loin de son effondrement annoncé un peu vite, elle continue à opposer une farouche résistance. La bataille de Mossoul, commencée il y a huit mois, n’est pas terminée. La bataille de Raqqa qui démarre tout juste s’annonce, elle aussi, longue et sanglante.

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