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19.04.2020 à 21 H 06 • Mis à jour le 19.04.2020 à 21 H 06 • Temps de lecture : 10 minutes
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n°585.Faux-semblants, dérobades et manipulations pour les beaux yeux d’Akhannouch

Nos révélations sur la connivence du polémiste « soralien » et chroniqueur radio Rachid Achachi avec la galaxie Akhannouch a créé une petite tempête sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, celui-ci s’est fendu d’un « démenti » qui ne dément rien sur le fond, tandis que le communicant du RNI et conseiller de son président, venu à sa rescousse, a tenté d’éteindre l’incendie avec encore plus de dégâts

Dans un article factuel et documenté, Le Desk a montré le lien existant entre le polémiste et chroniqueur de radio Rachid Achachi, connu pour ses idées d’extrême-droite, et le parti du Rassemblement national des indépendants (RNI) à travers le think tank Al Mountada (ex-Cercle des patriotes), dont il est l’émanation.


L’article s’inscrit dans la succession des faits suivants :


- Le retour de Aziz Akhannouch ministre de l’agriculture et président du RNI aux devants de la scène politique après une absence remarquée et des tensions en interne a opportunément coïncidé avec le lancement d’une plateforme interactive (maba3da-corona.ma) conçue conjointement par le RNI et son excroissance Al Mountada.


- Le bureau politique du RNI réuni en visioconférence le 11 avril, sous la présidence d’Akhannouch, fait de cette initiative son annonce-phare, peut-on lire dans Aujourd’hui Le Maroc, un média contrôlé par le groupe Akwa du ministre-milliardaire.


- Aziz Akhannouch a publié dans ce contexte, le 13 avril, une tribune dans la presse où il s’oppose à la politique d’austérité envisagée par le gouvernement (auquel il appartient), portée par son collègue de l’exécutif et camarade de parti, le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun.


- Le polémiste et chroniqueur radio Rachid Achachi, dont le journaliste Reda Zaireg a rappelé sur Facebook son palmarès xénophobe et haineux, signe le 16 avril un texte sur la plateforme maba3da-corona.ma qui abonde dans le sens d’Akhannouch.


Il y écrit en substance que les pratiques menées « sous le leadership du ministre de l’Economie, Mohamed Benchaâboun, face à un chef du gouvernement dépassé par les évènements » (…) « n’augurent rien de bon pour la relance de l’économie ». Il est bien précisé que cette contribution est faite « Pour Al Mountada ». L’association la partage d’ailleurs sur les réseaux sociaux en ajoutant clairement que Rachid Achachi est « conseiller du think tank Al Mountada »


Al Mountada qualifie bien Achachi de son Conseiller

 

- Le 17 avril, le texte est repris en tribune dans L’Economiste. Fait significatif à souligner, Achachi se présente lui aussi dans sa mini-bio qui accompagne l’article comme « expert-conseiller auprès du think tank Al Mountada ».


La bio de Rachid Achachi accompagnant sa tribune parue dans L'Economiste


- Al Mountada anciennement baptisée « Cercle des patriotes », et qui se qualifie sur son site d’ « association indépendante » a été fondée en 2018 par deux bras droits d’Akhannouch : Ghali Fassi-Fihri, directeur financier au ministère de l’Agriculture et de la pêche passé par le cabinet du ministre et Ghassane Benchekroun, directeur financier d’Afriquia Gaz, filiale d’Akwa Group. Autant dire deux de ses lieutenants. D’ailleurs, la revendication de structure « indépendante » de cette entité ne trompe personne. Le Desk l’avait souligné à l’époque de son lancement en indiquant que Ghali Fassi-Fihri, « n’est autre que le fils du publicitaire Chakir Fassi-Fihri, patron de l’agence Saga et publiciste attitré de Aziz Akhannouch », tout comme d’autres médias, dont Jeune Afrique, qui s’interrogeait sur « des meneurs qui laissent peser le doute sur l’indépendance de ce centre de réflexions ».


Toujours dans Jeune Afrique, qui titrait en décembre 2019 sur « La fusée Akhannouch », Al Mountada était décrit en ces termes : « Pour rester au plus près des élites et repérer les compétences, le parti et son président n’hésitent pas à se rapprocher des think tanks et même à soutenir la création de nouvelles fabriques à idées. Aziz Akhannouch a épaulé sans sourciller deux de ses collaborateurs d’Akwa – son groupe – pour lancer l’an dernier Le Cercle des patriotes, rebaptisé depuis Al Mountada. ‘Nous travaillons pour Si Akhannouch, certes, mais nous ne sommes pas membres du RNI et nous tenons à notre indépendance, car notre objectif est de rassembler les cadres qui ne veulent justement pas être encartés politiquement’, détaille Ghassane Benchekroun, l’un des fondateurs. ‘Il n’empêche que nous nous sentons plus proches du projet de société porté par le RNI que de celui des autres formations politiques’, poursuit celui qui occupe le poste de directeur financier dans Akwa Group ».

  

Maroc Hebdo le dit aussi aujourd’hui : « Al Mountada (…) sert de boîte à idées pour le RNI, auquel il est apparenté ». Bref, la collusion RNI-Al Mountada est un secret de polichinelle.

 

Le fait que nous disons que « Aziz Akhannouch s’offre les idées et la plume de Rachid Achachi », n’a pas été du goût de l’intéressé qui s’est fendu d’un long post sur Facebook en guise de « démenti » pour n'y voir qu'un lien d'argent supposé. La langue française prévoit aussi l'usage de la formule pour un présent, un cadeau, aussi empoisonné soit-il.


Mais que dément-il au juste ?


- Il affirme qu’« à aucun moment, je n’ai été payé ni rémunéré d’aucune sorte, ni par Al Mountada, ni par le RNI, ni par Aziz Akhannouch ». Soit, mais cette affirmation n’est qu’une diversion puisqu’elle figure bien dans notre article : « Pour Al Mountada, il a commis un document critiquant l’austérité, matrice idéologique de la tribune d’Akhannouch. Contacté par Le Desk, Achachi confirme, en insistant sur le caractère bénévole de sa collaboration, quand d’autres sources proches du RNI prétendent le contraire ».


- Sur ses liens avec Al Mountada, il dit à propos de sa tribune dans L’Economiste  : « Je suis présenté entre autre comme expert-conseiller auprès du think tank Al Mountada », et ajoutant « ne pas faire pas partie d’Al Mountada, et le think tank pourra aisément le confirmer », laissant éventuellement croire que cela est du seul fait du journal. On a vu plus haut qu’Al Mountada le qualifie bien de la sorte et qu’à la parution de sa contribution, il n’avait pas contesté cette information.


- Enfin, pour se départir d’Al Mountada et du RNI (dont il affirme que le président est son ennemi politique pour l’avoir critiqué sur certains sujets, mais dont il rejoint les idées souverainistes et sur l’austérité), il écrit : « De fait, j’assume pleinement et je n’ai aucun regret ni gêne à collaborer ponctuellement avec n’importe qu’elle structure qui défendrait des idées patriotiques et souverainistes. J’ai donné des conférences au siège du PSU/FGD, cela veut-il dire que j’ai été acheté par le PSU ? J’ai donné des dizaines de conférences gratuites auprès de dizaines de structures différentes, cela veut-il dire qu’elles m’ont toutes acheté ? ». Cependant, il prend soin, encore une fois, d’évacuer son titre « d’expert et de conseiller d’Al Mountada » qui n’a rien de ponctuel et de distant, et qu’il ne semble plus vouloir assumer. Une question légitime reste donc posée : faut-il croire que son rôle pompeux de « conseiller d’Al Mountada » s’est donc résumé à cette maigre tribune ?


A la rescousse de l’animateur radio pour qui des aficionados ont lancé une pétition de soutien grandiloquente sur Change.org, Youssef Aït Akdim, ex-journaliste reconverti en « directeur de la communication du RNI et conseiller de Aziz Akhannouch », a diffusé un message sous forme de mise au point sur… le groupe WhatsApp « Sciences-Po Alumni Maroc ». Manifestement pour éteindre l’incendie auprès d’une communauté qui a massivement fait tourner notre article.


Message WhatsApp diffusé par Youssef Ait Akdim au groupe Sciences-Po Alumni Maroc


Aït Akdim décidé à tendre un cordon sanitaire autour de son patron, écrit :


- « Aziz Akhannouch ne connaît pas Rachid Achachi, ne l’a jamais rencontré, lequel ne lui a jamais apporté de conseil de quelque sorte ».


- « Les liens entre Achachi et Al Mountada sont à demander aux deux parties ».


En clair, si le chroniqueur est affublé du titre de « conseiller d’Al Mountada », lequel Al Mountada est une excroissance du RNI, cela ne doit pas entacher pour autant la réputation du président du parti de la colombe. Donc, d’un côté Achachi se lave les mains de ses liens avec la galaxie Akhannouch, comme celle-ci se lave les mains de Achachi.


Et à propos de la contribution de Achachi « Pour Al Mountada » et republiée à ce titre par L’Economiste ? Le communicant du RNI et de son président la noie parmi plus de 1 000 messages et opinions « de membres du RNI, d’intellectuels, de citoyens etc. » diffusés sur le site maba3da-corona.ma, à l’instar, insiste-t-il à préciser, de l’islamologue Rachid Benzine et du célèbre sociologue Edgar Morin.


La contribution de Achachi est la seule qui mentionne Pour Al Mountada...


La manœuvre pour élargir le spectre des contributeurs à des personnalités aux antipodes des idées rétrogrades de Achachi est habile, tout comme les faux-semblants autour de « l’indépendance » d’Al Mountada par rapport au RNI.


Contacté par Le Desk, Rachid Benzine livre cependant une tout autre version sur sa supposée contribution au site maba3da-corona.ma :


« J'ai effectivement eu une conversation téléphonique avec un ami de longue date qui a voulu échanger à ce sujet. Il n'y a pas eu de contribution écrite. Ce que vous me lisez là, ce ne sont pas mes écrits et je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas parlé d'éducation, j'ai parlé d'un écosystème », a-t-il réagi, non sans étonnement.


A la lecture du texte court qui figure pourtant sous sa signature sur le site, nous avons constaté qu’il contient de larges extraits puisés d’un article de presse paru dans Les Inspirations Eco, puis repris par Le360.


Article paru dans Le 360
...repris dans la tribune attribuée à Rachid Benzine


Evoquant avec Benzine l’occurrence d’un plagiat manifeste commis en son nom, celui-ci, insiste pour dire : «  Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je n'ai pas parlé d'éducation et bien entendu, ceci ne vient pas de moi ». 

 

Quelques minutes après notre conversation téléphonique avec Benzine, certains extraits litigieux de sa fausse contribution ont soudainement disparus du site maba3da-corona.ma. Le texte a été remanié, sauf que le « nettoyage » n’a pas été complet. Il y subsiste encore des passages dont Benzine récuse haut et fort la paternité, autant que les graphes et tableaux qui l'illustrent.


Mieux encore, suite à cela, l'équipe de communication du RNI a contacté en plein dimanche un média électronique pour lui demander de publier la tribune remaniée sous le nom de Rachid Benzine. Cependant leur tentative a lamentablement échoué...


Quant à Edgar Morin, sa supposée contribution ne dépasse pas deux paragraphes. A l’insu de son plein gré comme pour Benzine ? Tout porte à le croire : Une recherche rapide sur internet montre qu’il s’agit en réalité de deux extraits accolés, piqués de ses déclarations à la presse française. L’un (cerclé de rouge dans l'image) correspond à sa première réponse à une interview accordée à L’Obs le 18 mars (le reste de l’entretien est réservé aux abonnés), l’autre (encadré dans l'image) qui suit sans logique, est tiré d’un échange radiophonique avec Europe 1 le 27 mars (même le guillemet de sa déclaration a été copié-collé !).


Fausse tribune d'Edgar Morin sur le site maba3da-corona.ma. L'extrait cerclé en rouge provient de L'Obs, l'encadré qui suit d'Europe 1


Voilà donc pour résumer comment le RNI, sa communication, et ses dépendances ont voulu enjoliver le come-back de leur champion. Par un flirt avec un intello-facho et un site internet nourri par des œuvres apocryphes. Un véritable et pathétique scandale.

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