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14.09.2016 à 00 H 33 • Mis à jour le 14.09.2016 à 10 H 07
Par
Législatives 2016

Blâmé par le Palais, Nabil Benabdallah joue désormais son avenir politique

Abdelilah Benkirane (à-g) et Nabil Benabdallah. Alliés au sein de la coalition gouvernementale sortante dirigée par le Parti de la justice et du développement (PJD), le PPS, comme par ailleurs l’Istiqlal, n’ont eu de cesse ces derniers mois d’accuser leurs rivaux du PAM d’avoir un soutien pesant de la part de « l’Etat profond », ou de « l’Administration », selon leurs diverses sorties. Des tensions palpables autour de cette question ont jalonné toute la période de pré-campagne électorale. AIC PRESS
Le secrétaire général du PPS est directement mis en cause par le Palais pour avoir accusé le conseiller royal Fouad Ali El Himma d’être l’ordonnateur du « tahakoum ». Selon Benabdallah, le PPS et ses alliés, PJD en tête, seraient les victimes expiatoires de cet autoritarisme à la veille d’un rendez-vous électoral décisif

Fait sans précédent, dans un communiqué relayé le 13 septembre au soir par l’agence officielle MAP, le Cabinet royal recadre fermement le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) pour des déclarations faites en public, notamment l’une d’entre elles donnée à la presse, insinuant que le conseiller royal, Fouad Ali El Himma serait derrière une forme d’autoritarisme politique agissant dans le contexte tendu des prochaines législatives d’octobre.


El Himma, incarnation du « tahakoum »

 « La récente déclaration de M. Nabil Benabdellah, ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville et secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui vient s’ajouter à de précédentes déclarations irresponsables, est un outil de diversion politique en période électorale, qui requiert de s’abstenir de lancer des déclarations non fondées », indique mardi soir un communiqué du Cabinet royal, faisant directement référence à ses déclarations données dans le cadre d’une interview accordée à l’hebdomadaire Al Ayam dans son édition du 8 septembre.


Le communiqué ajoute que Nabil Benabdellah avait considéré « dans une déclaration à un hebdomadaire », que « sa formation politique n’a pas de problème avec le Parti authenticité et modernité (PAM) mais avec la personne qui se trouve derrière ce parti, en précisant que la personne sous entendue est le fondateur de ce parti qui incarne l’autoritarisme », selon ses propos.


L’hebdomadaire Al Ayam dirigé par Nourredine Miftah, par ailleurs président de la fédération des éditeurs de presse, s’était excusé dès le lendemain, sur le site internet du journal, d’avoir commis « une erreur de retranscription » du passage incriminé. Le journal l’avait alors rectifié en « clarifiant les propos de Benabdallah » qui visaient en fait, selon leur auteur, « des fondateurs » du PAM et non « le fondateur », allusion directe au conseiller royal Fouad Ali El Himma, à l’origine de la création du parti aujourd’hui dirigé par Ilyas El Omari. Le PPS avait lui aussi publié dans la foulée le correctif sur son site officiel. (Celui-ci avait été temporairement supprimé).


« Un rétropédalage du à une injonction verbale en haut-lieu », confirme une source interne du PPS au Desk. Celui-ci n’aura vraisemblablement pas suffi à clore l’incident, encore moins à calmer l’ire du Palais, dont les reproches envers la figure de proue du PPS dépassent en réalité cette seule déclaration. « La volte-face de Benabdallah et celle d’Al Ayam, journal cadré, tendant à noyer le poisson dans l’eau en rendant le message quelque peu diffus a convaincu que le leader du PPS n’est pas en capacité d’assumer ses propos », commente la même source. Une défaillance qui le met aujourd’hui en sérieuse difficulté.


Benabdallah paie cash sa fébrilité

« Il semble clair que cette déclaration, qui intervient après d’autres déclarations tout aussi irresponsables de M. Nabil Benabdellah, n’est qu’un outil de diversion politique en période électorale, qui requiert de s’abstenir de lancer des déclarations non fondées », embraye le communiqué du Palais qui, face à cette fébrilité évidente du leader du PPS, enfonce le clou en plaçant l’attitude de son secrétaire général dans un contexte de posture politicienne guidée par son alliance avec le PJD.


Deux jours avant la parution de son interview à Al Ayam, Nabil Benabdallah avait comparé le tahakoum qu’il assimilait clairement au PAM aux politiques qu’a connu le Maroc du temps d’Oufkir, de Dlimi et de Basri. « Ceux qui agissent derrière le PAM veulent contrôler la vie politique en utilisant tous les moyens matériels possibles et en exerçant des pressions. Je me demande d’où ce parti tire cette force ? », avait-t-il déclaré lors du ‘grand oral’ organisé le 6 septembre à Casablanca par les diplômés de Sciences-po Paris.


En réponse et au sujet précis du rôle supposé de Fouad Ali El Himma sur la scène politique, le cabinet royal explique sa démarche et se défend de toute implication d’El Himma dans la vie partisane du PAM : « En rendant public ce communiqué explicatif, le Cabinet royal tient à lever toute équivoque au sujet de ces déclarations eu égard à leur caractère important et dangereux, d’autant plus qu’elles émanent d’un membre du gouvernement et que la personne visée occupe actuellement la fonction de Conseiller de SM le Roi et elle n’a plus aucune relation avec l’action partisane ». Le Cabinet royal tient à affirmer que « les conseillers de SM le roi n’agissent que dans le cadre de leurs fonctions, en suivant les hautes instructions précises et directes qui leur sont données par Sa majesté le roi », ajoute la même source. En clair, accuser El Himma de s’adonner à un jeu politique pervers derrière les hauts murs du palais équivaudrait à mettre en doute la position de Mohammed VI lui-même, censé se placer au-delà des contingences politiques.


« Ces déclarations sont en contradiction avec les dispositions de la Constitution et les lois qui encadrent la relation entre l’Institution monarchique et toutes les institutions et les instances nationales, y compris les partis politiques », a insisté le Cabinet royal, faisant référence à la cosmogonie politique du pays pour exprimer son exaspération de voir que la thématique de l’autoritarisme soit dorénavant le fermant de l’union sacrée du PJD et de ses alliés, PPS en particulier, mais aussi qu’elle s’affirme comme un argument politicien mettant en équation l’action du roi lui-même.


Benkirane silencieux, Benabdallah au charbon

Cette période électorale requiert de « s’abstenir d’utiliser des concepts qui portent atteinte à la réputation de la patrie et à l’intégrité et la crédibilité des institutions, dans une tentative de gagner des voix et la sympathie des électeurs », a répliqué dans ce sens le communiqué du cabinet royal.


Alliés au sein de la coalition gouvernementale sortante dirigée par le Parti de la justice et du développement (PJD), le PPS, comme par ailleurs l’Istiqlal, n’ont eu de cesse ces derniers mois d’accuser leurs rivaux du PAM d’avoir un soutien pesant de la part de « l’Etat profond », ou de « l’Administration », selon leurs diverses sorties. Des tensions palpables autour de cette question ont jalonné toute la période de pré-campagne électorale.


« Depuis quelque temps, je garde le silence. Mais j’espère que vous avez compris le sens de mon silence ». Ainsi s’était adressé Abdelilah Benkirane, aux membres du secrétariat provincial du PJD lors d’une réunion tenue à Rabat le 8 septembre, date de la sortie tonitruante de Benabdallah dans Al Ayam. Fin tacticien, à cette occasion, le chef du gouvernement sortant, avait même invité son état-major à redoubler de vigilance, leur signifiant qu’ils sont « sous les feux des projecteurs », ce que son allié Benabdallah, désormais en roue libre n’a pas fait. Il faut dire que les coups de semonce émanant du Palais s’étaient multipliés ces dernières semaines. Fin juillet, un bref article paru sur le site de Jeune Afrique révélait que l’entourage royal était mécontent des sorties du chef du gouvernement, tantôt fustigeant l’administration qui favoriserait ses adversaires du PAM, tantôt faisant état d’indiscrétions sur ses échanges avec Mohammed VI. Depuis, Benkirane a fait le dos rond, comprenant qu’il avait mordu la ligne jaune.


Mais pas son allié qu’il a laissé aller au charbon. Lors de la présentation des grandes lignes du programme du PPS le 5 septembre, Nabil Benabdallah et Abdelilah Benkirane, invité en guest-star, ont promis, main dans la main de se jurer fidélité pour le meilleur et pour le pire. « Nous nous sommes mis d’accord de rester ensemble que ce soit au gouvernement ou à l’extérieur du gouvernement », avait lancé Benkirane. L’islamiste qui ne fait plus confiance à personne sauf à l’ancien communiste, devenu son meilleur allié « pour affronter le tahakoum » dans une alliance qui dépasse les clivages idéologiques « pour le bien du pays », selon Benkirane, l’avait laissé seul souffler sur les braises.


La grande faiblesse du PPS

« Il est à noter que cette affaire ne concerne que la personne ayant fait ces déclarations et elle n’a aucun rapport avec le PPS, parti reconnu pour son rôle historique de militantisme et sa contribution constructive au processus politique et institutionnel national », conclut d’ailleurs le communiqué du Palais, qui en plus de l’éreinter, isole ainsi Benabdallah du parti fondé par Ali Yata sur des bases communistes avant de se fondre dans le jeu illisible des alliances de circonstance, jusqu’aux antipodes de son référentiel idéologique.


C’est d’ailleurs là où réside la plus grande faiblesse du PPS qui, au fil de son histoire, a accepté tant de renoncements au nom de la raison d’Etat ou pour servir de béquille à des gouvernements improbables. Son chef se retrouve aujourd’hui malmené par le Makhzen, par la voix de son Cabinet - dont la Constitution est pourtant silencieuse - , pour être sorti des clous, alors qu’il lui avait pourtant fait allégeance ventre à terre.


Marqué ainsi au fer rouge, Benabdallah est désormais face à un dilemme cornélien : courir le risque d’affronter le Palais la fleur au fusil, ou lever pavillon blanc et rendre son tablier. Sa mise au point normande après sa sortie dans Al Ayam ne présage pas d’une rébellion. Il joue donc tout son avenir politique, et le PJD pourrait se retrouver à la veille des élections avec un allié carbonisé.

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