n°636.Mise au point à propos de l’affaire Omar Radi
A nos lecteurs,
Le Desk tient par cette communication à éclairer l’opinion publique sur certains aspects en rapport avec les deux enquêtes en cours menées par la justice visant le militant et journaliste Omar Radi, la première pour « espionnage au profit de puissances étrangères », la seconde pour « attentat à la pudeur et viol ».
Pour ce qui est de la première affaire et dans la limite des informations dont nous disposons, notre enquête publiée le 15 juillet 2020 a montré que les relations qu’a entretenues Omar Radi en 2018 avec un cabinet britannique privé d’intelligence économique ne relevaient pas d’activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat.
Nous savons par ailleurs, à travers ses déclarations, qu’il a été interrogé durant l’enquête préliminaire de la BNPJ sur des communications qu’il a pu avoir avec un diplomate néerlandais durant sa couverture du Hirak du Rif en 2016, sur des mouvements de fonds de faibles montants sur son compte bancaire et à propos d’une bourse de recherche obtenue auprès de la Bertha Foundation, une fondation d’utilité publique basée à Genève.
Dans la seconde affaire, Ali Amar, directeur de publication du Desk et Fatima Zahra Lqadiri, directrice générale de sa société éditrice Pulse Media ont été entendus en tant que déclarants par la Gendarmerie royale de Casablanca le 24 juillet 2020, les faits relatifs à cette affaire ayant eu pour cadre leur domicile privé dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020.
Le soir même de leur déposition, ils ont rencontré Omar Radi en compagnie d’autres membres de l’équipe pour l’informer qu’une plainte pour « viol » venait tout juste d’être déposée par Hafsa Boutahar, une collègue de travail.
Le 28 juillet, soit la veille de son arrestation, un dîner a été organisé dans un restaurant de Casablanca avec quelques membres de l’équipe. Omar Radi y avait assuré vouloir informer Le Desk de ses démarches en vue de préparer sa défense.
Nous avons appris plus tard que Omar Radi avait enregistré une vidéo et confié un écrit à ses proches destinés à être diffusés. Le Desk n’a pas été associé à ces actions et n’en a consulté la teneur qu’après leur publication sur les réseaux sociaux.
Le comité de soutien formé en défense de Omar Radi qui a mené quelques actions sur les réseaux sociaux et auprès de médias et d’ONG à l’international a décidé à sa constitution de ne pas inviter la direction du Desk à leurs groupes de discussion.
Compte tenu de leur statut de déclarants dans la procédure engagée, Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri ont été tenus à la réserve sur les aspects couverts par le secret de l’enquête.
Le fait aussi que cette affaire impliquant directement deux collaborateurs dans un cadre strictement privé et entourée d’informations parcellaires et non maitrisées, ne nous a pas permis d’en tirer des conclusions qui permettent d’en juger, autrement que d’appeler à un procès équitable.
D’autres éléments nous ont également poussés à davantage de réserve :
Selon le témoignage livré le 7 août à son domicile par Driss Radi à Ali Amar en présence notamment de deux autres membres de la rédaction, dont Imad Stitou, Omar aurait obtenu sa libération dans la précédente « affaire du tweet » suite à « une médiation » organisée par son avocat avec un haut commis de l'Etat. Driss Radi a ajouté qu’il était à nouveau en contact avec des médiateurs dans l'éventualité d'engager un canal de discussion. Nous n'avons pas été informés des suites de ces contacts. Plus tard, lors d'une visioconférence de la rédaction, Imad Stitou qui est demeuré en contact avec Driss Radi a atténué ses propos évacuant ainsi la question.
Nous avons aussi été douchés d’apprendre que peu avant son arrestation, Omar Radi avait déclaré à un membre de la rédaction du Desk : « Je n’accepterai à aucun prix de passer ne serait-ce qu’une seule nuit en prison pour une affaire de viol quitte à entraîner Le Desk avec moi en disant s’il le faut que Hafsa Boutahar est une prostituée qu’Ali Amar invitait régulièrement à son domicile et qu’il la payait pour participer à des parties fines ».
Ceci en réponse à la question légitime souvent posée sur la position du Desk dans cette affaire qui impliquait à son déclenchement et à divers degrés cinq membres de l’équipe sur un total de dix personnes, soit la moitié de son effectif.
A ceux qui font la moue sur la couverture faite par Le Desk des affaires impliquant Omar Radi, nous les renvoyons vers nos 60 articles consacrés à ce sujet.
Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri ont été convoqués le 5 novembre devant le juge d’instruction de la 1ère chambre de la Cour d’appel de Casablanca pour être auditionnés en tant que témoins au même titre que le journaliste Imad Stitou. Un quatrième concerné, Hassan B., présenté comme « le fiancé » de Hafsa Boutahar, avait lui aussi été entendu plus tôt comme témoin de l’affaire. Il a déclaré lors de son audition devant le juge d’instruction avoir été, au moment des faits, en conversation vidéo avec la plaignante à partir des Etats-Unis via l’application WhatsApp. Sa description des faits fait partie des éléments soumis au secret de l’instruction.
Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri ont sollicité au juge d’instruction le report de leur audition prévue le 5 novembre pour avoir été en contact avec un membre de la rédaction déclaré positif au virus du Covid-19 peu avant cette date. L’audition a été repoussée par mesure de précaution sanitaire au 25 novembre, date à laquelle ils ont été entendus séparément, chacun durant deux heures, par le juge d’instruction.
Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri ont réitéré sous serment leurs déclarations données précédemment à la Gendarmerie royale. Celles-ci ont porté sur les propos contradictoires des deux parties (« viol » contre « relation consentie ») et plus généralement sur des faits antérieurs et postérieurs à la nuit du 12 au 13 juillet 2020, objet de l’investigation. Il en ressort que n’étant pas témoins directs des faits précis qui se seraient déroulés durant une plage horaire indiquée comme décisive par l’enquête judiciaire, ils ne pouvaient se prononcer, ni dans un sens, ni dans l’autre, sur les dires des parties directement impliquées.
D’autres questions leur ont été posées par le juge d’instruction à l’appui des éléments documentés fournis par l’unité scientifique de la Gendarmerie royale qui a réalisé courant juillet des relevés topographiques judiciaires des lieux (croquis, photographies, vidéos et mesures télémétriques). Les conclusions de ce rapport technique comparées au récit de la plaignante (Hafsa Boutahar), du mis en cause (Omar Radi), des deux témoins oculaires (Imad Stitou et Hassan B.) ainsi que l’appréciation des témoins non oculaires (Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri) sur son contenu relèvent toujours du secret de l’instruction en cours.
L’investigation du juge porte aussi logiquement sur les relations personnelles et professionnelles liant témoins, accusé et plaignante. Elle vise dans le contexte particulier de cette affaire à évaluer leur degré de proximité, les faits impliquant des collègues de travail ayant eu de surcroît pour théâtre un lieu privé.
A ce propos, il est nécessaire de préciser que le domicile privé d’Ali Amar et de Fatima Zahra Lqadiri situé dans une zone résidentielle de Bouskoura, n’a jamais fait office de siège social du Desk comme ont pu le supposer certains médias, (celui–ci, autant que ses bureaux étant situés dans le quartier Mers Sultan à Casablanca), ni de lieu de travail permanent pour ses journalistes et autres employés. Ceci-dit, en raison des contraintes consécutives à l’Etat d’urgence sanitaire et des dispositions spécifiques prises par les autorités pour la ville de Casablanca en matière de confinement et de déplacement des personnes, des réunions y sont organisées de manière intermittente, par nécessité ou convenance, en complément du mode télétravail adopté par l’équipe.
Sur les relations personnelles, pour la plupart amicales entre les membres de l’équipe, Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri ont témoigné qu’elles ont toujours été empreintes de cordialité et de respect mutuel. Ils n’ont observé aucun comportement répréhensible, attentatoire à la dignité des personnes ou susceptible d’être interprété comme tels. Ils ont en outre formellement démenti la description faite de leur domicile familial par certaines parties comme « un lieu de permissivité absolue au nom des libertés individuelles ».
Concernant les relations professionnelles à caractère public et ne relevant pas non plus du secret de l’instruction :
Omar Radi a participé à la création du Desk en 2015. En février 2016, il a été convenu à sa demande qu’il passe de son statut de journaliste sous contrat CDI à celui de free-lance. En mars de la même année, il a cessé toute fonction au sein du Desk et a rétrocédé à son départ les parts sociales qui lui avaient été attribuées en sa qualité de co-fondateur.
En mars 2020, Omar Radi a repris sa collaboration avec Le Desk. Il a, à ce titre bénéficié d’un CDI pour lequel il a abandonné pour une durée de quelques mois la rémunération proposant qu’elle soit affectée à certaines dépenses de fonctionnement du site. Il a été désigné en juillet rédacteur en chef chargé du pôle enquêtes, a obtenu via Le Desk une carte de presse auprès du Conseil national de la presse (CNP) et a été inscrit sur la liste des salariés de l’entreprise directement rémunérés par l’Etat de juillet à septembre dans le cadre de l’aide exceptionnelle octroyée aux médias par le ministère de tutelle dans le contexte de la crise du Covid-19.
Hormis son implication dans la naissance de notre média, les 21 contributions de Omar Radi à la rédaction du Desk sont accessibles via ce lien, soit 14 articles de novembre 2015 à janvier 2016 et 7 articles d’avril à juin 2020. Omar Radi n’a pas contribué à d’autres contenus sous pseudonyme. Il a en outre participé comme source primaire au rapport d’Amnesty International dont Le Desk aux côtés de 16 médias internationaux a publié les conclusions le 21 juin 2020 sous la coordination de Forbidden Stories, ainsi qu’à l’investigation publiée à la mi-juillet 2020 par Le Desk suite à l’ouverture d’une enquête judiciaire le visant pour « espionnage ».
Enfin, Omar Radi avait proposé courant mars 2020 au Desk de publier sous forme d’enquête journalistique le fruit d’un travail d’investigation sur le thème de « la spoliation des terres collectives au Maroc » pour lequel il a bénéficié d’une bourse de recherche de la Bertha Foundation. A la mi-mai, il a soumis à Ali Amar un draft introductif à son projet d’article composé de deux feuillets, soit tout au plus 3 500 caractères. Aucun autre document relatif à ce travail n’a été confié au Desk par Omar Radi dans la perspective éventuelle de le parachever.
Du printemps 2019 à juillet 2020, la plaignante Hafsa Boutahar a collaboré avec Le Desk en tant que free-lance avec statut d’auto-entrepreneur dans le cadre de diverses missions à caractère strictement commercial. Elle n’a pas exercé en tant que journaliste au sein de la rédaction. N’étant pas sous contrat CDI, il a été convenu avec elle de surseoir jusqu’à nouvel ordre à sa collaboration avec Le Desk au regard des contingences de l’affaire.
Imad Stitou a quant à lui été recruté par Le Desk en 2015 en tant que journaliste sous contrat CDI. Il a quitté ses fonctions fin 2016 pour exercer dans d'autres médias. En janvier 2020, il a sollicité la direction du Desk pour rejoindre à nouveau la rédaction en tant que free-lance. Stitou a été nommé rédacteur en chef de la version arabophone du site. Il a démissionné le 21 octobre évoquant des « raisons personnelles » lors d’une entrevue avec Fatima Zahra Lqadiri dont l’objet était de faire le point sur son travail comme cela avait été fait lors d’un bilan d’étape le 4 août avec Ali Amar. Le sujet de sa participation à la rédaction, souvent soulevé au sein de l’équipe depuis mars 2020, avait été laissé en suspens en considération de son implication dans l’affaire Radi. Imad Stitou n’a pas été licencié par l’entreprise et son départ n’est pas la conséquence de ses démêlées judiciaires.
L’Agence France-Presse, l’Humanité, Mediapart et d’autres médias marocains ont rapporté que Imad Stitou était « poursuivi pour complicité de viol » et que son statut dans l’affaire Radi avait basculé de « témoin » à « accusé ».
Le fait est, selon une requête du Procureur général du Roi près la Cour d’appel de Casablanca datée du 28 septembre à laquelle ont eu accès les avocats des parties et dont Le Desk a obtenu copie, il a été sollicité au juge d’instruction de « mener une enquête judiciaire avec l’intéressé » à propos de « l’existence de preuves et d’indices suffisants » sur des « crimes commis par Imad Stitou », à savoir « participation à un attentat à la pudeur avec violence sur une personne de sexe féminin » et « participation à un viol ». Au 25 novembre, son statut de « témoin à décharge » demeurait inchangé auprès du juge d’instruction.
Depuis le dépôt de plainte de Hafsa Boutahar contre Omar Radi, un certain nombre d’insinuations ont été colportées sur les réseaux sociaux et dans la presse distillant une théorie du complot selon laquelle la direction du Desk aurait « piégé » Omar Radi puis « lâché » Imad Stitou. Mediapart a écrit dans son dernier article sur l’affaire coréalisé avec l’Humanité que la rédaction du Desk « a coupé les ponts » avec Stitou suggérant ainsi son abandon. Sa co-auteure, Rachida El Azzouzi, a interrogé via la messagerie Signal Ali Amar si Imad Stitou faisait encore partie de l’équipe et sur les raisons ayant concouru à son départ alors que la publication de son article était imminente faisant fi du délai raisonnable à concéder à une partie sollicitée. Une réponse détaillée à Mediapart était d’ailleurs en cours de rédaction. Ce n’est pas la seule assertion biaisée ou erronée dans le traitement fait par Mediapart de cette affaire complexe. Nous y reviendrons si nécessaire.
Driss Radi, père de Omar, a lui aussi laissé entendre une première fois sur Facebook que Le Desk s’était désolidarisé de son fils avant de se rétracter en amendant son message. Il l’a de nouveau insinué en prétendant, entre autres allégations que le domicile de Ali Amar et de Fatima Zahra Lqadiri a été préparé pour servir de « souricière » à son fils lors d’une soirée organisée en son honneur à l’occasion du réveillon du Nouvel An alors qu’il sortait tout juste de prison dans « l’affaire du tweet ». En plus du fait que Driss Radi se trompe d’événement, de lieu et de date, ses graves accusations l’exposent, malgré son usage d’un phrasé crypté semblable à celui de la presse jaune qui accable son fils, à des poursuites judiciaires pour diffamation et dénonciation calomnieuse.
Tout comme Imad Stitou qui a délibérément évité d’informer Le Desk de l’évolution de ses dossiers judiciaires (affaire de l’altercation avec un cameraman de Chouf TV et affaire Boutahar vs. Radi), a fait de même en accusant sur Facebook ses anciens patrons et collègues de les avoir « vendus » lui et Omar Radi « sur les marchés des sales négociations » et dans l’opulence d’un « ghetto vert… » paraphrasant Abu Wail Riffi sur Chouf TV quand celui-ci faisait référence à « Green Town » pour qualifier le domicile des directeurs du Desk de « lupanar » et de « nid d’espions ».
Il est de même regrettable que des journalistes, au prétexte de leur soutien à Omar Radi, adhèrent à cette campagne de médisance en lui donnant écho. Nous leur rappelons qu’au moment où Omar Radi était sous enquête du parquet menée par la BNPJ pour « espionnage », aucun d’entre eux n’a investigué comme nous l’avons fait pour faire surgir la vérité sur ce volet de l’affaire et très peu parmi eux ont relayé les preuves que nous avions publiées pouvant servir à le disculper.
Nous nous étonnons aussi que depuis le 29 juillet dernier date de l’incarcération de Omar Radi, ses avocats n’ont pas pris la peine de contacter la direction du Desk pour préparer sa défense, ni solliciter de visiter les lieux où s’est nouée l’affaire. Lors d’une rencontre à la Cour d’appel de Casablanca le 25 novembre, Me Mohamed Messaoudi qui défend Omar Radi et Imad Stitou s’est justifié en déclarant à Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri qu’il « n’avait pas souhaité pendant l’enquête prendre attache » avec eux « pour ne pas susciter de gène ».
Résultat, cette stratégie de défense isolant Le Desk a alimenté l’idée d’une possible connivence avec la plaignante dépeinte comme une « agente des services infiltrée dans la rédaction » dont la mission aurait été de « faire tomber » Omar Radi.
La défense de Omar Radi plaide à ce titre un « harcèlement à caractère sexuel » de la part de Hafsa Boutahar qui aurait débuté dès leur première rencontre en janvier 2020.
Sans préjuger des faits qui se seraient déroulés dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020, cette thèse du complot par préméditation ne tient pas selon ce scénario. Boutahar collaborait avec Le Desk des mois avant sa première rencontre avec Omar Radi en janvier 2020 et n’a donc pas pu être motivée à rejoindre le média pour le cibler. Elle ne pouvait pas non plus deviner qu’Omar Radi allait revenir travailler au Desk en mars, et encore moins prévoir qu’un confinement allait être décrété au Maroc à cette période pour cause de pandémie du Covid-19, qu’une enquête pour « espionnage » allait amener Omar Radi à se rendre régulièrement au domicile de Ali Amar et Fatima Zahra Lqadiri et qu’elle-même allait se retrouver dans une situation similaire en raison de l’Etat d’urgence sanitaire.
Cette ligne conspirationniste impliquant Le Desk est celle-là même qui sert aujourd’hui à la campagne orchestrée sur les réseaux sociaux par un groupe de personnes connues pour mener régulièrement des opérations de bashing du média depuis sa création en 2015, disséminant fake news, rumeurs infondées et allégations fantaisistes.
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