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15.12.2018 à 18 H 05 • Mis à jour le 16.12.2018 à 23 H 55
Par
Justice

Affaire Hamieddine: les magistrats coalisés n’excluent pas une plainte contre Ramid

Mustapha Ramid, ministre d’Etat en charge des droits de l’Homme. AIC PRESS
Le corps de la magistrature représenté par l’Amicale hassania des magistrats, la Ligue des magistrats, l’Association marocaine des juges et l’Association marocaine des femmes juges, a formellement répliqué, lors d’une conférence de presse tenue le 14 décembre à Casablanca, aux « déclarations et publications » ayant blâmé la récente « inculpation pour homicide » de Abdelali Hamidine, membre du PJD

Devant un parterre de journalistes conviés dans un hôtel de Casablanca pour une conférence pour le moins inédite, des magistrats coalisés sont sortis de leur silence pour critiquer Mustapha Ramid, ministre d’Etat PJD en charge des droits de l’Homme, pour les propos virulents qu’il a récemment tenus sur sa page Facebook qualifiant sur le fond, d’illégale, l’inculpation de son camarade de parti, Abdelali Hamieddine, dans l’affaire de l’étudiant gauchiste tué en 1993 lors d’affrontements sanglants avec des groupuscules islamistes à l’Université Dar El Mehraz de Fès. Une position que le ministre n’est pas le seul à défendre d’ailleurs, puisque la formation qui dirige la coalition gouvernementale a exprimé en bloc son soutien à l’accusé.


Au rendez-vous étaient réunies, l’Amicale hassania des magistrats, la Ligue des magistrats, l’Association marocaine des juges et l’Association marocaine des femmes, alors que le Club des magistrats qui avait annoncé sa présence, s’est finalement désisté tant à la réunion tenue le 13 décembre, qu’à ce point de presse invoquant des « contraintes d’agenda ».


Les trois ligues, se disant agir au nom du corps de la justice et en défense de son indépendance, dans cette opération de communication millimétrée ont surpris l’assistance en se gardant bien de citer nommément le ministre ou son parti, mais reprochant dans un langage ampoulé « à certaines parties » de « porter atteinte à l’image du Royaume aux yeux des instances internationales » et dénonçant la volonté « de politiser les affaires de justice » par « l’immixtion du politique dans le judiciaire ».


Ils ont ainsi tenu et à plusieurs reprises à préciser que la conférence de presse avait avant tout pour objectif de réagir à ce qui a pu être publié par différents médias à ce sujet, tentant d’esquiver tout affrontement direct avec Mustapha Ramid.


Une réaction à géométrie variable ?

Une attitude prudente des magistrats qui tranche avec leur volonté affichée précédemment de faire de ce rendez-vous avec la presse une démonstration de force. Ils ont, de ce fait, eu un certain mal à convaincre l’assistance qui a vu dans leur initiative, une posture tout aussi politique que celle de leurs contradicteurs.


Parmi les reproches faits aux juges dans ce sens, leur promptitude à réagir aux critiques exprimées dans le cas de Hamieddine, alors qu’ils avaient observé un silence de mort, lorsque des voix nombreuses au sein des écuries partisanes, y compris au gouvernement, avaient estimé les condamnations prononcées contre les militants du Hirak rifain comme particulièrement sévères. Pourtant, à cette occasion, la justice passablement écornée, est demeurée mutique…


Malgré la technicité incontestable dont ont fait preuve les juges lors de cet échange avec les médias, c’est davantage un sentiment d’impréparation qui a été ressenti de leurs réponses lorsqu’ils ont été confrontés à l’argument faisant valoir leur propre politisation de l’affaire en décidant de sortir de leur réserve et de porter leur indignation devant l’opinion publique. Aussi, en voulant porter l’estocade au ministre en charge des droits de l’Homme, soutenu tièdement par l’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, les magistrats se sont ainsi retrouvés à justifier leur sortie, non plus en défense de l’indépendance de la justice, mais uniquement pour « préserver leur impartialité », ont-il clamé.


Le casse-tête politique du cas Hamieddine

Un casse-tête qui s’explique évidemment par la qualité de l’inculpé. Disciple et réputé porte-voix officieux de Benkirane, Abdelali Hamieddine, élu à la Chambre des conseillers, et figure de proue de la jeunesse du PJD, est particulièrement connu pour ses actions remuantes au parlement, mais aussi par ses écrits dans les colonnes d’Akhbar Al Yaoum, le quotidien fondé par le journaliste Taoufik Bouachrine, condamné à 12 ans de réclusion dans une sombre affaire de mœurs aux relents tout aussi politiques. Hamieddine n’a d’ailleurs jamais caché sa proximité avec Bouachrine, lui exprimant un soutien indéfectible lors de son procès. N’est-il pas non plus aussi une des sources officieuses de nombreux médias dont la ligne éditoriale adhère ouvertement aux position des cadors critiques du PJD ?


Autant de qualifications qui ont fait de Hamieddine, depuis 2011, une cible de prédilection pour ceux désireux mettre au pas le PJD sur certains dossiers. Une situation qui, selon des sources internes du parti, avait dès le premier mandat du parti islamiste à la tête du gouvernement, annulé toutes les chances du jeune PJDiste d’être ministrable. Le fait que des avocats aient remué ciel et terre auprès des membres de la famille du défunt Mohamed Ait Ljid Benaissa (l’étudiant tué il y a 25 ans), pour que l’affaire aboutisse à une inculpation de Hamieddine, est perçu alors dans les rangs islamiste comme un « complot politique »…


Ils en veulent pour preuve la mise en avant régulière de Lahcen Ait LJid, témoin clé de l’accusation, alors que celui-ci, neveu de la victime, n’était âgé que d’une dizaine d’années à l’époque des faits…


Le procès-verbal d’accusation dressé contre Abdelali Hamieddine que Le Desk a pu consulter, comporte plusieurs éléments dont se sont saisis les cadors du PJD, Ramid en tête pour contester en droit les motifs de son inculpation.


Tout d’abord, comme rappelé dans un précédent article, l’affaire Hamieddine n’en est à pas à son premier rebondissement. A trois reprises, le parquet avait refusé les poursuites, arguant que la justice avait déjà statué sur le dossier et que le mis en cause avait déjà été condamné et purgé sa peine. Le principe étant est que nul ne peut être poursuivi en raison d’un crime pour lequel il a déjà été condamné, peut-on lire sur le PV. Un fait justement martelé par les partisans de Hamieddine.


Mais malgré le rappel de ce principe excluant toute nouvelle action en justice, le PV conclut pourtant sur des poursuites. Raison invoquée : la précédente condamnation s’appuyait sur une participation à un affrontement ayant conduit au décès de la victime. Des faits entérinés d’ailleurs par l’Instance équité et réconciliation (IER), chargée dans les années 2000 de solder les dossiers politiques contentieux du passé. Celle-ci s’est prononcée sur cette base en faveur de Hamieddine lui approuvant une réparation morale et financière en raison du tort subi lors de son arrestation et de son interrogatoire. En d’autres termes, il s’agissait plus des conditions de son procès qui avaient été contestées, et non du fond.


Une plainte au pénal visant Ramid ?

Cependant, pour cette nouvelle inculpation, il n’est pas uniquement question de participation à une rixe ayant débouché sur un homicide involontaire. Le PV, citant des témoins présents lors des faits, présente Abdelali Hamieddine comme un acteur central du drame : il aurait ainsi immobilisé avec son pied la tête de la victime alors couchée sur la chaussée pour permettre à d’autres de l’achever à l’aide d’une bordure de trottoir.


De terribles accusations que réfute l’intéressé. Il n’aura cependant pas échappé à une inculpation pour participation et complicité avec préméditation à un homicide volontaire.


Toujours est-il que les magistrats outrés par les dires de Ramid n’excluent pas d’introduire une action en justice, ses propos « peuvent être qualifiés pénalement et entraîner des poursuites judiciaires », n’a pas manqué de souligner Abdelhak El Ayassi, le président de l’Amicale hassania des magistrats, brandissant même le motif d’ « outrage à un corps constitué » pour exemple. Une menace dont il n’est pas certain qu’elle sera mise à exécution. Pour le moment une action « graduelle » est évoquée. Lors de leur conclave du 13 décembre, les juges ont décidé de former une commission commune pour trancher la question loin du crépitement des flashs et des questions insistantes des journalistes. Mais il serait d’ores et déjà question, selon des sources concordantes, du dépôt imminent d’une plainte devant le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire…

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