n°829.La victoire du Maroc face à l’Espagne ou la gloire par le Bilardismo
La victoire du Maroc face à l’Espagne - aux tirs au but, évidemment -, ce n’est pas uniquement celle de David contre Goliath. C’est aussi le triomphe du football réaliste, sans prétention, celui qu’on pourrait hâtivement qualifier de « moche » ou d’antisportif. Le succès de Walid Regragui face à Luis Enrique, c’est également celui de José Mourinho face à Pep Guardiola, en 2010, lorsque l’Inter Milan éliminait le grand Barça en demi-finale de Ligue des Champions avant de crucifier le Bayern à Munich. La qualification du Maroc, c’est la consécration du Bilardismo, l’école de jeu fondée malgré lui par Carlos Salvador Bilardo, sélectionneur de l’Argentine lors du sacre de 1986 au Mexique. Ganar como sea, gagner peu importe comment.
L’Espagne a-t-elle péché par excès de confiance, par chauvinisme footballistique ou tout simplement par naïveté ? Toutes les lectures se valent. Ce qui est sûr, c’est que le Maroc a gagné car il n’a pas perdu. Il suffisait de ne pas perdre, pas forcément le match, ne pas perdre son sang froid, ne pas perdre la foi en le plan. Répéter les mêmes mouvements, les mêmes courses, les mêmes changements de direction. Sans baisser d’intensité, sans céder le moindre centimètre carré de pelouse. Le tout sur 120 minutes, après trois matchs de très haut niveau disputés en neuf jours.
Comme nous l’expliquions avant le match, la mission des joueurs marocains était claire, mais pas facile : annihiler le trio du milieu espagnol, composé des stars du FC Barcelone, Sergio Busquets, Pedri et Gavi. Pour Walid Regragui, le match d’ouverture contre la Croatie (0-0) aura fait office de répétition générale de ce huitième de finale face à la Roja. Comme face aux Vatreni, l’idée principale de la stratégie marocaine consistait à encercler le « numéro 6 » adverse, qu’il s’agisse de Brozovic ou de Busquets, de manière à l’empêcher de se retrouver face au jeu, balle au pied. Regragui a tout de même opéré quelques petits changements, pas forcément perceptibles mais extrêmement décisifs.
Lors du match d’ouverture, En-Nesiry suffisait à éliminer Brozovic du jeu, notamment grâce à son placement sur les trajectoires de passes des défenseurs centraux. Les deux milieux centraux du Maroc, Amallah et Ounahi, se chargeaient de marquer les deux autres meneurs de jeu croates, Modric et Kovacic. Ce mardi, en raison la qualité technique et la capacité de l’adversaire, Amallah et Ounahi se sont rapprochés, de manière à coincer Busquets dans un losange complété par En-Nesiry et Sofyan Amrabat.
Ce sont donc les ailiers marocains, Ziyech et Boufal qui ont hérité de la tâche périlleuse de marquer les deux jeunes meneurs de jeu espagnols, Pedri et Gavi. Avec ce bloc étroit, le Maroc a été capable de prévenir toute incursion espagnole dans l’axe. Les ibériques se retrouvent ainsi obligés de jouer vers les joueurs de flanc qu’il s’agisse des arrières latéraux et ailiers. Le défi était donc de déplacer rapidement le bloc défensif, tout en préservant sa solidité et son étroitesse pour couvrir rapidement les espaces longeant la ligne de touche, pour éviter des situations de surnombre des Espagnols face au latéraux marocains.
Comme lors des matchs précédents, le plan offensif du Maroc a été on ne peut plus simple. Une transition rapide vers l’avant et une tendance à chercher la profondeur dans le dos des défenseurs centraux adverses. Mais les Lions ont une nouvelle fois péché dans les dernier et avant-dernier geste. L’entrée en jeu de Cheddira a apporté plus de mobilité à la ligne de front marocain, et l’attaquant de Bari s’est même procuré certaines situations intéressantes, sans pour autant les concrétiser, faute de sang-froid ou de bagage technique. Si Regragui a réussi à corriger les erreurs commises en 2018, il n’a toujours pas pu régler ce problème d’efficacité offensive.
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