n°128.Ilyas El Omari s’explique sur sa chronique qui a froissé la Turquie
L’ambassade turque à Rabat a réagi avec vigueur jeudi 20 avril à la publication d’une tribune d’Ilyas El Omari, secrétaire général du PAM et président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, consacrée au référendum constitutionnel du 16 avril. El Omari y dénonçait en substance le projet non avoué de Tayep Recip Erdogan de restaurer le califat Ottoman sur les fondements idéologiques des Frères musulmans. Ainsi, son ambition serait double : asseoir son régime hyper-présidentiel et autoritaire tout en légitimant une rénovation du califat islamique que les adeptes de Hassan al-Banna avaient exhumé au début du XXème siècle en Egypte.
Dans sa chronique « d’opinion et d’analyse » reprise par le site officiel du PAM, El Omari a prophétisé le déclenchement d’un cycle de violences aux portes de l’Europe, attisé par ailleurs par un choc des puissances régionales qui nourrissent les mêmes ambitions suprémacistes que celles d'Erdogan.
Un communiqué au ton menaçant
En réponse, la représentation diplomatique turque a mis en garde dans un communiqué diffusé aux médias contre « des jugements hâtifs et des allégations mettant en péril le développement des relations fraternelles entre le Maroc et la Turquie », accusant « certaines parties frileuses de voir la Turquie se doter d’un solide système de gouvernance susceptible de jouer un rôle décisif dans une région en proie aux difficultés ».
Ce couac diplomatique a suscité une avalanche de commentaires dans la presse, notamment sur l’opportunité d’une telle sortie d’un leader politique accusé ainsi d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays étranger. La comparaison avec la sortie d’Abdelilah Benkirane qui avait critiqué l’engagement de la Russie en Syrie ou celle de Hamid Chabat à propos de la souveraineté de la Mauritanie, a naturellement fait débat. Comme la Turquie, les chancelleries de ces pays avaient désapprouvé énergiquement les propos tenus et reçu l’appui de la diplomatie marocaine. Or, dans le cas d’El Omari, le silence fut de mise. Une attitude jugée inéquitable par le porte-parole de l’Istiqlal, Adil Benhamza qui, tout en reconnaissant à El Omari la légitimité de s’exprimer librement sur la question, a fustigé, dans un post Facebook, l’attitude des Affaires étrangères envers Chabat…
Une lecture géopolitique des enjeux régionaux
Contacté par Le Desk, El Omari, à l’instar d'observateurs (notamment ceux cités par Yabiladi), s’est défendu de toute comparaison avec les exemples Benkirane et Chabat, avançant comme argument que son propos est avant tout « une critique de la pensée des Frères musulmans et des dangers de sa propagation hors de leur creuset originel, et non la nation turque en soi ».
Pour lui, qui affirme s’être exprimé à titre personnel « étant versé depuis toujours dans cette problématique, notamment dans le contexte égyptien », sa démonstration est d’ordre géopolitique : « le risque de la résurgence de cette idéologie dans un cadre institutionnel en Turquie est de nature a enclencher des tensions entre quatre projets régionaux antinomiques », affirme-t-il : celui de l’identité kurde « dispersée entre plusieurs pays de la région », celui qu’il qualifie de « réminiscence de la Perse » avec l’Iran, celui des Frères musulmans au Caire « qui se verraient ainsi dépossédés de leur statut par Ankara » et enfin, celui d’Israël « qui a pour dessein d’affirmer sa suprématie dans son environnement immédiat ». Un débat d’idées en somme sur « les enjeux stratégiques qui agitent le monde musulman et non une interférence dans la politique intérieure de la Turquie », se défend El Omari. Ni Ankara, ni ses détracteurs ne l'ont entendu de cette oreille, le soupçonnant de se servir de l'actualité turque pour prétexter une offensive politicienne contre ses éternels rivaux islamistes, PJD en tête...
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