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15.11.2021 à 08 H 31 • Mis à jour le 15.11.2021 à 08 H 31 • Temps de lecture : 12 minutes
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n°725.Mohamed Amrani, président de l’Association marocaine des actuaires, expose les enjeux de la réforme des retraites

Lors du 1er colloque international de l'actuariat francophone, Mohamed Amrani, directeur général de BMCI Asset Management et président de l’Association marocaine des actuaires, a débattu des grands défis actuariels à relever pour reconstruire le système des retraites et d’en faire un véritable levier de développement économique. Il a ainsi expliqué le volontarisme découlant du Nouveau modèle de développement adopté par le Maroc qui, à terme, permettra d’harmoniser progressivement les régimes existants, soulignant la question nodale des marchés des capitaux

L’Institut des actuaires a organisé, début octobre, en collaboration avec l’Association actuarielle internationale et les instituts belge, béninois, camerounais, canadien, ivoirien, marocain, sénégalais, suisse et tunisien, le 1er colloque international de l'actuariat francophone.


Prenant part à cet événement, Mohamed Amrani, directeur général de BMCI Asset Management et président de l’Association marocaine des actuaires (AMA) est intervenu sur le thème de « L’actuariat à l’origine des solidarités nationales »


La solidarité nationale peut être exprimée sous différentes formes dont la sécurité sociale, qui est une des expressions de la solidarité nationale les plus naturelles et les plus abouties, a-t-il rappelé. Au Maroc, la sécurité sociale couvre la retraite de base, la maladie, les prestations à CT (IJM), les allocations familiales et l’IPE (assurance chômage).


La sécurité sociale contribuant à la préservation du capital humain, lequel représentant l’axe de tout développement économique. « L’actuariat à l’origine (et au cœur) de la sécurité sociale ou la sécurité sociale à l’origine de l’actuariat ? », s’est interrogé Mohamed Amrani dans son exposé pour discuter « qu’historiquement, les fonds de retraite sont à l’origine de l’actuariat et l’actuariat à l’origine du développement de la sécurité sociale ».


Le président de l’AMA a rappelé qu’au niveau international, de nombreuses réformes des retraites ont été actionnées visant à réviser les modalités des solidarités générationnelles compte tenu des évolutions démographiques et économiques. Pour toutes ces réformes, a indiqué Mohamed Amrani, les actuaires se sont toujours impliqués. Selon les « historiens » de l’actuariat, le développement des fonds de retraite a été particulièrement un facteur déterminant dans la naissance de la profession actuarielle aux niveaux nationaux, a-t-il dit, avant de formuler que l’évolution des sciences actuarielles, combinée à une forte volonté de « cadrer et de normer » les régimes de retraite, a impliqué l’organisation de la profession actuarielle au niveau international à travers la création de l’Association actuarielle internationale.


Des avancées notoires enregistrées par le Maroc

Ainsi, au présent l’actuariat est l’instrument de pilotage de la sécurité sociale a stipulé Mohamed Amrani, qui a constaté que « le Maroc a enregistré des avancées en matière de sécurité sociale, qui a donné satisfaction depuis plus de 60 ans, avec un pilotage actuariel continu, en phase avec les exigences de l’AISS en matière actuarielle ». « Maintenant, force est de constater que le système actuel a montré ses limites », a développé l’expert : « Le système de sécurité sociale est compartimenté et souffre d’un déficit de coordination, la fragilité de la soutenabilité financière, le sous-emploi qui limite la croissance des cotisations, l’allongement de l’espérance de vie rallonge la durée des prestations servies ».


« La baisse des rendements financiers liés à la baisse des taux et aux turbulences boursières, fait qu’il y a un vrai sujet sur le marché des capitaux », a-t-il insisté.


Le système ne prévoit pas comment faire face à des chocs externes majeurs impactant négativement et fortement la situation financière, citant comme exemples l’épidémie Covid-19, les catastrophes naturelles, ou tout autres risques économiques et financiers.


Une transformation progressive du système prévue au Maroc

 « Au futur, nous faisons face à de grands défis actuariels à relever pour reconstruire le système des retraites et d’en faire un véritable levier de développement économique », a énoncé Mohamed Amrani.


C’est dans ce contexte et « conformément aux orientations royales, qu’un Nouveau modèle de développement a été conçu par une Commission spéciale qui a impliqué un ensemble d’acteurs économiques », a exposé le président de l’Association marocaine des actuaires, qui a indiqué à l’assistance du colloque international que la Commission spéciale a identifié « cinq paris stratégiques » dont les marchés des capitaux et le Savoir, ainsi que plusieurs « axes de développement sociaux » dont la généralisation de la sécurité sociale à toutes les catégories de la population.


Dans ce cadre, il est prévu une transformation totale du système, qui devra être opérée en trois étapes, a expliqué Mohamed Amrani : la mise en place d’un système de retraite bipolaire dont un pôle public et un pôle privé, la convergence par la suite vers un système national unique de sécurité sociale et la généralisation de la sécurité sociale qui est « enjeu social majeur, une réelle attente de la population marocaine ».


Le débat sur ce qu’il a appelé les « challenges actuariels » sont multiples : Quels régimes et quels modes de fonctionnement ? Répartition, capitalisation, mixte ? Quel degré d’hybridation ? Des régimes à prestations définies ou régimes à cotisations définies ?

Ce qui l’a amené à discuter des évaluations actuarielles harmonisées des régimes existants et des enjeux liés à « une véritable reconstruction du système des retraites au Maroc, basée sur les modèles actuariels ».


La généralisation de la sécurité sociale à horizon 2025, implique pour Mohamed Amrani « un besoin d’inscrire la réforme des retraites dans le cadre d’une vision globale et d’une stratégie macroéconomique ». « Il ressort clairement qu’il y a des besoins de complémentarités institutionnelles pour assurer l’efficacité du système de retraites en tant que levier de développement économique, à travers sa bonne articulation économique et actuarielle avec le système financier », a-t-il souligné. Enfin, plusieurs défis actuariels sont à relever, selon lui, pour la mise en œuvre de la réforme à travers la structuration actuarielle d’un nouveau système des retraites au Maroc.


« Ce qui implique une montée en puissance de l’expertise actuarielle, ce que l’Association marocaine des actuaires prévoit de faire prochainement à travers des nouveaux partenariats académiques et professionnels », a indiqué son président. C’est dans ce cadre-là qu’un mémorandum d’entente a été récemment signé entre l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et l’AMA dans le but de promouvoir la coopération et les échanges dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de l’innovation.

Vers une caisse de retraite unique

Lors des échanges avec l’assistance, il a été rappelé que la détérioration du rapport démographique combinée avec une sous tarification des droits servis par les régimes de base sont « des facteurs à l’origine des problèmes de pérennité des régimes de retraite au Maroc ». Mohamed Amrani a confirmé que les différentes caisses marocaines ont procédé à rectifier le tir, citant en exemple la Caisse marocaine des retraites (CMR), « ayant déjà opéré une première réforme en 2016 qui a été tout à fait efficace ».


Et de développer : « A titre d’exemple le report de l’âge de départ à la retraite où on a revu le salaire de base dans le calcul de l’assiette, l’augmentation du taux d’annuité… C’est une réforme qui a permis de différer les difficultés de ce régime, sachant que ce régime aujourd’hui se porte plutôt bien ».


Pour Mohamed Amrani, « il faut l’inscrire dans un cadre global volontariste », faisant référence à « ce rapprochement entre le public et le privé, et la mise en place de cette caisse de retraite unique clairement inscrit dans le Nouveau modèle de développement qui a été soumis à Sa Majesté le Roi ». Il a ainsi souligné l’objectif de sa réalisation à l’horizon 2025. Le schéma proposé de ce « système bipolaire public-privé », prévoit pour première étape d’avoir un système public et un système privé, avant d’entamer une convergence, en seconde étape, « vers un régime de base unique pour les deux, pour le privé et le public ».

 

A la question soulevée sur un différentiel entre les deux systèmes, générateur d’une potentielle « résistance de la part des acteurs de la place » nécessitant une convergence de manière progressive, Mohamed Amrani a expliqué que « pour le schéma proposé, il est clair qu’on va devoir opter pour une position technique mais qui soit socialement acceptée, car il est question des droits acquis, des droits futurs, et donc il se peut qu’il y ait quelques concessions qui devraient être faites de part et d’autres pour aboutir à un système de sécurité sociale viable dans la durée mais qui permettra également d’intégrer et d’embarquer tout le monde ». « Le but étant d’assurer un minimum pour tout le monde, de ce fait, il existe plusieurs paramètres dans l’équation. Il va falloir, à mon avis, trouver un compromis avec toutes les parties prenantes », a-t-il répondu.


Questionné sur la comparaison du cas du Maroc avec le mode de financement des retraites en Afrique qui souffre de supports de placement, Mohamed Amrani a indiqué que « le marché des capitaux ne représente au Maroc que 5 %, face à un système bancaire qui prédomine la partie financement pour 95 % ». « On peut être fiers d’avoir la deuxième place boursière du continent africain », a-t-il déclaré, faisant remarquer que « toutefois, il est judicieux de se demander si les objectifs initiaux de la réforme des marchés des capitaux sont atteints. A mon sens, je pense qu’ils sont partiellement atteints. D’ailleurs, dans le cadre du Nouveau modèle de développement, le Maroc a pris le pari sur le marché des capitaux, car il faudra rééquilibrer entre les marchés et le financement par le mode bancaire ». Pour lui, la résultante « serait un terrain de fructification des placements des fonds de retraite qui peuvent se retrouver limités, avec une marge de manœuvre assez réduite s’ils doivent placer que dans les bons du Trésor. Ce qui souligne les règles prudentielles en matière de placement adoptées par tel ou tel régime de retraite ».


« C’est clair qu’il y a besoin d’harmoniser mais il y a besoin aussi de les mettre à contribution pour développer le marché dans lequel ils souhaitent investir et qui peut les aider à maximiser les revenus, afin de bien piloter l’équilibre financier de l’origine », a tenu à préciser Mohamed Amrani.


Sur le fait d’être autorisés à investir dans le marché étranger à hauteur de 5 % des actifs investis, Mohamed Amrani se veut plus nuancé : « En fait, je dirai oui et non. En ce qui est des compagnies d’assurance je dirai oui, mais à condition que les fonds proviennent de fonds propres pas des engagements envers les assurés. Il y a une subtilité là-dedans, par contre les compagnies d’assurance et même les caisses de retraite peuvent le faire à travers des fonds, puisque les fonds aujourd’hui sont autorisés à placer à hauteur de 10 % à l’étranger, à travers des fonds agréés par l’autorité des marchés. Indirectement, ils peuvent placer à hauteur de 10 %, les caisses de retraites ont des autorisations historiques pour placer à l’étranger ».

 

Harmonisation et promotion des marchés des capitaux

« Le régulateur devrait se pencher sur ce sujet-là afin d’harmoniser et prendre les questions qui s’imposent, tenant compte des intérêts des régimes de retraites, et aussi tenant compte de la volonté nationale en matière de diversification des modes de financement, et à la promotion des marchés des capitaux avec tout ce que cela puisse apporter comme effet positif sur la croissance mais à la fois sur les rendements pour nos fonds de retraite », a estimé le président de l’AMA.


S’agissant du fait que le développement des marchés des capitaux ne saura se faire sans un cadre juridique judiciaire et rigoureux pour rassurer les investisseurs, et du fait que pour les banques, le Maroc dispose d’une autorité de contrôle suffisamment efficiente, Mohamed Amrani a déclaré rendre « hommage aux deux autorités, ACAPS (Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale) et AMMC (Autorité marocaine du marché des capitaux), qui font un excellent travail et ce n’est pas de la complaisance ». « Après il y a tout de même une question de mentalité, il faut que nos entreprises au Maroc acceptent de diversifier les modes de financement, d’une part et d’autre part les banques, qui contrôlent actuellement le marché financier à la fois sur la partie banque commerciale et à la fois sur la partie banque d’investissement, même si on a quelques acteurs privés, il faut qu’ils fassent la promotion du marché des capitaux et d’un financement par les marchés, car il s’agit d’une question d’intérêt général », a-t-il commenté.


Tout le monde s’accorde à dire qu’une bonne hybridation entre un « bank based » et un « market based », permet de favoriser la croissance. Si chaque pays adopte une solution qui puisse lui convenir, « au Maroc on est à 5 %, peut-être qu’on devrait être à 10 ou 15 %, juste à titre de comparaison. Il me semble qu’on Europe on est à peu près à 40 % et dans les pays anglo-saxons, on est à 70 % », a exposé Mohamed Amrani, pointant le fait qu’il s’agit « d’un choix de politique économique ». « Si on se pose la question à quel niveau il faut mettre le curseur, la recherche académique parle d’un degré d’hybridation qui devrait être fixé en fonction du niveau d’industrialisation du pays, c’est-à-dire on ne peut pas favoriser le marché des capitaux s’il n’y a pas d’industrie », a-t-il estimé. Aussi, pour parer à la situation d’une insuffisance d’entreprises pour alimenter ce marché des capitaux et attirer l’épargne qui devra les financer, « il faut une vision 360°, mais on peut se satisfaire du fait qu’il y a une forte volonté de développer le marché des capitaux mais aussi développer le système de protection sociale », a avancé Mohamed Amrani, concluant qu’« il faut le voir dans un cadre plus global, c’est ce qui ressort du Nouveau modèle de développement qui a été adopté par le Maroc pour les années à venir ».


(Communication)

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