Fer de lance du Printemps arabe, dont il a incarné l’unique espoir pendant dix ans, le Pays du Jasmin vit des heures difficiles sous Kaïs Saïed, qui y règne en maître depuis son « coup de force » de juillet 2021. Brandissant l’article 80 de la Constitution, qui l’autorise « en cas de péril imminent » à « prendre les mesures qu’impose l’état d’exception », le chef d’État tunisien a paralysé le Parlement, démis le chef du gouvernement de ses fonctions et tenté de prendre le contrôle du Parquet.
Par cette décision, le président élu en 2019 a « largement outrepassé ses prérogatives » pour neutraliser tous les contrepouvoirs. Loin de susciter la colère des Tunisiens, le « coup de force » – ou « coup d’État », selon ses détracteurs – a été salué par une foule excédée par l’inertie d’une classe politique qui n’a su répondre à ses aspirations. Un soutien s’est amenuisé à mesure que le pays s’est enfoncé dans la crise. Dans son ouvrage « Tunisie, vers un populisme autoritaire ? », paru en France aux éditions Riveneuve, l’essayiste tunisien Hatem Nafti, auteur notamment « De la Révolution à la restauration » (Riveneuve, 2019) revient sur la décennie révolutionnaire et sur les méthodes populistes de Kaïs Saïed, dont les discours sont parfois un mélange de complotisme et de fausses informations.
« Si, dans un premier temps, une large partie de l’opinion et de la société civile a applaudi le coup de force de Saïed, ce soutien s’est petit à petit érodé, en particulier auprès des élites, et pour cause. Ce qui ne devait être qu’un électrochoc destiné, comme le dit la Constitution, à « garantir le retour dans les plus brefs délais à un fonctionnement régulier des pouvoirs publics » s’est transformé en une véritable opération tabula rasa », écrit dans l’introduction cet ingénieur de formation né à Tunis en 1984.
EXTRAIT I
Kaïs Saïed sous Ben Ali
Enseignant de droit public, Kais Saïed effectue l’essentiel de sa carrière entre la Faculté de droit de Sousse et la Faculté des sciences juridiques à Tunis. Il ne soutient pas sa thèse de doctorat et confie au journal Al Charaa’ al Magharibi que cet échec l’a marqué. Sans être un proche du régime benaliste, Saïed ne se distingue pas par une farouche opposition. Ainsi, le 12 octobre 1999, dans le cadre des élections législatives et présidentielles, il donne une conférence à l’invitation de l’Association des parlementaires tunisiens. Le 4 décembre 2001, dans une interview donnée au journal Assabah, il soutient la réforme constitutionnelle de 2002, qui supprime la limite du nombre de mandats que peut effectuer le président de la République et accorde au chef de l’État une immunité pénale.
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