Après avoir déroulé son nouvel et ambitieux plan de développement industriel à l’horizon 2027, le groupe OCP, leader mondial des phosphates et des engrais s’est attelé à refondre son organisation opérationnelle. L’objectif visé étant de mettre en cohérence ses diverses activités et de se donner les moyens de faire levier à travers le potentiel offert par les marchés financiers, mais aussi à travers des alliances capitalistiques stratégiques.
Comme indiqué précédemment, selon des sources consultées par Le Desk, le processus de cette transformation est de faire évoluer l'Operating Model vers un groupe multi-business composé d'unités de performance cohérentes en termes de stratégie et responsabilisées de bout en bout sur leur P&L (i.e. Strategic Business Units / Business Units), ainsi que d’une fonction Corporate réinventée à leur service.
Dans cette optique, OCP a décidé de lancer pas moins de 7 Strategic Business Units : Mining, Manufacturing, Rock Solutions, Nutricrops, Speciality Products & Solutions, UM6P et le Strategic Program Mzinda-Meskala. Chacune de ces unités sera dotée d’un Strategic Program, des feuilles de route en somme qui mettrons en musique l’ensemble de la nouvelle organisation opérationnelle.
Un transfert d’actifs de 30 MMDH
Afin de la déployer, et comme révélé par Le Desk, dès janvier 2024, OCP S.A. a procédé à une opération de carve-out au profit d’OCP Nutricrops S.A., transférant près de 30 milliards de dirhams (MMDH) d’actifs, comprenant 25,3 MMDH d’actifs industriels liés aux engrais et 4,7 MMDH de stocks, afin de renforcer la position et les capacités opérationnelles d'OCP Nutricrops.
Créé en juillet 2022, OCP Nutricrops, dotée d’un capital de 13,8 MMDH était appelée à détenir les cinq filiales du groupe spécialisées dans l'industrie chimique et les engrais.
Le schéma retenu est qu’OCP apporte à l’escarcelle d’OCP Nutricrops, Jorf Fertilizers Company I (JFC I), Jorf Fertilizers Company II (JFC II) et Jorf Fertilizers Company IV (JFC IV), que le groupe détient à 100 %. A celles-ci s’ajoutent Jorf Fertilizers Company III (JFC III) et Jorf Fertilizers Company V (JFC V), détenues respectivement à 50 % avec l’Américain Koch et à 60 % avec une brochette d’institutionnels (CIMR : 8,3 %, RCAR : 8,3 %, Fipar-Holding : 8 %, Chaabi Capital Investissement : 5 %, RMA : 4,2 %, Saham Assurance : 3,7 % et FCP Moustaqbal et Capital Taalim : 2,5 %).
La création des JFC, qui sont des unités indépendantes et autonomes de production et de commercialisation d’engrais basées sur la plateforme de Jorf Lasfar, avait pour objectif d’accompagner l’augmentation de la demande en engrais phosphatés sur le marché international.
Dans le détail, OCP SA a effectué un apport en nature des éléments composant le fonds de commerce relatif à l’activité engrais à la société OCP Nutricrops. Cette opération consiste à céder les éléments corporels et incorporels de l’activité engrais à la filiale spécialisée. Aussi, OCP Nutricrops ne reprend pas les dettes nées de l'activité industrielle développée par OCP, mais seulement ses actifs. Cela concerne, selon nos sources tous les actifs chimiques au niveau de Jorf Lasfar, Safi et les bureaux à l’international chargés de la commercialisation des engrais.
Composée d’OCP Nutricrops SA et les JFCs I-V, OCP Nutricrops a ainsi vocation à porter l’ensemble des actifs et activités, actuels et futurs, de production et commercialisation du périmètre « engrais » du groupe. Avec un chiffre d’affaires moyen visé d'environ 30,6 MMDH, la société veut se doter de toute l’aisance nécessaire dans sa conquête de marchés à l’export avec comme positionnement celui de leader mondial dans le secteur des engrais et des solutions de fertilisation sur-mesure.
Ce transfert d’actifs, après une série d’opérations de recapitalisation des JFC, donne surtout une plus grande aisance en termes de financement, de s’ouvrir éventuellement aux capitaux privés ou encore d’accueillir un nouveau partenaire stratégique.
Préserver l’actif souverain
La première phase de transformation du groupe OCP qui aura duré dix ans avait pour objectif celui de rendre en quelque sorte justice aux immenses réserves de phosphate dont regorge le sous-sol marocain. L’impératif était alors, en sus de dégraisser le mammouth, d’utiliser au mieux les capacités existantes (usines) de transformation du produit fini, à savoir les engrais.
La seconde phase du programme d’investissement présenté par le P-DG Mostafa Terrab au Roi Mohammed VI en décembre dernier est focalisée sur l’anticipation des enjeux du marché sur les années à venir. L’investissement dans la recherche et le développement dont le cœur du réacteur est l’écosystème formé au sein de l’Université polytechnique Mohammed VI (UM6P) s’est révélé crucial : nouvelles technologies d’agriculture de précision et responsable, engrais de nouvelle génération, outils d’IA, procédés d’extraction d’éléments constitutifs du minéral de phosphate, valorisation du fluor et des terres rares, batteries lithium-fer-phosphate, hydrogène et ammoniac verts, réhabilitation des terrains miniers en champs solaires et éoliens etc.
C’est tout un écosystème supporté par des véhicules d’innovation et d’entreprenariat comme InnovX, UM6P Ventures etc. qui permet de faire du développement durable et de l’innovation un véritable avantage compétitif et stratégique pour OCP.
Ceci sans oublier les engagements pris par le Maroc en matière de transitions énergétique et écologique dans le cadre desquelles, OCP s’est fixé des objectifs irréversibles en termes de neutralité carbone. Cela concerne son outil industriel et ses sources d’énergie : OCP vise 100 % d'eau non conventionnelle dès 2024 (dessalement et traitement des eaux usées), 100 % d'énergie verte en 2027.
C’est dans cette perspective que le groupe OCP a initié son deuxième programme d’investissement axé sur le développement des énergies renouvelables, une expansion articulée autour de l'hydrogène vert et l'ammoniac vert avec notamment l'Australien Fortescue.

Mais, l’impératif est de sanctuariser l’offtake marocain, que ce soit pour la production des nouvelles énergies que pour la mine, actif souverain par excellence qu’il n’est pas question de céder à des intérêts étrangers.
Ouvrir OCP Nutricrops aux marchés
Or l’investissement arrêté à 130 MMDH, qui faut-il le rappeler ne nécessitera aucun recours ni garantie de l’Etat, devait permettre à OCP de caper son chiffre d’affaires à 12 milliards de dollars (MM $) par an à partir de 2023 pour ensuite le porter à 14 MM $ dès 2025.
A fin décembre 2023, il ressort un chiffre d'affaires qui s'établit à environ 9 MM $, en baisse par rapport à l'année précédente (11,4 MM $) qui s’explique globalement par une baisse notable des prix à l'exportation des produits phosphatés par rapport aux niveaux exceptionnels de 2022. Un rebond significatif a néanmoins été observé au second semestre : la tendance baissière ayant été partiellement compensée par une augmentation des volumes d'exportation au second semestre de l'année, par exemple en Inde, pour répondre à la demande croissante constatée au troisième et quatrième trimestre.

Les besoins en financement pour soutenir l’effort considérable d’investissement tout en faisant face aux aléas du marché pousse le groupe à accentuer sa flexibilité opérationnelle, son agilité commerciale et sa forte position en termes de maîtrise des coûts.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’orientation stratégique menée autour des 7 Strategic Business Units qui, simplifiées peuvent être dessinées autour de trois ensembles : la mine en tant qu’actif souverain, la R&D de l’écosystème UM6P illustrée par le boost donné à l’entité InnovX et enfin OCP Nutricrops dont la mission est d’exploiter les capacités de production et de distribution de pointe de nutrition des plantes à base de phosphate du groupe afin de fournir aux agriculteurs les solutions customisées dont ils ont besoin pour préserver la santé des sols, augmenter les rendements agricoles de manière durable, lutter contre le changement climatique et protéger l'environnement naturel.
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