Silumko est le premier de sa famille à avoir jamais été à l’université. Le premier à avoir même jamais pu imaginer s’y inscrire et en sortir avec un diplôme. Né en 1992 dans le gigantesque township de Khayelitsha, 400 000 habitants, dans la banlieue du Cap, le jeune homme fait partie de la génération des born-free, ces Sud-Africains noirs ou métis nés après la chute de l’apartheid. Une génération à qui tout semblait promis : la liberté bien sûr, mais aussi les études, l’ascension sociale, le partage des richesses d’un pays qui n’en manque pas.
En 2004, une fois son diplôme de gestion des entreprises en poche, Silumko envoie des dizaines de lettres de candidature tous azimuts. Sans succès. Il ne reçoit quasiment aucune réponse et ne sait pas pourquoi il n’est pas embauché. Mais il n’est pas le seul : la plupart de ses camarades de promotion sont traités de la même manière. Pas découragés, Silumko et deux amis de Khayelitsha dans la même situation montent une société, bien décidés à faire bon usage de leur bagage universitaire. Leur idée : une entreprise de bureautique et de gestion qui fournirait des services (accès à Internet, photocopieuses, réalisation de brochures) et des conseils (comptabilité, législation) à tous les petits entrepreneurs du township.

Quand ils vont à la banque solliciter un prêt afin de pouvoir payer trois mois de loyer d’avance et investir dans du matériel informatique, on leur demande quels biens ils ont pour servir de caution. La réponse est simple : aucun. Tous trois sont issus de familles pauvres, vivant de semaine en semaine sans jamais avoir possédé de maison ni même de voiture. Leurs parents ont beau habiter depuis des années sur le même terrain et dans le même logement, passé de la tôle ondulée aux parpaings, ils ne détiennent aucun titre de propriété – un des héritages les plus cruels de la politique d’apartheid que les gouvernements successifs depuis 1994 ne sont jamais parvenus à résoudre, celui de la propriété des terres.
Les trois jeunes entrepreneurs décident donc de concevoir un projet moins coûteux et, leur semble-t-il, taillé pour eux : répondre à des appels d’offres municipaux réservés aux sociétés détenues par des Noirs, répondant à la politique gouvernementale du Black Economic Empowerment (BEE) ou émancipation économique des Noirs. Après avoir examiné l’historique des appels d’offres, ils optent pour un créneau leur demandant peu d’investissement et qui leur permettra de mettre le pied à l’étrier : l’entretien des jardins municipaux et des bordures de routes.

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