Tanger, envoyée spéciale. –Certains ont encore une bouille d’enfant. Tous ont du scotch et un tube de colle sur eux, comme pour aller à l’école. Mais sur ce tronçon de route marocaine, « le scotch sert à fermer derrière toi quand t’as réussi à découper la bâche d’un camion et à te glisser dedans, expose Mohammed*, ado volubile. Sinon, le trou fait du bruit en roulant et t’es repéré ».
Ainsi caché, lui est déjà parvenu à pénétrer deux fois à l’intérieur du complexe portuaire de Tanger Med, l’un des plus gros d’Afrique, fleuron de l’économie marocaine bâti à une heure de bus de Tanger, où s’entassent conteneurs et poids lourds derrière des kilomètres de barrières sécurisées.
Mais une fois entré, « il y a encore les scanners à passer, les policiers, les chiens... », liste le garçon, systématiquement repéré et jeté dehors avant que la remorque n’ait atteint un navire. Alors « pour se donner du courage », il faut sniffer de la colle, ou n’importe quel solvant bon marché.
En longeant l’enceinte du port, on croise ainsi des dizaines d’adolescents marocains venus de régions éloignées (Casablanca, Agadir, etc.), tantôt surexcités, tantôt abattus, engoncés dans des doudounes usées jusqu’à la corde, piètres armures censées les protéger des chutes comme des lunes froides.
La nuit venue, blottis sur des talus qui surplombent les quais, ils scrutent les villes espagnoles scintillant de l’autre côté du détroit de Gibraltar, à quelques encablures – une heure de navigation à peine.

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