Un détenu de Guantanamo intente une action à l’ONU contre sept pays dont le Maroc
Zayn Al-Abidin Muhammad Husayn, connu sous le nom d'Abu Zubaydah, qui est détenu à Guantanamo depuis 19 ans sans procès, compte intenter une procédure contre les États-Unis, le Royaume-Uni et cinq autres États, dont le Maroc devant un panel des droits de l'homme de l'ONU pour leur rôle dans « la restitution et la détention par la CIA » de suspects de terrorisme sur des « sites noirs » à travers le monde.
L'affaire inhabituelle est portée devant le Groupe de travail des Nations Unies sur les détentions arbitraires (UNWGAD) qui fait partie du bureau du Haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies. Cette instance a pour mandat d'enquêter sur les plaintes individuelles de détention arbitraire et d'émettre des avis et de demander réparation, mais n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions aux pays qui ne se conforment pas.
Abu Zubaydah, Palestinien de 50 ans élevé en Arabie Saoudite, a été arrêté en 2002 au Pakistan et remis à la CIA. Son procès, renvoyé devant le panel de l'ONU vendredi dernier, indique qu'il a été détenu arbitrairement et torturé dans les centres d'interrogatoire secrets de la CIA au Maroc, en Thaïlande, en Pologne, en Lituanie, en Afghanistan et à la prison américaine de Guantánamo sur l’ile de Cuba.
Selon Amnesty International, Abu Zubaydah, a été détenu au secret par la CIA dans divers lieux. Il a été établi qu’il a transit à deux reprises par le Maroc, en février 2004 (en provenance de Guantanamo) puis en mars 2005 d’où il a été transféré en Lituanie via la Jordanie. Le 4 septembre 2006, Abu Zubaydah a été transféré à Guantánamo Bay. Il a été soumis au waterboarding au moins 83 fois en août 2002. Il accuse aussi le Maroc de « complicité de restitution », et de « torture ».
Outre Abu Zubaydah, au moins sept autres détenus auraient été transférés illégalement au Maroc par des vols liés à la CIA entre 2002 et 2005. Leurs profils sont variés : un binational maroco-italien arrêté à l’étranger et rapatrié au Maroc, deux opposants libyens arrêtés en Mauritanie, transférés au Maroc puis renvoyés en Libye, et enfin certains détenus étrangers de « grande valeur », confiés temporairement au Maroc avant de repartir dans une des prisons secrètes de la CIA.
Il a été initialement décrit comme un dirigeant d'Al-Qaida par le président américain de l’époque George W. Bush, mais l'agence de renseignement américaine avait, en 2006, conclu qu'il n'était même pas membre du groupe terroriste. Il est cependant détenu à Guantánamo depuis lors, sans perspective de libération.
C'est la première fois qu'une action en justice est intentée contre le Royaume-Uni, l'Afghanistan, le Maroc et la Thaïlande pour leur rôle dans le programme de restitution et de torture de la CIA.
« Après 19 ans de détention arbitraire, le seul recours légal approprié pour Abu Zubaydah est la libération et la réhabilitation », a déclaré sa représentante juridique internationale, Helen Duffy. « La reconnaissance, les excuses, la transparence, la responsabilité et la garantie que ces violations ne se reproduisent plus sont toutes des obligations légales, gravement négligées dans la guerre contre le terrorisme et qui font l’objet de cette réclamation. Mais elles n'ont pas de sens s’il n’est pas mis fin aux violations en cours », a-t-elle plaidé.
Joe Biden s'est engagé à fermer le camp de prisonniers de Guantánamo et à libérer ou transférer les 40 détenus restants. Cependant, Barack Obama a également promis de fermer le camp mais s'est heurté à la résistance du Pentagone et du Congrès et n'a réussi qu'à réduire considérablement le nombre de détenus.
« La façon dont l'administration Biden répond aux revendications juridiques internationales comme celle-ci sera un test de son engagement nouvellement déclaré en faveur de l'état de droit international et des droits de l'homme », a déclaré Duffy, qui est également directrice du groupe de défense Human Rights in Practice.
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.