« Marche sur Tindouf » : Ahmed Raissouni provoque des cris d’orfraie en Algérie

« L'existence de la Mauritanie est une erreur. La marocanité du Sahara puise son fondement dans l'allégeance que prête sa population au trône royal. Or l'allégeance des dignitaires de la Mauritanie est tout aussi établie. » Dans un entretien donné à la chaîne en ligne algérienne Awras TV, le prédicateur Ahmed Raissouni a, le 15 août, jeté un pavé dans la mare en déclarant que la Mauritanie est tout aussi marocaine que le Sahara.
« C’est une invention coloniale. Le Maroc a reconnu la Mauritanie, l’histoire dira son mot là-dessus, mais il est très attaché à son Sahara », insiste le président de l’Union internationale des oulémas musulmans (UIOM). Et de déterrer une vieille revendication du mouvement nationaliste : « Les Marocains sont prêts, si le Sa Majesté le Roi le demande, à marcher par millions (...) les oulémas et les prédicateurs pourraient y rester des semaines voire des mois. Nous n'irons pas qu'au Sahara mais aussi à Tindouf. »
Une sortie qui n’est pas pour déplaire aux nostalgiques du « Grand Maroc », qui s’étendrait vers le sud jusqu’à Saint-Louis du Sénégal, une thèse souverainiste si chère au fondateur de l’Istiqlal Allal El Fassi - ravivée en 2016 par Hamid Chabat- , mais qui n’a pas manqué de susciter une vague de colère en Algérie. « Dans un dérapage d’une gravité extrême, il a incité publiquement le roi Mohammed VI à appeler le peuple marocain à marcher sur Tindouf en Algérie et Laâyoune, dans les territoires occupés du Sahara occidental », s’indigne le site néo-officiel TSA, réputé proche de ‘l'envoyé spécial chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb’ Amar Belani, citant anonymement un diplomate qui qualifie Raissouni d’« hurluberlu » et de « faussaire doublé d’un dangereux aventuriste qui est visiblement gavé et intoxiqué par la propagande expansionniste du Makhzen ».
Raissouni traité de « mufti du Makhzen »
Le site complotiste et anti-marocain Algérie Patriotique ne tardera pas à lui emboiter le pas, allant jusqu’à affubler le prédicateur pro-Qatar de l’étiquette de « mufti du Makhzen » et ou encore de « porte-voix officiel du régime de Rabat », ce qui prête à sourire, tant l’ancien patron du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice idéologique du Parti de la justice et du développement est connu, autant que son clan familial en délicatesse avec l'Etat, pour ne pas avoir d’atomes crochus avec le pouvoir marocain. L’homme ayant, à de multiples reprises, suscité la polémique au sujet du statut de Commandeur des croyants du Roi.
La grogne est si forte chez le voisin de l’Est que la ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH) a appelé l’UIOM à tenir « dans les plus brefs délais » une réunion pour écarter « ce disciple du père de la propagande expansionniste marocaine d’Allal el Fassi » qui « a, à travers son appel à marcher sur Laâyoune occupée et Tindouf, tout en niant l’existence d’un autre pays voisin, à savoir la Mauritanie, est sorti de ses prérogatives. »
Le 16 août au soir, après les partis et l’association des Oulémas musulmans algériens qui ont invité l’ancien président du MUR à démissionner et à retirer les propos incriminés, Alger s’est fendu officiellement, par la voix de son Haut conseil islamique (HCI), d’un communiqué peu commun : « La honte ne se limite pas à la sénilité de Raissouni, mais à tous les oulémas musulmans qui acceptent d’être dirigés par un sénile comme Raissouni », écrit l’institution rattachée à La Mouradia.
Réagissant à la bourrasque médiatique, Ali al-Qarra Daghi, secrétaire général de l’UIOM, avait déclaré le même jour qu’Ahmed Raissouni s’était exprimé « en son nom propre », regrettant toutefois le « problème » qu’il a créé pour l’institution vis-à-vis de l’Algérie. Selon le responsable de l’UIOM, Ahmed Raissouni a déclaré qu’il ne se présenterait pas pour un nouveau mandat à la tête de l’organisation.
« Mes propos ont été très mal interprétés. J’ai parlé du point de vue de l’Histoire, de la légitimité, de la civilisation et on me répond dans un cadre politique et de positions politiques (…) Je n’occupe aucun poste et n’ai aucun rapport avec ceux qui occupent des postes. Je ne suis ni ministre, ni chef du gouvernement, ni ambassadeur, ni chef de parti, ni candidat à des élections », a répondu Raissouni dans une déclaration donnée à Al Yaoum 24, précisant qu’il est « chercheur » s’exprimant « d’un point de vue historique. »
Quant à la « marche sur Tindouf », le prédicateur explique que « le peuple marocain a le droit d’aller au contact de ses enfants et de ses frères détenus » dans les camps, l’objectif étant d’organiser « leur retour dans leur patrie » pour « mettre fin à l’histoire de la ‘RASD’ ».
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.