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26.03.2021 à 00 H 37 • Mis à jour le 23.06.2021 à 13 H 31
Par et
Révélations

Un futur géant de la pharma sino-marocain porté par BOA, BCP et Attijariwafa bank

Un laborantin prélève des échantillons du vaccin inactivé Covid-19 dans une usine de production de vaccins du China National Pharmaceutical Group (Sinopharm) à Pékin, le 11 avril 2020. XINHUA
Les trois mastodontes bancaires ont formé une alliance autour d’un mégaprojet dans l’industrie pharmaceutique. Une nouvelle structure, MoroccoSino Pharma, tout juste créée, porte cette ambition nationale née de la crise du Covid-19. Elle constitue l’embryon d’un futur « hub maroco-chinois du médicament » et du vaccin en particulier, prévue au cœur de la Cité Mohammed VI Tanger Tech et dont le marché cible est l’Afrique

C’est en toute discrétion, à ce stade, que le projet mené depuis plusieurs mois avance. La constitution d’une nouvelle société le 23 mars en dévoile les premiers contours. Dotée d’un capital de départ de 10 millions de dirhams, MoroccoSino Pharma a pour tour de table les trois principales banques marocaines : les privées Bank Of Africa (BOA) et Attijariwafa bank (AWB- holding royale Al Mada) et la publique Banque Centrale Populaire (BCP). C’est dire d’emblée que le dessein a une portée nationale et que la coalition financière qui le porte lui procure un cachet éminemment stratégique.


Si son statut social balaie tout le spectre des activités d’un laboratoire pharmaceutique d’envergure et de toute la chaine de l’industrie du médicament (préparation, fabrication, conditionnement, transformation, dépôt, vente, import-export, distribution, etc.), de ses dérivés et dispositifs médicaux, jusqu’aux options entourant les brevets, marques, procédés industriels, licences et prises de participations et d’intérêts, c’est surtout son nom qui interpelle et renvoie immanquablement à la Chine et particulièrement à Sinopharm, la firme partenaire du Maroc dans les essais cliniques de phase III sur son vaccin anti-Covid de Wuhan et à travers les livraisons de celui conçu par son unité de Pékin.


Un attelage à la mesure du mégaprojet

Selon nos informations, au board de MoroccoSino Pharma siègent, outre le banquier sinophile Othman Benjelloun, patron de la BOA, son poulain Mohammed Abdelwahab Bensouda, réputé pour gérer ses actifs et fonds à l’international, Mohamed El Kettani, le P-DG d’AWB, son « expert Chine » Reda Hamedoun, ancien de la Banque mondiale aujourd’hui directeur exécutif en charge du développement institutionnel et commercial Asie-Afrique, Karim Mounir, P-DG de la BCP et son directeur « gouvernance et participations » Hassan Mourad.


L’attelage est à la mesure du mégaprojet qui se profile. Selon nos sources, l’idée a germé dès que le Maroc s’est mis en ordre de bataille il y a tout juste un an pour faire face à la pandémie du Covid-19. Rabat s’était très tôt mis en quête de s’assurer des approvisionnements nécessaires en vaccins à l’époque à peine envisagés par les grands laboratoires internationaux. Premier de cordée, Othman Benjelloun dont les liens d’affaires historiques avec Pékin avaient joué un rôle décisif aux côtés de la diplomatie marocaine pour ferrer un premier contrat avec le Chinois Sinopharm. On se rappelle qu’il était présent à la signature, le 20 août dernier, de l’entente avec Sinopharm CNBG sur les essais cliniques.


Mais déjà, Rabat avait saisi que les enjeux dépassent, de loin, la campagne de vaccination nationale anti-Covid-19. « Le Maroc s’est lancé dans une véritable course aux vaccins. Pour protéger sa population, bien sûr, mais aussi parce qu’il nourrit une grande ambition : devenir lui-même un producteur de vaccins en tout genre », résumait Jeune Afrique en décembre dernier.


Un « hub de la biotech » pour l’Afrique

On apprenait d’ailleurs qu’à la signature des accords avec Sinopharm, il était envisagé un transfert technologique pour que le Maroc devienne lui aussi producteur… à destination du continent africain. Un « hub » en quelque sorte rendu possible par les potentialités déjà existantes au sein de laboratoires privés, tels que Sothema (associé aux essais cliniques) et Pharma 5, tous deux en pointe de la biotech nationale et dont l’Union européenne n’est pas insensible.


Mais un saut technologique est plus que nécessaire. Si l’industrie marocaine locale peut, à court terme, assurer la mise sous forme pharmaceutique d’un vaccin, ce qu’on appelle en jargon industriel le fill and finish (la transformation de la matière première et le conditionnement en flacon ou seringue pré-remplie), sa fabrication de bout en bout requiert un investissement colossal tant financier qu’en maîtrise et en capacités industrielles.


Toujours est-il qu’octobre dernier, le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, affirmait de nouveau dans un entretien accordé à Medias24 : « L’essai vaccinal a été introduit au Maroc dans un cadre global de coopération stratégique qui comprend l’essai vaccinal, le transfert technologique pour que le Maroc devienne un producteur de vaccins, et enfin dans le cadre d’un approvisionnement du Maroc en vaccins. »

 

Un destin pour Tanger Tech encore dans les limbes

Le ministre avançait même qu’une implantation était prévue au sein de la Cité Mohammed VI Tanger Tech, ambitieux projet, au départ chaotique, mené essentiellement par Bank Of Africa qui n’est toujours pas sorti de terre malgré les promesses et les effets d’annonce et qui se cherche un destin au-delà d’être une autre zone industrielle hinterland de Tanger-Med ou de Kenitra dépendante des industries des écosystèmes existants (automobile et aéronautique en particulier). « L’accord ne prévoit pas que ce vaccin serait dès la première étape fabriqué au Maroc. Si une fabrication au Maroc est confirmée, une implantation est prévue au sein de la cité technologique Mohammed VI à Tanger pour la production du vaccin », expliquait alors, évasif, Khalid Ait Taleb.


Avec le projet MoroccoSino Pharma mis en branle, l’option de la co-industrialisation avec la Chine semble entamée. Pour Pékin, l’avantage serait, dans sa logique déjà éprouvée ailleurs, de conforter sa stratégie de la « route de la soie » dont son meilleur ambassadeur au Maroc est sans nul doute Othman Benjelloun. L’intérêt chinois est évident : le royaume constitue déjà une porte d’entrée vers l’Afrique subsaharienne à plus d’un titre, et où certains de ses laboratoires privés sont déjà implantés et ont rodé les circuits de distribution. En ligne de mire, un marché ouest-africain de quelque 250 millions de personnes qui profiterait autant à la Chine qu’au Maroc et dont quasiment seule l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) assure l’essentiel des soins de santé.


Mais ce plan visionnaire né d’une prise de conscience louable devra concilier un certain nombre de contraintes. Pour le moment, d’après nos sources, les industriels marocains n’ont pas (encore ?) été associés à l’aventure.


S’ouvrir aux produits chinois sans associer les génériqueurs locaux pourrait, selon des experts consultés par Le Desk, mettre à mal plutôt que de servir la biotech nationale bourgeonnante qui pourtant a su mieux percer que la Chinoise le marché ouest-africain du fait que les produits marocains qu’elle exporte déjà surclassent en qualité ceux des chinois. « S’engager avec la Chine pour créer un accélérateur de l’industrie du vaccin ne peut que profiter au pays et à sa zone d’export de prédilection, mais disqualifier les laboratoires marocains dans ce transfert technologique pourrait aussi avoir des conséquences néfastes sur la pharma locale », commente un membre de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP). « Il s’agit en somme encore ici d’une question de dosage », résume-t-il en clin d’œil…

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