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06.01.2017 à 11 H 35 • Mis à jour le 06.01.2017 à 11 H 38 • Temps de lecture : 4 minutes
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n°89.Les Oulémas du Palais vont-ils tourner le dos à Fethullah Gülen ?

Les théologiens affiliés à la bête noire d’Ankara ont leurs entrées dans les sphères religieuses du Palais. Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammedia des Oulémas est l’un de leurs puissants relais au Maroc. Qu’en sera-t-il désormais?

Les contingences diplomatiques ont parfois des répercussions inattendues. Alors que l’Etat a répondu favorablement à la demande des autorités turques de fermer les établissements scolaires liés à Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme l’instigateur du putsch manqué contre Erdogan, les Oulémas de la Rabita Mohammedia se trouvent ainsi dans une posture pour le moins inconfortable.


En effet, le mouvement güléniste a des entrées dans les sphères religieuses officielles au Maroc. Les religieux de Gülen entretiennent de très fortes relations avec un certain nombre de membres de la Rabita Mohammedia des Oulémas, institution officielle créée par dahir royal ayant pour mission de « promouvoir un islam modéré », dont Ahmed Abbadi, le secrétaire général, et Mohamed Rouki sont des chroniqueurs assidus du magazine Hiraa, financé par le réseau Gülen et disponible dans les librairies spécialisées dans la littérature religieuse, mais aussi dans les bibliothèques et les centres de documentation des Habous.


Lire notre enquête à la source : Plongée dans les réseaux marocains de la confrérie de l’imam Fethullah Gülen


Par ailleurs, des partenariats ont été conclus avec des centres de recherche marocains. L’Association turque des langues et des cultures a organisé plusieurs activités destinées à la jeunesse en partenariat avec le ministère de la Culture.


« L’intention de maître Gülen est d’associer l’enseignement coranique à la construction de l’humain. C’est un modèle civilisationnel libéré de toute sorte d’esclavage que subit l’être humain. Dans ses ouvrages, le lecteur appréhende des horizons insoupçonnés, jamais traités auparavant », peut-on y lire de la plume d’Ahmed Abbadi faisant l’éloge de la pensée de Gülen.


Conviés aux causeries religieuses du Ramadan

Le cheikh Farid al-Ansari, ancien membre du Haut conseil scientifique des Oulémas et ex-président du conseil régional des Oulémas de Meknès, était considéré comme le grand idéologue du gülenisme au Maroc. Il a consacré un livre à Gülen intitulé Aâwdat al-forsan (Le retour des chevaliers). Selon des sources du Desk, l’organisation de Gülen avait pris en charge son hospitalisation en Turquie jusqu’à son décès à Istanbul en 2009.


Les membres de la confrérie de Gülen sont par ailleurs souvent conviés aux causeries religieuses du Ramadan présidées par le roi Mohammed VI. Ce fût notamment le cas pour Nouzad Shawaf, l’un des disciples de Gülen et ancien rédacteur en chef de Hiraa. Shawaf est souvent l’invité de marque des activités et événements organisés par la Rabita Mohammedia.


L’Etat qui voyait plutôt d’un œil conciliant les activités locales des sympathisants de Gülen, tolérant l’organisation de leurs conférences et événements, présentés dans des cadres scientifiques, culturels et religieux, où universitaires et chercheurs internationaux étaient jusqu’ici régulièrement mis à l’honneur.


Selon des sources sécuritaires autorisées, de discrets contacts ont eu lieu entre le ministère de l’intérieur et certaines figures de la Rabita depuis la visite il y a quatre mois d’une délégation de parlementaires turcs dans le royaume pour convaincre les autorités de la « dangerosité » du mouvement Gülen, avec pour mot d’ordre de « couper les ponts avec les gülenistes ».


Une porosité due aux valeurs pieuses partagées

Par ailleurs, les mêmes sources ont fait référence à des échanges d’informations entre le Millî İstihbarat Teşkilatı et les services de renseignement marocains sur les intérêts économiques du patronat turc au Maroc. Au-delà du secteur de l’éducation représenté par le réseau d’établissements Mohamed Al Fatih, « plusieurs entrepreneurs, dont certains sympathisants du PJD, notamment des importateurs grossistes dans le secteur de l’habillement sont en cheville depuis la période des printemps arabes avec des firmes de Tuskon (l’une des plus grandes associations patronales turques, proche de Hizmet ndlr.) », assure la même source.


Hormis les liens d’affaires établis lors des visites de prospection croisées, des connexions se sont faites « naturellement autour de valeurs pieuses » et « qui dépassent certains clivages », assure-t-on, où l’on retrouve dans certains cercles, des individualités issues du Mouvement unicité et réforme (MUR), la matrice idéologique du PJD, des figures de la Rabita et même certains patrons conservateurs encartés dans des fédérations de la CGEM.


Depuis la tentative de coup d’Etat contre le pouvoir d’Erdogan, les diplomates turcs ont multiplié les canaux de communication avec plusieurs cercles de pouvoir au Maroc pour endiguer cette porosité, y compris avec leurs « amis » du PJD, avec la bénédiction de l’Etat. Certains membres du parti se sont rendus à l’ambassade de Turquie à Rabat en signe de solidarité avec l’homme fort d’Ankara et Abdelilah Benkirane avait publiquement félicité l’AKP.


Au sein du PJD, on affiche bien entendu une proximité avec les idées du pouvoir turc en rappelant que les pro-gülénistes « sont à débusquer plutôt parmi les officiels », tout en minimisant le phénomène. « Ce sont surtout des relations interpersonnelles. On doit plutôt parler d’intérêts particuliers et non de réseaux d’influence à caractère politique ».

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