Face à ses partisans, Chabat se met en retrait pour sauver l’alliance avec le PJD

C’est dans une salle archi-comble du siège historique du parti à Bab al-Had à Rabat que le secrétaire général de l’Istiqlal s’est adressé - avec plus d’une heure et demi de retard par rapport à l’agenda prévu - à ses partisans lors de l’ouverture du conseil national extraordinaire convoqué dans l’urgence dans un contexte de crise aiguë.
Tous les cadors du parti qui se sont ligués contre lui, dont les historiques M’hamed Boucetta et Abbas El Fassi, mais aussi Taoufiq Hejira, président du Conseil national, M'hamed El Khalifa, Karim Ghellab et Yasmina Baddou, tous membres de l’instance exécutive du parti, ont brillé par leur absence, tandis que d'autres figures populaires de l'Istiqlal sont venues soutenir leur turbulent chef, dont les puissants notables Hamdi Ould Rachid (Sahara), Noureddine Mediane (Nord). La présence, chargée de symboles, de Abdelouahed El Fassi, fils du zaïm iconique Allal El Fassi, et ancien opposant à la ligne de Chabat, a été saluée par des viva à la mémoire du père-fondateur.
Chabat écarte l'option de sa démission
Au pupitre, ému, la voix chevrotante, Hamid Chabat a pris la parole après obtention du quorum validant cette session à laquelle près d’un millier de membres du conseil national ont participé. Une centaine de journalistes ont couvert l’événement.
Le secrétaire général du parti de la balance a d’emblée révélé que « certains militants l’avaient enjoints à remettre sa démission », sans toutefois préciser de qui avait émané cette pression ultime intervenue la veille au soir de la tenue de ce conseil national extraordinaire. Il a toutefois, et sans en livré de détails, annoncé son retrait de l'avant-scène du parti en déléguant certaines de ses prérogatives à une commission qui sera chargée de « guider le navire Istiqlal » jusqu’à la tenue de son 17ème congrès, programmé pour le mois de mars 2017, mais aussi pour décider des mesures disciplinaires à prendre contre les frondeurs. L’option évoquée jusqu’ici d’un report de ce congrès d’une année pour permettre à Chabat d’asseoir sa légitimité écornée par la dissidence ayant été manifestement écartée.
Alors qu’il prenait la parole, ses partisans, venus en masse pour « dénoncer les traitres » qui se sont désolidarisés avec leur leader ont tonné de la voix « Chabat tu peux être tranquille, nous poursuivons le combat ! », un hymne de soutien, mais aussi un signe de prise de conscience que son avenir politique au sein de la formation est fortement endommagé par la récente crise qu’il a suscitée après ses déclarations ultra-nationalistes niant la souveraineté de la Mauritanie.
Des « tentatives sournoises de semer la zizanie »
C’est d’ailleurs par ce thème que Chabat est entré dans le vif de son allocution après une introduction empreinte de référence à la foi, déclamant quelques versets du Coran, et constellée d'idées faisant écho aux fondements idéologiques de l’Istiqlal. Il a fait état des « attaques » contre sa personne, niant le fait que son attitude puisse être considérée comme un facteur de blocage à la formation du futur gouvernement. « Soyez conscients du fait qu’étant la cible de ces attaques, c’est l’Istiqlal tout entier qui est pris à parti », a-t-il déclaré devant un parterre de militants survoltés dont il a du à plusieurs reprises calmer les ardeurs par des « Silence ! Préservez la dignité du parti ! ».
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« J’ai été particulièrement atteint par le fait que j’ai pu être considéré comme un facteur bloquant, mais c’est l’histoire qui en jugera », a-t-il martelé, répétant qu’il n’avait « pas de leçons de citoyenneté à recevoir de quiconque ».
« Toute velléité de se départir de la démocratie est vouée à l'échec. La défense des intérêts du pays et la démocratie sont profondément ancrés dans l’Istiqlal. Le parti est aux prises depuis un an à des tentatives sournoises de division pour semer la zizanie dans nos rangs. Malgré notre insatisfaction des résultats législatifs, nous avons la ferme détermination à surmonter les obstacles et nous soutenons le roi dans ses efforts pour le bien du pays », a précisé en substance Hamid Chabat.
Un soutien inconditionnel à Benkirane
Se disant « conscient de l’urgence de la situation » et dans « l’intérêt supérieur du peuple », il a, de manière répétée, affirmé que ses revendications n’ont jamais constitué un « enjeu personnel », mais découlent « d’une vision et d’un engagement politique (…) constants ». Des « conditions préliminaires », a-t-il dit, qui justifient, comme par le passé dans un contexte d’opposition, l’appui « inconditionnel » à l’action de Abdelilah Benkirane et au PJD dans « l’application de son programme ».
Alors que ses partisans fustigeaient en chœur le « tahakkoum qui mine le pays », et que les « renégats soient déboutés », Chabat annonçait enfin sa volonté de ne pas briguer de poste ministériel. « J’en suis obligé par conviction, par les principes qui guident l’Istiqlal, par indépendance et par amour du pays et en toute responsabilité », a-t-il déclaré. Il a néanmoins annoncé que l’Istiqlal maintenait fermement sa volonté de faire partie de la future coalition gouvernementale menée par le PJD et a dévolu la mission d’aller de l’avant dans les tractations avec Abdelilah Benkirane à trois cadres du parti : Bouaâmar Taghouane, Hamdi Ould Rachid et Mohamed Soussi.
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Reprenant avec vigueur sa diatribe contre ses détracteurs, il a demandé à ses troupes de « ne pas donner l’occasion aux adversaires de l’intérieur (…) ceux qui complotent en coulisses », les accusant de disséminer des informations fallacieuses et farfelues sur son patrimoine personnel : « Je n'ai pas de fortune, je ne possède que mon domicile, je n'ai ni usines, ni fermes, ni comptes bancaires à l’étranger, ni dollars, et la dernière trouvaille de mes opposants a été de m'attribuer la nationalité espagnole. C'est tout simplement surréaliste », a déclaré Hamid Chabat qui a ponctué son intervention par des félicitations appuyées à Abdelilah Benkirane pour sa « résistance dans la formation du prochain gouvernement ».
Ceux qui prétendent que l’Istiqlal n’est pas un parti nationaliste « craignent une coalition de l'Istiqlal et du PJD », a-t-il répété, affirmant que le parti « demeurera fort » en toute circonstance. L’unité du parti sera au cœur des travaux du conclave qui ont repris à huis clos et à travers duquel Hamid Chabat compte sortir requinqué, malgré ses concessions, grâce à l’unanimité de ses participants autour de ses choix. Au même moment, le PJD, sous la conduite de Benkirane réunissait son secrétariat général pour trancher sur le maintien de l'offre istiqlalienne.
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