
n°377.Sahara: la réunion de Genève, point focal de la résolution du Conseil de sécurité
Comme attendu, le Conseil de sécurité a adopté une résolution prorogeant de six mois le mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) et exprimant son soutien sans réserve aux démarches entreprises par le secrétaire général, Antonio Guterres et son envoyé spécial, Horst Köhler.
Sur les 15 membres du Conseil de sécurité, 12 ont voté en faveur du texte, et trois se sont abstenus. Il s’agit de la Russie et de l’Éthiopie — qui avaient déjà fait de même en avril dernier — ainsi que la Bolivie.
La résolution 2440 demande au Secrétaire Général « d'informer le Conseil à tout moment qu'il jugera approprié pendant la période du mandat ». Il stipule également qu’il devra informer le Conseil dans les trois mois et de nouveau avant l’expiration de la MINURSO, ainsi que de soumettre un rapport sur la situation bien avant l’expiration du mandat en avril 2019.
La formulation pour une « solution politique réaliste, réalisable et durable basée sur le compromis » est maintenue dans le texte qui reprend par ailleurs de larges pans de la précédente résolution d’avril. Il accueille avec satisfaction la bonne disposition de l’ensemble des parties à se réunir à Genève les 5 et 6 décembre prochains pour décider du cadre des négociations directes que Köhler espère bien organiser en 2019.
Le site What’s in Blue, décrit le processus de tractations ayant mené à cette résolution. Les États-Unis, en tant que pen-holder de la résolution avaient transmis un projet de texte au « Groupe des Amis du Sahara occidental » le 23 octobre. À la suite d'une réunion du P3, de la Russie et de l'Espagne, tenue le 25 octobre, les États-Unis ont communiqué le projet à l'ensemble des membres du Conseil le 26 octobre, proposant des négociations pour le 29 octobre.
Plus tôt, le 11 octobre, Colin Stewart, représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MINURSO, a informé les membres du Conseil lors de consultations sur le dernier rapport du Secrétaire général sur le Sahara occidental (S / 2018/889).
Comme le soulignait le rapport, des progrès récents ont été accomplis dans la reprise d'un processus politique, dix ans après la dernière série de négociations formelles entre le Maroc et le Front Polisario en vue de parvenir à « une solution politique mutuellement acceptable qui prévoit l'autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Les Etats-Unis imposent leur volonté à Antonio Guterres
Le Maroc et le Front Polisario, ainsi que l’Algérie et la Mauritanie, ont répondu positivement aux invitations envoyées par l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Horst Köhler, à participer à la table ronde de Genève pour des entretiens préliminaires sur la reprise des négociations.
Au cours des consultations, plusieurs membres du Conseil ont exprimé leur soutien à la prolongation du mandat de la MINURSO pour une année, comme le recommandait le Secrétaire général dans son rapport. Antonio Guterres avait expliqué dans son rapport que cela donnerait à son Envoyé personnel « l'espace et le temps nécessaires à ses efforts pour créer les conditions nécessaires au progrès du processus politique ». Mais les Etats-Unis ont insisté sur une prolongation de six mois, expliquant qu’ils considéraient que les récents développements positifs résultaient des pressions exercées sur les parties lors du renouvellement du mandat de six mois effectué en avril dernier. Reconnaissant que les prochaines consultations à Genève seraient difficiles, les États-Unis ont estimé qu'une telle pression était nécessaire jusqu'à la mise en place d'un processus fiable.
Au cours des négociations, un certain nombre de pays, dont la France, ont préconisé un renouvellement d’un an, conformément à la recommandation du Secrétaire général. Une préférence exprimée tout autant par Rabat. Mais pour la diplomatie américaine dirigée dans ce dossier par John Bolton, conseiller à la sécurité de Donald Trump, une prolongation au-delà de six mois s'est avérée non négociable.
Le format de Genève toujours marqué par l’ambigüité
La question la plus difficile des négociations était peut-être celle de savoir comment faire référence aux différents invités à la prochaine table ronde de Genève. Une question sensible aussi bien pour le Maroc que pour l'Algérie. Le Maroc considère le Front Polisario comme une excroissance de l’Algérie et a insisté pour que le voisin de l’Est soit considéré comme partie prenante dans les prochains pourparlers. L'Algérie a quant à elle insisté sur le fait qu'elle n'était directement liée au conflit et qu'elle ne pouvait pas prendre la place du Front Polisario dans les négociations, mais qu’elle était prête à renforcer son rôle dans le processus politique en tant qu'État voisin.
Les invitations à Genève étaient apparemment ambiguës au sujet de telles distinctions, bien que le rapport du Secrétaire général établisse une différenciation entre les parties et les États voisins en faisant référence aux invitations de l’Envoyé personnel. Organiser une table ronde dédiée à des discussions préliminaires semble également avoir été un moyen d’éviter cette différenciation.
Au cours des négociations autour de cette résolution, certains membres du Conseil ont plaidé pour la nécessité de distinguer clairement les parties des pays voisins, ce qui n’a pas été retenu dans le texte proposé. Les États-Unis ont partiellement répondu à cette préoccupation à la suite de la réunion du « Groupe des Amis » en supprimant une référence énumérant les quatre invités dans un paragraphe initial saluant la décision de l’Envoyé personnel de tenir une table ronde à Genève. Cela laisse néanmoins trois autres références aux quatre invités sans distinguer l'Algérie et la Mauritanie comme pays voisins.
Les États-Unis ont répliqué qu'ils n'avaient pas fait cette distinction parce que les invitations ne l'avaient pas fait. D'un autre côté, un membre du Conseil, plaidant en faveur du maintien de la distinction, a affirmé que les invitations faisaient référence à l'Algérie en tant que pays voisin.
La résolution conserve ces trois autres énumérations, décrites dans deux paragraphes, qui saluent la réaction positive du Maroc, du Front Polisario, de l'Algérie et de la Mauritanie aux invitations à participer à la table ronde.
Fait remarquable, la résolution a cependant, pour la première fois, identifié l'Algérie et la Mauritanie par leur nom, alors que les résolutions sur le Sahara occidental depuis 2002 ne font référence qu’aux « États-pays voisins » ou « États de la région ».
Des requêtes en faveur du Polisario passées à la trappe
Différents points de vue ont également été exprimés sur la manière de se référer aux développements sur le terrain. Certains membres du Conseil ont estimé que le projet de résolution devrait faire référence de manière plus positive aux actions menées par le Front Polisario qui a réduit ses actions, source de tensions depuis le début de l’année. Au lieu de cela, la résolution ne « prend acte » que des assurances données par le Polisario à l’Envoyé personnel de ne pas transférer les structures administratives sur le territoire contesté, ainsi que de son engagement à respecter ses obligations en ce qui concerne la zone tampon de Guerguerat, conformément à la résolution 2414. Un aspect qui donne sur ce point l’avantage au Maroc.
Les mêmes membres ont également estimé que certains des textes adressés au Front Polisario pour respecter ces engagements étaient « inutilement normatifs et redondants ». La résolution n'a pas été modifiée pour intégrer ces préoccupations. L'un des changements apportés aux deux paragraphes en question consistait à ajouter une référence à Tifariti parmi les domaines dans lesquels le Polisario est appelé à respecter pleinement ses engagements.
Un autre problème soulevé par certains membres était que le projet de résolution supprimait la formulation habituelle d'une solution au Sahara occidental, à savoir qu'elle soit basée sur une « solution politique mutuellement acceptable, prévoyant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
La résolution cite cette formule dans deux paragraphes, mais a supprimé le troisième. Il semble que le pen holder ait allégué qu'il s'agissait d'une rationalisation du texte, tandis que des membres opposés à son exclusion ont souligné qu'il importait de mettre l'accent sur ce libellé.
Demeure ainsi la question focale qui transpire de cette nouvelle résolution, à savoir l’après-Genève. Tant que les parties conviées demeurent arc-boutées sur leurs visions divergentes de l’objet et du rôle de chacune lors de la table ronde de décembre, cette réunion, ne devrait pas aboutir à un consensus sur le cadre futur des négociations. C’est donc bien la période de janvier à avril qui sera déterminante pour apprécier des avancées sur le dossier et qui préfigurera de l’attitude du Conseil de sécurité et notamment des Etats-Unis, lors du prochain vote onusien.
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