
n°853.Comment le Maroc peut bâtir un environnement numérique sécurisé ?
Nous assistons depuis quelques années à une transformation numérique des entreprises et plus généralement des usages quotidiens, amplifiée par l’arrivée de la pandémie de Covid-19. Cette transformation profonde est aussi celle de la multiplication des risques qui exposent les différents pays du monde à des cyberattaques de plus en plus nombreuses et sophistiquées.
Dans ce sens, la cybersécurité est l’ensemble des moyens permettant d’assurer la protection, la disponibilité et l’intégrité des données informatiques d’un État, d’une entreprise ou d’un particulier contre de potentielles attaques numériques.
Selon « l’Étude de la maturité Cybersécurité 2021 en Afrique Francophone », réalisée par le cabinet Deloitte auprès de 210 entreprises dans 11 pays africains, 40 % des entreprises africaines ont enregistré « une augmentation du nombre d'incidents » depuis l'arrivée de la pandémie de Covid-19. L'étude conduite par Deloitte fait également apparaître que seuls 12 % des entreprises africaines échangeraient chaque trimestre, sur les questions de cybersécurité dans le cadre de leurs comités exécutifs, contre 49 % au niveau mondial.
Il est donc primordial de mesurer les enjeux et défis relatifs à la cybersécurité́ afin de définir et prioriser les réponses adaptées aux risques qu’elle fait émerger. L’occasion pour l’Afrique et le Maroc notamment, de mieux se protéger et d’affirmer leur souveraineté économique.
Si des initiatives étatiques sont prises, les sociétés ont encore du mal à intégrer la « culture de la cybersécurité ». Dans ce sens, Deloitte souhaite « contribuer de façon décisive au développement de la sécurité numérique au profit des activités économiques du Maroc ».
Cette contribution prendrait ancrage sur le territoire marocain à travers l’implantation du Deloitte Morocco Cyber Center (MCC), qui fonde et centralise une offre de services Cybersécurité « pointus et diversifiés », au profit des principaux clients de Deloitte au Maroc, en Afrique Francophone et à l’international.
Deloitte a récemment inauguré le Morocco cyber center, son 6ème centre de cybersécurité à l’international. Celui-ci dispose d’une salle de supervision dans laquelle les collaborateurs supervisent en temps réel les menaces qui planent sur les différents systèmes, ainsi que les occurrences des attaques.
Comme nous le révélions en exclusivité en décembre 2021, il s'agit d'une filiale dédiée à la cybersécurité, nichée à la place Casablanca Finance City et dont les deux principaux actionnaires sont les structures françaises Deloitte Conseil et Deloitte Products & Solutions.
Ainsi, il est intéressant de se demander comment le Maroc peut-il parvenir à bâtir un écosystème numérique qui engendre un cercle vertueux économique. Quelles sont les conditions qui favoriseraient l’émergence au Maroc, d’un système économique qui s’appuie sur la cybersécurité, voire d’un système économique de la cybersécurité ?
En effet, la cybersécurité est porteuse d’opportunités en matière de créations d’entreprises : celles qui proposent des produits et services en lien direct avec la cybersécurité et celles dont le développement et le bon déroulement de l’activité dépend de ses apports. Toutefois, il faudrait passer d’une logique de gestion de risques et donc de cyberattaques, à une logique de gestion d’opportunités économiques, notamment la création d’emplois, l’innovation et la recherche, et la création d’un environnement institutionnel favorable à l’investissement dans ce domaine.
Ainsi, la réussite économique tient à la constitution d’un écosystème encourageant la maitrise de l’innovation numérique. Il s’agit d’une part d’informer, former et sensibiliser les individus aux défis et enjeux de la cybersécurité, et de développer des cursus diplômants en informatique et cybersécurité. Il est également question d’’investir dans l’innovation et la Recherche & Développement (R&D) pour concevoir et réaliser des études et solutions de cybersécurité.
Enfin, il s’agit de mettre en place un cadre réglementaire qui non seulement assure la protection des organisations, individus et infrastructures publiques contre les menaces de cyberattaques mais offre également un cadre juridique plus souple et des avantages fiscaux pour attirer les investissements étrangers.
Pour ce faire, le Maroc pourrait s’inspirer du modèle israélien. Le pays est le deuxième exportateur mondial de produits cyber derrière les Etats-Unis, pour 6,85 milliards de dollars en 2020, selon l'Autorité́ israélienne de cybersécurité́. Depuis 2014, Israël abrite à Beer-Sheva, en plein désert du Néguev, le Cyber Spark, une infrastructure qui réunit des universitaires et chercheurs, des entreprises privées et des militaires dédiés à la cybersécurité
Le Cyber Spark a été lancé par l’Israël National Cyber Directorate, chargé de « protéger les infrastructures nationales d’Israël des cyberattaques et de renforcer la position mondiale d’Israël dans le secteur ». Cette infrastructure repose sur une proximité entre les entreprises privées et les agences d’État. Le gouvernement y a d’ailleurs installé son Centre d’alerte et de réaction aux attaques informatiques (CERT), et la nouvelle base de télécommunications de Tsahal y a été relocalisée.
Actuellement, le centre technologique de Beer Sheva regroupe à la fois le CERT, l’Université de Ben Gurion dédiée à la question cyber, le centre de cybersécurité de l’armée, et le centre d’affaires CyberSpark. De plus, de nombreuses sociétés israéliennes ainsi que des poids lourds étrangers se sont installés sur ce campus, notamment Lockheed Martin, Deutsche Telekom, Oracle, Paypal ou encore IBM.
Le Cyber Spark a largement inspiré le campus français de cybersécurité́ « Campus Cyber », inauguré à Paris - La Défense en février dernier par le président Emmanuel Macron. Ainsi, il serait intéressant d’explorer dans quelle mesure ce modèle est reproductible au Maroc, et si le Royaume pourrait transposer le modèle israélien d’innovation en cyberdéfense ?
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.