Eaux territoriales Maroc-Espagne : le lobby pro-Polisario mène campagne contre le juriste Miloud Loukili

Miloud Loukili, candidat du Maroc pour siéger à la Commission des limites du plateau continental, l'organe onusien chargé d'analyser et de proposer le tracé des frontières maritimes qui séparent les eaux espagnoles aux Canaries de celles du Maroc, fait l’objet d’une intense campagne visant à le disqualifier de la part des lobbys algériens et du Front Polisario.
Ainsi, l’organisation scandinave pro-Polisario Western Sahara Resource Watch (WSRW) a attaqué le juriste-chercheur et professeur à l'Université Mohammed V de Rabat spécialisé dans le droit maritime au motif qu’il milite pour la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara Occidental.
WSRW a ainsi fait référence à une intervention de l’ex-directeur de la marine marchande et ancien conseiller au cabinet de Aziz Akhannouch durant son mandat à la tête du ministère de l'agriculture et de la pêche, lors d’un forum de l’agence MAP tenu en 2018. Lors de cet événement, Loukili avait souligné qu'il était « absolument nécessaire de sensibiliser l'opinion publique internationale, sur tous les fronts, quant à la légalité de la position marocaine ». « Je suis un juriste spécialisé en droit international, plus particulièrement en droit de la mer. Et je dois, modestement, apporter ma contribution pour éclairer l'opinion publique nationale et surtout l'opinion publique internationale, sur ce qui se passe dans notre Sahara », avait-t-il poursuivi.
Dans une interview à la MAP, Loukili avait qualifié le Front Polisario de « d’organisation terroriste » et avait aussi sévèrement accusé les « manœuvres dilatoires des autorités algériennes ». « Il s'agit de montrer sa solidarité avec tous les Sahraouis marocains enlevés dans les camps de Tindouf afin qu'ils puissent retourner dans leur patrie », avait-t-il déclaré.
Le règlement de la Commission des limites du plateau continental établit que ses membres, au nombre de 21, « doivent être des experts dans le domaine de géologie, géophysique ou hydrographie », qui seront choisis par les États avec une représentation géographique « équitable ».
Une réunion des Etats membres prévue à la mi-juin
Les élections des membres de cette Commission auront lieu lors d'une réunion des États membres qui sera convoquée par Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU à la mi-juin. Les membres actuels de la Commission - qui ont été élus pour une période de cinq ans en 2017 - termineront leur mandat lors de la même session. Ceux qui siègent à la commission basée à New York servent à titre personnel. Les personnes désignées pour intégrer cet organe doivent recueillir le quorum des pays, c'est-à-dire obtenir la majorité des deux tiers des voix.
Le média espagnol Público qui prend ostensiblement parti en faveur des lobbys pro-Polisario, rapporte que Rabat « envoie des lettres à plusieurs représentants diplomatiques pour tenter d'obtenir un vote favorable à son candidat, malgré le fait que son profil politique se heurte carrément à l'essence scientifique et technique de cette Commission de l'ONU », allant jusqu’à regretter que « le Front Polisario ne participera pas aux négociations sur la souveraineté maritime dans les eaux qui séparent la côte africaine de l'archipel des Canaries ».
De prochains pourparlers entre Rabat et Madrid
Les pourparlers entre Rabat et Madrid débuteront dans les prochaines semaines – il n'y a toujours pas de date fixée –. Tout accord signé impliquant une nouvelle répartition – qu'elle profite à l'Espagne ou au Maroc – de la zone sud du plateau continental située sur le territoire de l'ancienne colonie espagnole « pourrait déclencher une nouvelle réaction du Front Polisario devant les juridictions internationales », prophétise la même source qui fustige « le silence de Madrid » sur cette question.
Une large partie de la classe politique espagnole craint que le Maroc use de sa capacité d'explorer et d'exploiter les ressources au-delà des 200 milles de sa zone économique exclusive (ZEE) face aux Canaries. Le ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, avait récemment assuré pour sa part suivre de près le dossier avec Rabat.
Le récent accord conclu par les deux pays pour réactiver le groupe de travail pour la délimitation de ces zones et de la médiane maritime entre les côtes marocaines et canariennes semblait ouvrir un nouveau cadre de négociation sans a priori sur les positions actuelles des parties, mais les politiques ibères font remarquer que la presse officielle marocaine « insiste pour dénier à l'Espagne les droits sur une grande partie des espaces contestés ». De quoi douter selon eux sur l’avancée des pourparlers entre Rabat et Madrid sur ce sujet.
Faisant référence au droit maritime international issu de la Convention de Montego Bay (1982), qui est précisément celui utilisé par l'Espagne pour négocier un statut qui va au-delà des actions unilatérales des Rabat, une grande partie de la classe politique espagnole craint que le Maroc use de sa capacité d'explorer et d'exploiter les ressources au-delà des 200 milles de sa zone économique exclusive (ZEE) et « d'envahir ainsi les eaux sahariennes et canariennes ».
C’est d’ailleurs cette interprétation qui a conduit Rabat à adopter deux lois, en 2020, pour étendre ses espaces maritimes à des zones en conflit avec Espagne.