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05.05.2016 à 18 H 37 • Mis à jour le 05.05.2016 à 20 H 49
Par
Business

A partir de Casablanca, DSK se penche au chevet de l’économie tunisienne

Tunis (Tunisie), juin 2014. Dominique Strauss-Kahn aux côtés de Béji Caïd Essebsi, qui n’était pas encore élu président. Aujourd’hui, l’ancien directeur du FMI va aider la Tunisie à restaurer son image et tenter de charmer anciens et futurs investisseurs. HAMMI / SIPA
Avec Parnasse International, son cabinet domicilié à Casablanca, Dominique Strauss-Kahn s’est associé avec la banque Arjil, le bureau Comète et le groupe Jeune Afrique pour restaurer l’image de la Tunisie et convaincre les investisseurs d’y revenir. Pourtant son officine marocaine est liée au scandale de la banque d’affaires LSK qu’il avait créée avec un homme d’affaire franco-israélien. Les détails.

Dominique Strauss-Kahn, qui vient de fêter ses 67 ans, reprend pied de plus belle dans les affaires. Le Parisien annonçait il y a quelques jours qu’il allait mettre ses compétences et son immense carnet d'adresses au service de la Tunisie. Associé à la banque Arjil, au bureau d'ingénierie tunisien Comète et au groupe Jeune Afrique (pour le volet communication de ce juteux contrat), l’ancien patron du FMI aura la lourde tache de la mise en œuvre et la promotion du plan de développement quinquennal 2016-2020 imaginé par le gouvernement de Beji Caïd Essebsi.


DSK reçu par Beji Caïd Essebsi lors de sa visite éclair en Tunisie en juin 2014. MNEWS


L’enjeu est de taille, la Tunisie ayant vu les investissements étrangers (IDE) fondre comme neige au soleil, après les turbulences politiques et les attaques terroristes qui ont porté autant de coups durs au pays.


« Notre équipe technique sera chargée de promouvoir ce plan quinquennal, afin de mobiliser des investisseurs, nationaux et étrangers, ainsi qu'institutionnels et privés », a expliqué la banque Arjil, citée par l’agence Ecofin. Une banque avec qui il entretient des liens depuis des années et dont il a ses habitudes dans ses locaux du 84, avenue Iéna à Paris.


Le coup d’envoi de la stratégie de relance élaborée par le gouvernement tunisien aura lieu à la prochaine rentrée par le moyen d'une grande conférence internationale. Une grand-messe qui servira a faire oublier les piètres résultats économiques affichés par la Tunisie qui a enregistré une croissance économique de 0,8 % en 2015 contre 2,7 %, en 2014, selon les données de la Banque mondiale. Le taux de chômage reste particulièrement élevé, à 15 % de la population active. Le plan de redressement vise à atteindre un taux de croissance minimum de 4 % par an contre 1,5 % par an durant la période 2011-2015. L’autre objectif phare du plan est de porter le PIB par habitant de 8 000 dinars en 2015 à 12 520 dinars (environ 6400 dollars) en 2020 grâce notamment à la création de plus de 400 000 nouveaux emplois.


« La Tunisie a besoin de s'appuyer sur des partenaires capables de restaurer son image à l'extérieur et de convaincre anciens et futurs investisseurs de revenir. Ce sera principalement le travail de DSK » écrit Le Parisien. Un défi qui n'est pas pour déplaire à l'ancien ministre de l'Economie français qui devra employer tout son pouvoir de conviction pour rassurer les hésitants. Le coup d'envoi officiel aura lieu à la rentrée par le moyen d'une conférence destinée à populariser cette opération,


Ironie de l'histoire, fait remarquer Le Parisien, trois autres banques d'affaires étaient en concurrence avec le consortium mené par le tandem Arjil-DSK. Il s'agit des deux groupes Rothschild et de la banque Lazard dont l'un des principaux associés n'est autre que... Matthieu Pigasse, ancien collaborateur de Strauss-Kahn à Bercy.


Parnasse délocalisée de Paris vers le Maroc

DSK créé en septembre 2012 Parnasse, une société unipersonnelle au capital de 1 000 euros. A l’époque, il monte cette discrète entité pour se refaire après sa descente aux enfers suite à l’affaire désastreuse du Sofitel de New York. Elle est destinée à vendre ses conseils à des multinationales, des organisations et des gouvernements étrangers, et sert aussi à facturer ses conférences internationales, dont celle qu’il donne à l’Université internationale de Marrakech en 2007 et 2008. Cet embryon d’entreprise va afficher pour cette année-là un chiffre d'affaires de 636 400 euros et un bénéfice de 216 400 euros.


Domiciliée dans le quartier du 14ème arrondissement de Paris, où l’ancien patron du FMI a aussi un pied à terre et ses habitudes à La Rotonde, Parnasse affiche en 2013, dernière année de son activité, une insolente rentabilité. Lorsqu’il décide de la dissoudre « par anticipation » et « pour cause de cessation d’activités », la société réalise un chiffre d’affaires de 2,55 millions d’euros avec un bénéfice de 766 334 euros. Ces performances permettent alors à DSK de se verser 700 000 euros de dividendes.


Depuis cette date, Dominique Strauss-Kahn ne gère plus ses activités de conseil depuis la France. S’il baisse le rideau de sa structure parisienne, DSK ne lâche pas pour autant son lucratif business de conseiller haut de gamme. Cette fois au Maroc, pays de son enfance. A Marrakech, il ne descend plus dans le luxueux riad de son ex-épouse, la journaliste Anne Sinclair, lové dans la médina. Il préfère désormais la vue grandiose des contreforts de l’Atlas où il achète une villa au style béton épuré à un quart d’heure de l’aéroport Ménara.


En juin 2013, il fonde Parnasse International une société de « conseil juridique et de gestion », immatriculée à Casablanca. Lors de ses passages dans la capitale économique du royaume, il loge dans une vaste villa du quartier Californie.


Extrait de l'acte d'enregistrement de Parnasse International au registre des sociétés de Casablanca. CAPTURE LE DESK


DSK ne devait pas non plus se suffire de ses conférences payées rubis sur l’ongle, de ses conseils aux puissants tarifés jusqu’à 150 000 euros la demi-heure selon le magazine Capital, ou de ses amitiés marocaines jusqu’aux marches du Palais. Il attendait patiemment une offre de la banque Lazard ou de BNP Paribas, tous deux dirigés par d’anciens collaborateurs à Bercy, Matthieu Pigasse et François Villeroy de Galhau. Celle-ci n’est jamais venue, ou du moins pas à temps…


Fin septembre 2013, il se lance dans la création d’une banque d’investissement aux côtés d’un sulfureux financier franco-israélien, Thierry Leyne. Celui-ci détient une multitude de sociétés d’affaires fonctionnant sur le mode de fonds spéculatifs. L’une d’elle, Anatevka, valait à cette époque 90 millions d'euros à la bourse de Paris. A travers Parnasse International basée à Casablanca, Strauss-Kahn en acquiert 20 %. Avant même l'entrée au capital de DSK, les deux hommes s'affichent ensemble. Ils assistent tout-sourire à l'inauguration d'une banque au Soudan du Sud, en mai 2013, dans laquelle Assya, filiale d’Anatevka aurait pris une participation, soulevant même des doutes sur des connexions avec le Mossad…


Extrait de l’acte de l'Assemblée générale ordinaire tenue le 18 octobre 2013 au Luxembourg, portant nomination de Dominique Strauss-Kahn en tant qu’administrateur de LSK. REGISTRE DU COMMERCE DU LUXEMBOURG


En 2013, Anatevka, rebaptisée LSK (pour Leyne, Strauss-Kahn &  Partners) avait enregistré une perte de 17 millions d’euros. Le réviseur d’entreprises Ernst &  Young émit des réserves sur les comptes et démissionna en décembre 2013. Lorsqu’elle fit son entrée en bourse en mars 2013, LSK fut valorisée à 50,24 millions d’euros. Dominique Strauss-Kahn souscrivit alors ses titres pour 0,25 euro l’unité.


Par effet mécanique, l’action LSK, s’envole dans les jours qui suivirent, propulsant la valeur de la compagnie financière à plus de 100 millions. L’idée de l’ancien patron du FMI est de créer un hedge fund à qui il donne son acronyme, DSK Global Investment et qu’il ambitionne de porter à 2 milliards de dollars. « Dans cinq ans, je serai plus gros que la banque Lazard », disait-il confiant à son entourage déjà inquiet par une décision qualifiée de « légèreté », au moment où l’ex-star du PS et ancien ministre se remettait à peine de ses déboires à répétition.


Les Cassandre avaient raison. Thierry Leyne, qui croulait sous les dettes, se défenestre le 23 octobre 2014 de son penthouse perché au 23ème étage de la plus luxueuse tour de Tel-Aviv. Le flamboyant financier savait à la fois que son groupe était en proie à de graves problèmes financiers et que son médiatique partenaire était en train de prendre le large : DSK venait de démissionner à peine deux jours avant son suicide.


DSK perd des plumes dans le fonds spéculatif mort-né, mais pire, se voit de nouveau entrainé dans une tourmente judiciaire sans fond. Outre les pertes financières occasionnées par les promoteurs ( DSK à hauteur de 20 %, Leyne pour 30 %, des institutionnels suisses pour 26 % et des cadres du groupe pour 5 %), des investisseurs de familles fortunées russes, chinoises et mêmes africaines avaient été appâtées par des perspectives de rentabilité alléchantes.


En réalité, les autorités luxembourgeoises où était domiciliée LSK n'avaient toujours pas délivré les visas attendus. Par ailleurs, un des institutionnels qui avait confié des fonds à Assaya, la structure qui gérait déjà un milliard d'euros chez LSK, avait vivement critiqué ses méthodes de gestion. L'assureur La Bâloise Vie reprochait à LSK d'investir une grande part des fonds qu’elle lui avait confiée dans des entités de son propre groupe. La vénérable institution helvétique avait donc demandé le remboursement de ses investissements, avait révélé le site Paperjam.


Thierry Leyne et Dominique Strauss-Kahn sur le site Internet (depuis fermé) de leur société LSK & Partners.


La décision de la justice luxembourgeoise condamnant LSK et sa filiale Assaya à rembourser La Bâloise est intervenue une dizaine de jours avant que Dominique Strauss-Kahn décide de quitter ses fonctions et que Thierry Leyne mette fin à ses jours. Depuis, la compagnie financière a dû depuis demander à être placée en « sursis de paiement » pour ne pas avoir à rembourser ses créanciers dans l'immédiat.


Dominique Strauss-Kahn affirme avoir perdu 1,2 million d’euros dans la faillite de LSK. C’est du moins ce qu’a écrit son avocat, Jean Veil, dans une note adressée au parquet de Paris.


Les profits colossaux de Parnasse International

Mais à Casablanca, sa société unipersonnelle, Parnasse International, qui ne compte qu’un seul salarié, DSK lui-même, et par laquelle il avait acquis 20 % de LSK, cumule des profits colossaux. Ainsi, en 2014, alors qu’il présidait aux destinées de LSK, elle réalisait un chiffre d’affaires de plus de 87 millions de dirhams pour un bénéfice net de 77,5 millions, comme a pu le constater Le Desk sur ses bilans. Des revenus obtenus grâce à ses activités de conseil, auprès de la Serbie par exemple pour qui il restructure la dette, ou aux jetons de présence encaissés lors de conseils d’administration de grandes entreprises, comme ceux du géant pétrolier russe Rosneft.


De LSK, il ne reste plus qu'une plaque, au 24 bd Royal, une avenue très fréquentée du Luxembourg. Un curateur - Laurent Fisch -, nommé en novembre 2015, s'est attelé à la liquidation des sociétés. Selon une source luxembourgeoise, plus de 90 créanciers se seraient déclarés sur LSK, pour plus de 70 millions d'euros.


Alors que des investisseurs floués multiplient les plaintes contre LSK, une information judiciaire a été ouverte par le Parquet de Paris le 7 mars dernier, notamment pour escroquerie en bande organisée, abus de biens sociaux et abus de confiance. Les enquêteurs s'intéressent au fonctionnement de la société Leyne Strauss-Kahn à partir de 2007, donc avant que l’ancien directeur général Dominique Strauss-Kahn en devienne président et actionnaire aux côtés du fondateur Thierry Leyne. DSK est visé par au moins deux plaintes déposées par d'anciens actionnaires qui estiment qu'on leur a présenté, au moment de leur investissement, une situation financière de LSK non conforme à la réalité.


Une première plainte avait été lancée par Jean-François Ott, ancien PDG du groupe immobilier Orco. Ce dernier affirme avoir perdu les 500 000 euros dans une augmentation de capital de LSK intervenue en juillet 2014. Une seconde plainte a été déposée par Alain Urbach et son épouse qui avaient, eux, investi en août 2014 un montant de 1,14 million d'euros. Une troisième plainte a été déposée par un homme d'affaires macédonien qui a souscrit des obligations LSK, a rapporté la presse française.


Une commission rogatoire au Maroc ?

Les juges d’instruction cherchent à savoir si l’ancien patron du FMI a eu un rôle opérationnel dans le fonds d’investissement, ce qu’il conteste. Dans un courrier adressé à la justice luxembourgeoise en novembre 2014, cité par l’AFP, il précise que les réunions du conseil d’administration de LSK ne laissaient « aucunement transparaître de difficultés sérieuses ». Les plaignants considèrent cependant que Dominique Strauss-Kahn ne pouvait ignorer la situation financière de l’entreprise, qui était en cessation de paiement depuis le 7 mai 2014, selon la justice luxembourgeoise.


Extrait du recueil des sociétés du Luxembourg attestant l'entrée au capital de LSK de la société Parnasse International domiciliée à Casablanca. REGISTRE DU COMMERCE DU LUXEMBOURG


D’ailleurs, à partir de Casablanca, Parnasse International est plus que jamais active. Selon La Lettre du Continent, la banque d’affaires Lazard, à qui pourtant DSK voulait tailler des croupières en s’associant à Leyne, mise maintenant plus que jamais sur les réseaux de l’ancien patron du FMI pour développer son business en Afrique. En concurrence directe sur le continent africain avec d’autres établissements dont Rothschild, la banque de Matthieu Pigasse, continue d’utiliser le carnet d’adresses de DSK pour approcher les autorités de plusieurs pays. Dernier exemple en date avant celui de la Tunisie où il a choisi de s'allier avec Arjil, DSK a profité d’un séjour au Togo début mars 2016, où il a participé à un conseil de gouvernement pour pousser la candidature de Lazard qui cherche un mandat auprès du président Faure Gnassingbé. Au Maroc, Dominique Strauss-Kahn a récemment approché le très fortuné homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, ennemi juré du régime mauritanien. L’opposant, exilé à Marrakech et Rabat avec la bénédiction de la DGED, avait lui aussi misé quelques billes dans LSK. Un rapprochement, note La Lettre du Continent, qui intervient au moment où les autorités de Nouakchott ont décidé de ne pas renouveler le contrat que Lazard détenait dans ce pays.


DISCLAIMER : Cet article est une version augmentée d'un précédent publié par Le Desk le 2 avril 2016

Pour aller plus loin, lire le billet de blog de Pierre Puchot sur Mediapart sur les anciennes amitiés de DSK avec le régime de Ben Ali

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