Par Antoine Perraud et Faïza Zerouala, en partenariat éditorial avec Mediapart
L’Algérie demeure un sujet inépuisable, pour tous les coups de gueule, de sang et de cœur. Un tel sillon est exploré au scalpel par l’écrivain et journaliste Kamel Daoud, 47 ans – donc né après 1962. Sous le titre Mes indépendances (Actes Sud), il réunit quelque 180 chroniques parues entre 2010 et 2016, en majorité dans Le Quotidien d’Oran.
Six années d’actualité prolifique. Les révolutions arabes avec leurs espoirs déçus figurent en bonne place. Autre matériau exploité : la réalité algérienne. Un parti unique indéboulonnable, une sclérose permanente entretenue par le pouvoir, des débats historiques franco-algériens encore à vif et, bien sûr, la religion, qui n’en finit pas d’infuser dans tous les pans de la société…
Avec sévérité, Kamel Daoud scrute son pays « malheureux », où il vit toujours. Un pays qui a fait les frais de câbles diplomatiques décapants, comme l’a révélé WikiLeaks. Bref, peu de choses semblent tourner rond dans la patrie de la momie Bouteflika !
Le chroniqueur entreprend une dissection identitaire méticuleuse, fil rouge de ses réflexions. L’Algérie devrait être fière de ses racines romaines. Et d’Albert Camus, le rejeton rejeté dont il faudrait rapatrier les cendres… Une telle filiation, transgressive, s’est imposée quand Kamel Daoud osa un acte de réparation romanesque symbolique : donner de la chair, un passé et une âme à la silhouette passée à la postérité, sous le vocable si réducteur de « l’Arabe », dans L’Étranger.
Ce jeu de miroir littéraire, Meursault, contre-enquête, fut d’abord publié en Algérie, aux éditions Barzakh, en 2013 puis un an plus tard en France, chez Actes Sud. L’ouvrage fit grand bruit à sa sortie, au point de manquer de peu le Goncourt et de faire accéder son auteur à une célébrité mondiale.
L’Algérie est un pays qui « craint la réussite », assure, dans sa préface aux chroniques de Kamel Daoud, Sid Ahmed Semiane, journaliste algérien très connu au sud de la Méditerranée sous ses initiales S.A.S. Le verbe acéré de Kamel Daoud lui attire de surcroît pléthore d’ennemis, dont un obscur imam salafiste, Abdelfattah Hamadache, relaxé par la justice après avoir formellement condamné à mort le chroniqueur dans une prétendue fatwa,en 2014.
Refusant les réflexes binaires et les réactions pavloviennes, Kamel Daoud semble rechercher certaines complexités, ambiguïtés ou paradoxes apparents. Au nom de sa liberté, il refuse, par exemple, l’embrigadement dans une solidarité aveugle en faveur du peuple palestinien, dont les souffrances, estime-t-il, sont instrumentalisées. Il récuse également le discours convenu et sclérosé sur le legs de l’histoire ou le poids du colonialisme. Et il étrille sans ménagement ceux qui se complaisent dans leur cécité à propos des travers de la société algérienne.

Abonnez-vous pour continuer la lecture
à partir de 40 dh par mois
(facturé annuellement)
Choisir une offreLe Desk a été le premier à révéler
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.