Tandis que la campagne présidentielle française s'oriente sur le terrain identitaire depuis le succès de la droite conservatrice de François Fillon au second tour de la primaire de la droite, tandis que grandit la dynamique de soupçon généralisé envers les musulmans de France, Paris maintient des relations étroites avec les pays du Golfe. Des relations « anciennes et complexes » décryptées par Chesnot et Malbrunot dans leur dernier ouvrage, Nos très chers émirs : sont-ils vraiment nos amis publié aux Éditions Michel Lafon.
Les deux journalistes – le premier exerce au service étranger de France Inter, le second dans celui du Figaro – connaissent le Moyen-Orient, pour l'avoir sillonné de nombreuses années. Le 20 août 2004, ils sont enlevés sur la route de Nadjaf par l'Armée islamique en Irak, un groupe d'obédience salafiste qui combat l'occupation du pays. Au terme de 124 jours de captivité et de mobilisation internationale – les journaux télévisés ajouteront notamment un encart pour rappeler la durée de leur détention -, ils sont libérés le 21 décembre 2004. Ils publient en 2005 Mémoires d'otages : notre contre-enquête, dans lesquelles ils détaillent cet épisode et analysent les démarches entreprises par la France afin de les libérer. Georges Malbrunot donne le change en 2008 au leader du FPLP, Georges Habache, dans un livre d'entretiens intitulé Les révolutionnaires ne meurent jamais et recueille deux ans plus tard les confessions de l'ancien garde du corps d'Oussama Ben Laden. Dans Orient-Occident, le choc ?, Christian Chesnot analyse en 2009 la situation au Moyen-Orient en compagnie d'Antoine Sfeir. Après Qatar : les secrets du coffre-fort et Les chemins de Damas : le dossier noir de la relation franco-syrienne, publiés en 2013 et 2014, Chesnot et Malbrunot renouent donc avec la co-écriture au travers de Nos très chers émirs.

Ils documentent les petits arrangements des hommes politiques français avec l'ancien ambassadeur du Qatar à Paris, questionnent l’obsession hexagonale pour les grands contrats et détaillent les circuits de financement du terrorisme par des personnalités saoudiennes, qataries et koweïtiennes. Ils évoquent également la schizophrénie de l'establishment saoudien, qui prône un conservatisme rigoureux mais ne l'applique pas toujours, et étudient la place de la femme dans les sociétés du Golfe. Enfin, les deux journalistes dressent le portrait des dynamiques internes à l'Arabie Saoudite et au Qatar du Cheikh Tamim Al Thani.
On y apprend également que Nicolas Sarkozy a demandé à Mohammed VI de jouer les intermédiaires afin d'organiser la rencontre entre l'ancien président français et le roi Salman d'Arabie Saoudite, en août dernier. Chesnot et Malbrunot dévoilent en outre la cession par la monarchie alaouite du château de Gretz-Armainvilliers, en Seine-et-Marne, au roi du Bahreïn, Hamed Ben Issa Al Khalifa. Coût de la transaction : 200 millions d'euros pour quelques 400 hectares en Seine-et-Marne.
EXTRAIT I
Le ministre français et l'argent qatari

Comme l’explique un officiel à Doha, Jean-Marie Le Guen annonçait clairement la couleur. « Il disait à nos diplomates à Paris : “En tant que ministre en charge des Relations avec le Parlement, je tiens tous les députés et sénateurs de mon camp, via les questions au gouvernement. Je peux bloquer des questions hostiles au Qatar, ou au contraire les alimenter. Mais je n’ai pas à le faire gratuitement.” » Bref, « il nous faisait littéralement du chantage ».

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