Déclarations de Ned Price: L’Amicale Hassania des magistrats monte au créneau
Après la Délégation Interministérielle des Droits de l'Homme, c'est au tour de l'Amicale Hassania des Magistrats de répondre aux dernières déclarations du porte-parole du Département d'État américain au sujet des affaires de Soulaiman Raissouni et d'Omar Radi. Dans un communiqué dont Le Desk détient copie, l'Amicale dirigée par Abdelhak El Aiassi qualifie la position américaine « d'atteinte aux grands efforts déployés par le pouvoir judiciaire marocain (...) afin d'établir une sécurité juridique et de renforcer la confiance des citoyennes et citoyens dans la justice de leur pays ».
À ce sujet, l'Amicale affirme avoir tenu une réunion urgente ce 13 juillet à son siège à Rabat. À l'issue de cette réunion, l'instance représentant les magistrats marocains déclare « condamner le contenu des déclarations de Ned Price portant atteinte au pouvoir judiciaire marocain et à son indépendance garantie par la constitution marocaine, les lois et les conventions internationales ». Selon le communiqué, ces déclarations « affectent le sentiment, l'honneur et la dignité des magistrates et magistrats du Royaume », précise-t-on.
Deuxièmement, les magistrats ajoutent avoir été étonnés de ne pas voir dans les propos du représentant de la diplomatie américaine la mention du communiqué du Parquet général, diffusé le 12 juillet, qui « apportait des éclaircissements et des explications sur le déroulé du procès du citoyen Soulaiman Raissouni poursuivi pour des crimes de droit commun qui n'ont aucun lien avec sa fonction de journaliste ». Les magistrats accusent certaines parties de déformer la réalité, ces parties « ayant des agendas vides de tout sens ». On les accuse également de vouloir porter atteinte à l'image de la justice mais aussi celle du Maroc, peut-on lire.
En troisième point, l'Amicale Hassania des Magistrats souligne que l'indépendance et la souveraineté de la justice marocaine, à l'instar d'autres juridictions, « est une ligne rouge ». Dans son argumentaire, l'Amicale fait allusion aux résolutions 40/32 et 40/146 adoptés par le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s'était tenu en 1985. Ces résolutions constituent les principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature.
L'Amicale Hassania cite quatre passages de ces résolutions : « L'indépendance de la magistrature est garantie par l'Etat et énoncée dans la Constitution ou la législation nationales. Il incombe à toutes les institutions, gouvernementales et autres, de respecter l'indépendance de la magistrature ». En ajoutant comme second point : « Les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d'après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l'objet d'influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit ». En guise de troisième point, on indique que l« es magistrats connaissent de toute affaire judiciaire et ont le pouvoir exclusif de décider si une affaire dont ils sont saisis relève de leur compétence telle qu'elle est définie par la loi », comme énoncé par les résolutions sus-mentionnées. Enfin, pour le quatrième et dernier point, l'Amicale Hassania des Magistrats rappelle que « la justice s'exerce à l'abri de toute intervention injustifiée ou ingérence, et les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision ».
Dans son (long) communiqué, l'Amicale fait également référence à l'actualité internationale : « L'Amicale Hassania des Magistrats a suivi avec intérêt (...) comment les autorités américaines ont libéré 3 hommes après qu'ils aient passé 36 ans prison, faussement condamnés pour avoir assassiné un étudiant à l'intérieur d'une cour d'école à Baltimore en 1983 ». Entrant dans les détails de l'affaire, l'Amicale finit par conclure que son instance n'a jamais pris position au sujet de cette affaire, invoquant la nécessité de respecter les affaires internes de chaque pays.
Dans cette très inhabituelle interpellation de la diplomatie américaine, les magistrats ne manquent pas de rappeler les relations entre les États-Unis et le Maroc, remontant à 1777 , mais aussi la coopération judiciaire signée entre les deux pays en octobre 1983. De plus, on précise que les équipes de l'Amicale demeurent à la disposition des éléments de l'Ambassade américaine à Rabat pour tout éclaircissement, dans la limite de ce que permet la constitution et la loi, peut-on lire.
Pour rappel, la DIDH avait déjà répondu à la position de Washington au sujet des affaires des journalistes Soulaiman Raissouni et Omar. Le premier a écopé d'une peine de 5 ans de prison ferme et d'une amende de 100 000 dirhams pour les faits d'attentat à la pudeur et de séquestration qu'on lui reproche. Placé en détention provisoire pendant près d'un an, sa défense et ses soutiens n'ont eu cesse d'insister sur son innocence mais aussi de demander à ce qu'il soit poursuivi en état de liberté, eu égard notamment à son état de santé. Quant à Omar Radi, une dernière audience a eu lieu ce mardi, à huis-clos sur demande de la partie civile. Le verdict est attendu ce vendredi matin, d'après des déclarations faites par ses soutiens sur les réseaux sociaux.
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