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21.11.2019 à 02 H 46 • Mis à jour le 21.11.2019 à 13 H 02 • Temps de lecture : 6 minutes
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n°543.«Fake News»: face à la menace de la désinformation mondialisée, la riposte s’impose

Reconnaître la désinformation comme une menace grandissante à l'ère numérique est une nécessité vitale pour le devenir des démocraties. Il leur faut donc reprendre l'initiative et gagner la bataille cruciale pour les faits et la vérité fondée sur des preuves, au nom de la liberté et d’une information authentique

Enseignée dans L’Art de la guerre, du Chinois Sun Tzu (VIe siècle avant notre ère), la désinformation ne date pas d’hier. Baptisés « fake news » depuis la campagne présidentielle opposant Donald Trump à Hillary Clinton, elles bénéficient de l’effet démultiplicateur des réseaux sociaux, devenus véritables « fabriques du mensonge ». Un virage technologique que les manipulateurs d’opinion ont su négocier, pour diverses raisons : idéologiques, de pouvoir, appât du gain etc.


Aujourd’hui, Etats, organisations, entreprises, citoyens se retrouvent tous face à un nouveau paradigme : des individus anonymisés par la Toile peuvent désormais s’organiser en réseau pour lancer de vastes campagnes de désinformation contre n’importe quelle cible. La vitesse de propagation des « fake news » (ou fausses nouvelles) est accentuée par les partages massifs sur les réseaux sociaux ou d’autres moyens de communication rapide comme WhatsApp.


« Les réseaux sociaux et, surtout, la mode désormais bien installée des fake news font que, aujourd'hui, on ne peut plus être totalement sûr de la véracité de la moindre information. Il y a ceux qui disent que le gouvernement et/ou les médias officiels mentent. Et il y a ceux qui ne croient pas aux informations éditées par les médias non officiels. Il y a aussi ceux qui ne croient à aucun des deux. Sans parler de ceux qui croient à tout ce qu'ils voient », écrit Gildas Devos sur blog de Mediapart.


La panoplie des « fake news » est large, de la « mésinformation », à la « désinformation » assumée précise Claire Wardle de First Draft pour expliquer la complexité du phénomène  : Des informations sont partagées sur les réseaux sociaux sans mauvaise intention par des personnes qui ne les vérifient pas. D’autres sont amplifiées par des journalistes qui subissent une pression plus forte que jamais pour essayer de comprendre et de couvrir avec précision des informations publiées sur les réseaux sociaux en temps réel. D’autres encore sont publiées par des groupes faiblement connectés qui tentent délibérément d’influencer l’opinion publique et, enfin, certaines sont diffusées dans le cadre de campagnes de désinformation sophistiquées, au moyen de réseaux de robots et de groupes de propagande.


Face à ce phénomène planétaire, les démocraties modernes sont soumises à une pression inédite, paradoxalement du fait même de leur nature libérale puisque l’alternance de leurs pouvoirs s’organise à travers des élections ouvertes où l’opinion publique est au cœur de la décision de vote.


Il devient donc de plus en plus difficile pour les démocraties de se protéger contre les attaques sophistiquées d'acteurs étatiques et non étatiques. La récente loi promulguée en France contre les « fake news » s’est révélée dans ce sens particulièrement inefficace, d’autant que l’Etat lui-même est accusé d’en produire massivement…


Cette situation n’est pas réservée aux nations ayant une longue tradition démocratique. Les pays en transition, souvent tiraillés par des résistances conservatrices sont aussi la proie de ces dangers.


Une étude récente menée par un groupe de réflexion français s'est penchée en détail sur cette question, en se concentrant sur le boycott organisé d'entreprises ciblées au Maroc en avril 2018. Le document examine les objectifs, l'organisation et les outils utilisés par les auteurs « d'une campagne de manipulation de l'information motivée par des considérations idéologiques et politiques », en examinant comment elle pourrait affecter les élections marocaines de 2021 au profit évident d’un clan ultra-conservateur.


Par conséquent, les démocraties installées ou les nations qui aspirent à cela sont au final celles qui sont les plus démunies.


D’abord, parce-que le principe fondamental de la liberté d'expression et d'information empêche les démocraties de restreindre ces droits dans le but de se protéger.


Ensuite, parce-que Internet est considéré comme un réseau commun, mondial et ouvert, contrairement à l'attitude des régimes autoritaires, qui cherchent à restreindre l'accès de la population à l'information.


Aussi, parce-que les géants du web et notamment les GAFA conduisent la gestion des réseaux sociaux selon leurs propres règles du fait de l’absence de normes internationales et de cadre législatif supranational visant l'espace numérique et ses applications.


En outre, l'ambiguïté numérique profite aux manipulateurs de l'information, ce qui rend difficile l'attribution formelle de l'origine des campagnes de désinformation et des cyberattaques.


Enfin, le développement extraordinaire des technologies est favorable à la création de « faux profonds » (images, voix, scénarios etc) qui sont extrêmement difficile à détecter ou contrecarrer.


La superposition de tous ces facteurs fait que le démenti, y compris lorsqu’il est mené avec une rigueur implacable pour réfuter une fausse information permet rarement d’enrayer son effet déstabilisateur que ce soit par un Etat, une entreprise, une organisation ou une personne publique.


La désinformation est rapidement amplifiée par les réseaux de théorie du complot ou par les acteurs de la cybercriminalité rémunérés qui se tiennent prêts à manipuler l'information comme un service. Pire, le mensonge est devenu, depuis quelques années, une question de point de vue.


Face à ces défis, comment faut-il réagir, s’interroge le général français Jean-Paul Palomeros dans une tribune parue dans The Hill qui décrit les carences des moyens adoptés jusqu’ici pour combattre les « fake news ». Accepter la désinformation comme faisant partie de notre destin numérique ? Se résoudre à tenter d’atténuer ses effets par des campagnes de « fact-checking » (vérification des faits) ?


Pour lui, ces attitudes sont vouées à l’échec, d’où la nécessité de « riposter » pour préserver les acquis démocratiques à transmettre aux générations futures. Comme l’a souligné récemment Danah Boyd de Microsoft Research dans un article, « nous sommes en guerre ».


« D'abord et avant tout, les démocraties doivent reconnaître la désinformation comme une menace existentielle majeure, en la plaçant en tête de leurs agendas nationaux et des programmes des organisations internationales comme l'ONU, l'UE, l'OTAN et l'OSCE », plaide Palomeros.


Les démocraties doivent aussi mieux coopérer à travers leurs instances en charge du renseignement et de la sécurité et requérir aussi à des entreprises spécialisée de confiance de mettre leur savoir commun au service de l’identification des réseaux de désinformation et imaginer de puissants moyens préventifs grâce aux dernières technologies, et ce en temps réel et dans un cadre de synergies préétablies.


Dans ce sens, les avancées les plus récentes en matière d’intelligence artificielle (IA) doivent être mises à contribution pour aider à identifier les « signaux faibles », les modèles, les nœuds et les origines de la désinformation, ainsi qu'à corréler des événements et des actions apparemment sans rapport les uns avec les autres qui contribuent au même objectif déstabilisant. L'avenir des démocraties dépend de l’urgence à apporter à cet engagement.

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