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14.12.2017 à 04 H 08 • Mis à jour le 14.12.2017 à 04 H 29
Par
Energie

Scott Pruitt au Maroc en VRP du gaz liquéfié américain

Aziz Rabbah, ministre de l’énergie et Scott Priutt, patron de l’EPA à Rabat à la mi-décembre 2017. EUROPEAN PRESSPHOTO AGENCY
La discrète visite au Maroc cette semaine du patron de l’Agence de protection de l’Environnement américaine (EPA), premier membre de l’Administration Trump à se rendre dans le royaume, suscite des remous aux Etats-Unis. Pruitt, fervent climatosceptique, a notamment rencontré le ministre de l’énergie Aziz Rabbah pour encourager Rabat à importer du gaz liquéfié des Etats-Unis, alors que le projet « Gas to Power » mené par l’ONEE accuse d'inquiétants retards

« Le chef de l’Agence de protection de l’Environnement (EPA) s'est rendu au Maroc cette semaine pour encourager le royaume à importer du gaz naturel liquéfié des Etats-Unis », provoquant, selon AP, les critiques acerbes du camps démocrate qui s’interroge encore une fois sur le rôle de Scott Pruitt patron de cette agence fédérale créée en 1970 en charge des règlementations touchant à l'air, l'eau et la terre, « censée théoriquement militer pour la réduction de l’usage des énergies fossiles ».


« Je me demande si la promotion des ventes de combustibles fossiles à l'étranger s'aligne sur la mission fondamentale de l'EPA de protéger la santé humaine et l'environnement », a déclaré Betty McCullum, élue démocrate du Minnesota, membre du sous-comité des crédits de la Chambre qui supervise le financement de l'EPA.


Pruitt, premier membre de l’Administration Trump à se rendre dans le royaume, était accompagné d'au moins quatre membres du personnel de l’EPA, qui ont tenu des réunions bilatérales avec des officiels marocains pour réviser le volet environnemental inclus dans l'accord de libre-échange maroco-américain.


Les besoins pressants en GNL du Maroc en ligne de mire

Selon l’EPA, Pruitt a rencontré discrètement le ministre de l’énergie Aziz Rabbah, celui de la Justice, Mohamed Aujjar et la secrétaire d'État aux Affaires étrangères Mounia Boucetta. Il a par ailleurs visité la plateforme de test, de recherche et de formation en énergie solaire Green Park développée par l’Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN) dans la ville verte de Ben Guerir, le Maroc étant pour sa part résolument engagé dans l'énergie verte depuis la COP22. Le roi Mohammed VI était dans ce sens présent, à quelques jours près, au One Planet Summit de Paris pour défendre l'Accord de Paris... Durant son séjour, Pruitt était par ailleurs annoncé comme participant à la sixième conférence internationale Atlantic Dialogues organisée par OCP Policy Center à Marrakech, qui a discuté de ces problématiques.


« Nous sommes déterminés à travailler en étroite collaboration avec des pays comme le Maroc pour améliorer la gestion de l'environnement dans le monde », a-t-il déclaré. « Nous avons discuté de notre accord de libre-échange bilatéral, de la réponse aux déchets solides, des secours aux sinistrés et des communications avec les hauts responsables marocains », s'est borné à affirmé son porte-parole, Jahan Wilcox. Mais c'est surtout en terme d'opportunité que Washington propose son partenariat énergétique, le Maroc n’ayant pas encore choisi son futur fournisseur en gaz naturel : la feuille de route du ministère de l’Énergie pour le développement de l’utilisation du GNL à partir de 2021 accuse des retards inquiétants, selon Le Matin.


L’échéancier arrêté fin 2014, dans le cadre du gigantesque projet « Gas to Power » mené par l’ONEE, première composante du plan de développement du GNL, prévoyait un démarrage de l’édification des infrastructures gazières - totalisant un investissement évalué à  6 milliards d'euros -,  à l’automne 2017 pour une mise en service en 2021, date d’expiration de la convention Algérie-Europe pour le transit du gaz algérien via le Gazoduc Maghreb-Europe (GME). Les besoins de sécurité sont estimés à 5 milliards de m3 par an à l’horizon 2025.


Lancé fin 2015, un appel à manifestation d’intérêt, qui avait reçu 93 offres nationales et internationales, n’a pas abouti, alors que de nombreuses sociétés sont toujours sur les rangs, dont Nareva, la filiale énergétique de la holding royale SNI, les américains Jacobs Engineering et General Electric, ou encore le français EDF énergies nouvelles. Or, il faudrait au moins 48 mois pour réaliser les terminaux de regazéification et de stockage du GNL, prévus à Jorf Lasfar, et au bas mot 36 mois pour la jetée maritime du terminal GNL à Jorf Lasfar, les gazoducs et les centrales à cycle combiné…


A la mi-novembre, l’ONEE avait fait appel, selon Africa Intelligence, aux cabinets Energy Contract Co (ECC) et LNG Value pour l'aider à finaliser ses contrats d'achat de GNL dès janvier 2018. Les deux groupes qui ont remporté ce marché de 850 000 euros face devraient travailler main dans la main avec le cabinet londonien Ashurst et la banque britannique HSBC, désignés il y a un an pour plancher sur les aspects juridiques et financiers du dossier.


Face à l'urgence, une solution intermédiaire évoquée par les spécialistes, le Floating Storage Regasification Unit (Unité flottante de stockage et de regazéification du GNL) a pu être proposée par Pruitt...


Climatosceptique et lobbyiste de l’industrie pétrolière et gazière

Nommé par Donald Trump à la tête de EPA en février dernier, ce républicain climatosceptique de 49 ans, juge qu’on ne peut établir de lien entre le réchauffement de la planète et l’usage des énergies fossiles. Il était d’ailleurs déjà réputé pour défendre les intérêts de l'industrie pétrolière et gazière en tant que procureur général de l'Oklahoma.


Depuis son arrivée à Washington, il n’a eu de cesse de démanteler les régulations fédérales adoptées sous Barack Obama pour réduire les émissions de carbone. Le New York Times en a fait un recensement édifiant : plus de 50 réglementations sont en cours d’annulation ou l’ont été. Pruitt était l'un des partisans les plus fervents de la sortie de l'accord de Paris, qu'il jugeait « mauvais » pour les Etats-Unis.  « Il faut sortir de Paris », avait-il dit sans équivoque à Fox News en mai dernier.


« Le recul le plus emblématique est l’annonce de la sortie de l’accord de Paris sur le climat, le 1er juin », relève Le Monde, qui ajoute que « depuis son arrivée, le site web de son agence est expurgé des propos en faveur de la lutte contre le réchauffement ».


« Pruitt refuse que des scientifiques, dont les programmes sont financés par l’EPA, conseillent son institution. Prétendant éviter les conflits d’intérêts, il préfère des hommes d’entreprise. Il a ainsi nommé à la tête du comité scientifique de l’agence Michael Honeycutt, un Texan qui minimise les effets de l’ozone sur l’environnement et estime que, par le passé, l’EPA a exagéré les bénéfices sur la santé d’une réglementation accrue sur la qualité de l’air », précise Le Monde.

 

L’EPA pourrait organiser, à partir de janvier prochain, un débat public sur la question du réchauffement climatique, a indiqué Pruitt, afin d’offrir au grand public un « aperçu en temps réel sur les questions et les réponses sur le sujet », a-t-il déclaré lors de sa première apparition la semaine dernière devant la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine.


Pour les démocrates, minoritaires au Congrès, et les associations écologistes, Scott Pruitt est du reste un ennemi déclaré. « Le travail de l'administrateur de l'EPA est de protéger la santé du public et de l'environnement, mais Scott Pruitt agit plutôt comme un vendeur de l'industrie des combustibles fossiles qui peut faire payer la facture aux contribuables », a déclaré Michael Brune, directeur exécutif du Sierra Club, qui estime que cette escapade marocaine « était une autre raison pour laquelle Pruitt devrait démissionner ».

 

« Scott Pruitt est devenu le pire administrateur de l'EPA de l'histoire », a dit à l'AFP en juin dernier, Ken Cook, président de l'association Environmental Working Group. « Sous Pruitt, l'agence censée protéger les Américains contre les pollutions toxiques a au contraire lancé l'assaut contre notre eau, notre air et la santé publique ».

 

« Il semble étrange que Pruitt donne la priorité à un voyage au Maroc pour discuter des exportations de gaz naturel alors qu'il ne manque pas de questions plus pressantes aux Etats-Unis qui relèvent de la compétence de l'agence qu'il dirige », a déclaré au Washington Post, le sénateur démocrate Thomas R. Carper du Delaware, membre du Comité sénatorial de l'environnement et des travaux publics. « Je présume que M. Pruitt est au courant que l'inspecteur général de son agence mène une enquête sur ses voyages douteux, ce qui rend sa décision de faire de ce voyage un choix étrange au mieux »

 

La facture du voyage au Maroc en question

Selon AP, qui cite une source anonyme au sein de l’EPA, le coût total du déplacement l’équipe Pruitt aurait atteint 40 000 dollars. « Cela n'inclut pas les salaires et les heures supplémentaires pour sa sécurité armée qui l’accompagne partout où il va 24h/24 », ajoute AP. Les frais de voyage, d'hébergement et autres frais de Pruitt pour le voyage au Maroc représentaient plus de 17 500 dollars, soit près de la moitié du coût total, selon la source d'AP. En comparaison, Samantha Dravis, conseillère principale en matière de politique de Pruitt, a dépensé un peu plus de 4 000 dollars pour cette excursion de quatre jours.


L'EPA a d'abord refusé de confirmer à AP si Pruitt se rendait au Maroc, invoquant des impératifs de sécurité. L'EPA publie régulièrement des avis aux médias sur les voyages de Pruitt seulement après qu'ils sont terminés et empêche souvent les journalistes d'assister à des événements où il parle à des groupes d'intérêts spéciaux. Raison pour laquelle sa visite dans le royaume a été tue à ce jour côté marocain.


Le porte-parole de l'EPA, Jahan Wilcox, a refusé de répondre aux questions sur les raisons pour lesquelles les dépenses de Pruitt ont dépassé celles des autres employés du gouvernement lors de ce voyage au Maroc, y compris si l'administrateur voyageait en première classe. Cette polémique s‘ajoute à de précédentes mises en accusations du patron de l’EPA concernant son train de dépenses et ses frais de bouche.

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