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02.01.2017 à 15 H 36 • Mis à jour le 02.01.2017 à 18 H 44 • Temps de lecture : 6 minutes
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n°87.Istanbul : pourquoi le témoignage de la rescapée marocaine est crédible

Une vidéo postée sur Facebook dans la soirée du 1er janvier par une jeune marocaine présente sur les lieux du drame a fait le buzz. Elle a été supprimée depuis et certains médias mettent aujourd’hui en doute son auteure. Pourtant sa description de l’attaque tend à prouver le contraire

Sofia Nasslahcen, pharmacienne de Casablanca, affirme avoir été témoin de l'horreur de l'attaque de la discothèque Reina à Istanbul. Hier, la jeune femme miraculée racontait dans une vidéo d’environ 5 minutes postée sur sa page Facebook les détails de l'assaut tels qu'elle les a vécus.


Sofia Nasslahcen, jeune pharmacienne de Casablanca a dit avoir été témoin de l'attaque de la discothèque Reina. Elle a depuis retiré son témoignage accablant pour les autorités turques. FACEBOOK


En quelques heures, son témoignage, d’une précision remarquable, a été visionné des milliers de fois, mais quelques heures plus tard, Nasslahcen supprimait la vidéo de sa page Facebook ainsi que la totalité de ses posts géo-localisés relatifs à sa présence en Turquie et sur les lieux du drame.

 

Une version qui contredit la thèse du tireur isolé

La jeune femme affirmait que l'attentat a été perpétré par plusieurs terroristes, dont une femme vêtue d'une combinaison noire, et non d'un assaillant isolé, comme l'avancent jusqu'à présent les autorités turques.


« J’étais à la Reina avec ma cousine et une amie (…) A 1h15, les terroristes sont entrés. On entendait le crépitement des fusils mitrailleurs, c’était désastre indescriptible, la panique généralisée, une vraie pagaille. Il y avait une femme vêtue de noir qui tirait sur les gens. Tout le monde était à terre, à plat ventre. Les gens hurlaient et lisaient le Coran. Il y avait deux personnes et non pas une. Ils lançaient des bombes lacrymogènes, j’en ai reçu une et j’ai perdu connaissance (…) Je pensais que j’allais mourir. J’ai repris conscience au bout d’une heure… »


Elle assurait aussi que les secours ont mis « une heure trente » à agir sur les lieux et qu'ils ont notamment hésité à pénétrer à l'intérieur de la boite de nuit, craignant que les assaillants, munis de fusils d'assaut de type Kalachnikov et de grenades au gaz, ait miné l'endroit d'explosifs.


La jeune femme racontait aussi comment les terroristes ont continué de cribler de balles les corps des victimes entassés à même le sol. Elle a décrit aussi les graves blessures d'une de ses amies : « J’ai retrouvé ma cousine avec deux balles au genou et à la cheville ». Elle a aussi raconté la fuite des rescapés par la terrasse de l'établissement et la panique de certains survivants qui se sont jetés dans les eaux du Bosphore.


Dans sa revendication diffusée ce matin à travers son agence de propagande Amaq, l’Etat islamique confirme le témoignage de la jeune femme sur deux points qui n’avaient pas été révélés jusqu’à présent : l’utilisation de Kalachnikovs et le jet de grenades bien avant l’arrivée et l’assaut des forces de sécurité. Il ne pouvait donc pas s’agir à ce stade des grenades assourdissantes de la police.



Sur ce point, la séquence décrite par Sofia Nasslahcen est corroborée par celle de Sefa Boydas, footballeur professionnel qui joue pour la modeste équipe stambouliote de Beylerbeyi « Il y a eu beaucoup de poussière et de fumée. Des coups de feu ont ensuite éclaté », a-t-il raconté à l’AFP.


L’Etat islamique ne parle cependant que d’« un des soldats du califat » qui a mené l’attaque contre l’établissement Reina, qui a fait de nombreuses victimes étrangères, pour la plupart originaires de pays arabes.


Image de l'assaillant à l'entrée de la boite de nuit Reina capturée par une caméra de surveillance.


« Dans la continuité des saintes opérations menées par l’Etat islamique contre le protecteur de la croix, la Turquie, un soldat héroïque du califat a frappé une des discothèques les plus connues où les chrétiens célèbrent leur fête apostate [sic]. »


Les suspects étant toujours en fuite, Daech a-t-il voulu masquer leur cavale en ne faisant état que de la présence d’un unique tireur ? Si les autorités ont évoqué « un terroriste », plusieurs médias turcs ont parlé de « plusieurs tireurs », sur la base de divers témoignages, dont certains filmés au moment même de l’évacuation des blessés :



Les rescapés de l'attentat d'Istanbul décrivent des scènes d'horreur



Un récit dérangeant pour les autorités turques

Parallèlement à cette annonce, l’enquête semble progresser selon la communication très parcimonieuse des autorités turques. Huit personnes ont été interpellées et placées en garde à vue lundi à Istanbul, a rapporté l’agence de presse Dogan. Aucun autre détail n’était toutefois disponible au sujet de ces arrestations, menées par des équipes de la police antiterroriste. Mais le fait que plusieurs suspects aient pu être d’ores et déjà identifiés conforte la thèse avancée par la pharmacienne marocaine sur une attaque menée par un commando et non pas un tireur solitaire.


Son récit décrit aussi les dix heures passées dans les locaux de la police, le traitement qu'elle juge dégradant des forces de l'ordre à l'encontre des ressortissants étrangers ayant été contraints de patienter sans assistance et dans des conditions déplorables que des traducteurs aient pu enfin prendre leurs dépositions : « Ils nous ont très mal traités, c’était vraiment inhumain. Les gens piquaient des crises d’angoisse. On leur a dit que ça ne se faisait pas. Ils ne parlaient qu’en Turc. Au bout de 5 heures, ils ont apporté des traducteurs syriens. C’est un miracle, parce que ce qu’on a vu c’était la guerre ».


Des pressions pour retirer le témoignage ?

Alors que la vidéo avait été visionnée par un nombre impressionnant d’internautes, Sofia Nasslahcen, visiblement sous pression, a décidé de la supprimer de sa page Facebook ainsi que tous ces messages relatifs à sa présence en Turquie. Des pressions de son entourage suscitées par la très forte médiatisation de son récit, voire par les autorités en raison des contradictions flagrantes qu'elle apporte à la thèse officielle et à cause ses commentaires très critiques à l'égard de la police anti-terroriste turque ?


Certains médias locaux ont fait marche-arrière, effaçant toute référence à son identité et ont conclu dans la précipitation que la version de la jeune femme avait été surfaite, voire totalement imaginée, tentant d’expliquer cela par le calme saisissant du témoin lors de l’enregistrement de la vidéo.


Une grande chasse à l’homme a été lancée dans le pays pour rattraper le principal suspect, qui aurait fui en changeant de vêtements après son attaque. Précisant que l’agresseur avait laissé son arme sur les lieux et « profité de l’anarchie pour s’enfuir », le premier ministre turc, Binali Yildirim, a déclaré que l’enquête « se poursuit de façon très minutieuse ».

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