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04.02.2017 à 20 H 40 • Mis à jour le 05.02.2017 à 01 H 43 • Temps de lecture : 9 minutes
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n°96.Nasser Bourita : pourquoi le Maroc n’a pas reconnu et ne reconnaîtra jamais la « RASD »

Des représentants du Polisario et leurs supporters algériens tentent d’entériner auprès de l’opinion publique l’idée que l’admission du Maroc à l’UA équivaudrait à une reconnaissance tacite de la « RASD » qui y siège encore. De retour d’Addis Abeba, le ministre délégué aux Affaires étrangères, cheville ouvrière de la nouvelle diplomatie royale, démonte pas à pas l’assertion dans une communication argumentée au Desk

Le Maroc a retrouvé son siège au sein de l’Union africaine lors du 28ème Sommet de l’organisation panafricaine à Addis Abeba après une bataille homérique contre ses adversaires que sont l’Algérie et l’Afrique du Sud notamment. Ce retour patiemment préparé par la diplomatie chérifienne découle d’une stratégie entamée dès l’accession au trône du roi Mohammed VI qui a placé l’Afrique au cœur de ses relations internationales dans un contexte mondial marqué par la fin du bipolarisme.


L’enjeu était de taille, le royaume ayant tourné le dos à l’OUA en 1984 après l’admission de la « RASD » lorsque les thèses tiers-mondistes portées par des régimes soutenus à bout de bras par le Bloc de l’Est, imposaient leur emprise sur de larges pans d’un continent miné par les crises politiques, le fracas des guerres et les affres du sous-développement.


Mais 33 ans plus tard, la donne a changé : une nouvelle génération de leaders africains affranchis des tutelles étrangères ont choisi une autre voie, ne s’inspirant ni de Moscou, ni de Washington et défendant un panafricanisme rénové et surtout « décomplexé » vis-à-vis des anciennes puissances coloniales européennes.


Dans ce contexte, le Maroc a musclé sa présence sur le continent, marquant de son influence tant politique, économique que culturelle de nombreux pays, d’abord auprès de pays avec qui il a partagé une histoire commune en Afrique de l’Ouest, et fait inédit, depuis peu auprès d’Etats d’Afrique de l’Est, à l’instar du Rwanda.


Pour Rabat, cette présence forte du Maroc en Afrique devait se concrétiser par un retour au sein de « la grande famille africaine ». Entretemps, l’OUA a cédé sa place à l’UA. Si la réadmission du royaume au sein de l’organisation ne pouvait faire de doute au vu du soutien massif à sa décision, sa technicalité en revanche devait être gérée au cordeau.


Une des questions lancinantes était de savoir si le Maroc allait siéger dans l’enceinte de l’UA aux côtés de ceux qui, n’ayant pas d’attributs d’Etat, ont pourtant statut de membre à part entière. Le Maroc a choisi la voie du pragmatisme, préférant dorénavant faire valoir ses droits de l’intérieur des instances panafricaines, qui des années durant ont constitué un terrain conquis pour ses adversaires.


Tout au long du processus, le Maroc a expliqué qu’il n’opposerait pas de conditions à son retour, mais n’a pas caché ses velléités, une fois pleinement de retour, à tout entreprendre pour exclure, ou tout du moins geler l’admission de la « RASD ».


Cela vaut-il aujourd’hui reconnaissance par le Maroc de ce membre en tant qu’Etat aux yeux de la communauté internationale ?


Un non-sens à plus d'un titre

Interrogé sur les déclarations de certains représentants du Polisario, insinuant que le fait de siéger à l’Union Africaine en présence de la « RASD » impliquerait une reconnaissance de cette entité, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita a affirmé au Desk qu’il s’agit-là « d’un non-sens du point de vue du droit international et de la pratique des Etats ». Pour lui, après les vaines tentatives de l’Algérie et de ses alliés de compromettre l’admission du Maroc, ceux-ci « tentent aujourd’hui de camoufler leur cuisant échec (…) dans une logique aussi fragile que maladroite ».


« La reconnaissance est un acte unilatéral et discrétionnaire, par lequel un Etat prend acte de l'existence d’un fait, État ou situation, et déclare expressément ou admet implicitement qu'il lui est opposable », développe le ministre. « C’est un acte éminemment souverain », poursuit-il, arguant du fait qu’un Etat n’est jamais obligé de faire acte de reconnaissance. « Un acte libre, qui dépend exclusivement de la volonté de l’Etat et de ses intérêts en somme », dit le ministre.


Nasser Bourita en veut pour preuve que sur les 193 membres de l’ONU, 85 ont librement choisi ne pas reconnaitre le Kosovo comme Etat, alors que 108 membres de l’Organisation l’ont reconnu explicitement, et de rappeler que 159 Etats membres de l’ONU ne reconnaissent pas la « RASD ».


Autre argument opposé : la reconnaissance n’est, d’ailleurs, ni obligatoire ni automatique, même quand il s’agit d’un membre de l’ONU. « Ainsi, la majeure partie des pays arabes ne reconnaissent pas Israël, bien qu’il soit membre de l’ONU », rappelle Bourita, qui insiste pour dire que dans les usages diplomatiques, celle-ci prend la forme d’un acte officiel et explicite sous forme de déclaration solennelle, de note verbale, d’établissement de relations diplomatiques ou de contacts officiels ….


La nécessité préalable de la volonté de l'Etat

En technicien des relations internationales, le ministre poursuit son exposé en précisant que par essence, la reconnaissance ne peut se faire à l’insu de l’Etat. « Elle ne peut se concevoir en dehors de la volonté de l’Etat, en ce sens qu’un Etat ne reconnait que ce qu’il veut reconnaitre. La reconnaissance est, toujours, l’expression de sa volonté souveraine d’accepter un fait, de le tenir pour vrai ou réel, de l'admettre et d’en accepter les conséquences », dit-il à mots pesés.


De cette manière, « le fait pour un Etat de siéger dans une enceinte internationale en présence d’une entité non-reconnue, ne peut impliquer une reconnaissance par lui de cette entité », détricote-t-il, citant les pays arabes qui siègent à l’ONU en présence d’Israël, alors qu’ils ne le reconnaissent pas, « à l’exception de l’Egypte, de la Jordanie et de la Mauritanie », tient-il à préciser. A titre d’exemple, élargit-il, « il en est de même de l’Iran, dont la présence à l’ONU au même titre qu’Israël, n’implique aucune reconnaissance de sa part de l’Etat hébreu ! ».


Bourita prend au mot l'Algérie

Poursuivant cette logique pas à pas, Bourita prend pour exemple les contradicteurs du Maroc, ceux-là mêmes qui tentent l’amalgame. Il est piquant de voir que « la situation est identique pour l’Algérie », relève Bourita, pays qui siège à l’ONU aux côtés d’Israël, mais lui refuse toujours sa reconnaissance. « Est-ce que l’Algérie reconnait Israël du seul fait qu’elle siège à l’ONU à ses côtés ? », fait mine de s’interroger le ministre ? A l’évidence, non, mais la démonstration par l'absurde est parfois nécessaire pour tordre le cou aux contre-vérités.


D’ailleurs, l’Algérie ne siège-t-elle pas à la Banque Mondiale au même titre que le Kosovo, depuis l’admission de ce dernier en 2009 comme 186ème membre de l’organisation ?  « Pourtant, Alger ne manque aucune occasion pour rappeler qu’elle ne reconnait pas le Kosovo comme Etat indépendant », martèle Bourita, multipliant à l’envi les cas qui terrassent les assertions du pouvoir algérien.


Selon le diplomate, réputé pour être un homme de dossiers implacable, et connu pour son obsession du détail aux dires de ses plus proches collaborateurs, dans le cas spécifique de la « RASD », « 34 Etats membres de l’Union Africaine – soit les deux-tiers des membres – lui refusent leur reconnaissance à ce jour. Parmi eux, 17 n’ont jamais reconnu cette entité », rappelle-t-il, citant de but en blanc, l’Egypte, le Gabon, le Cameroun, le Sénégal, la Centrafrique, la Côte-d'Ivoire et la Guinée. « Le fait que cette entité siège à l’UA n’y a jamais rien changé », pointe-t-il.


« Si le seul fait de siéger à l’UA au même titre que la « RASD » implique une reconnaissance de cette entité, alors pourquoi le Polisario ferait si grand cas de l’attitude – pourtant si peu crédible – d’un pays comme le Kenya, qui a rétabli sa reconnaissance en 2014, après l’avoir retirée en 2006 ? », se questionne de nouveau Bourita, avant de conclure que pour toutes ces raisons, « il est évident que l’argument ne se tient ni du point de vue du droit international, ni du point de vue de la pratique des Etats ».


Siéger n'est pas reconnaître

Donc, pour le Maroc – et comme l’a souligné Mohammed VI dans son discours de Dakar, « le retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle continentale ne changera rien dans nos positions immuables concernant la marocanité du Sahara », complète le ministre sur le ton de la démonstration.


A la question de savoir si le Maroc allait se satisfaire de ce statu quo, Nasser Bourita se veut confiant et serein : « Non seulement le Maroc ne reconnait pas – et ne reconnaitra jamais – cette entité fantoche, mais il redoublera d’effort pour que la petite minorité de pays – notamment africains – qui la reconnaissent encore, fasse évoluer leur position dans le sens de la légalité internationale et des réalités géopolitiques », dit-il tout de go. « Les quelques reconnaissances glanées ici et là dans un contexte de Guerre froide – désormais révolu – ne résisteront pas à la force du droit et à l’avancée inéluctable de la légalité internationale, ni à la détermination du Royaume du Maroc à mettre fin à cette supercherie », complète-t-il avec emphase.


Poursuivant dans sa lancée, Nasser Bourita tire au canon contre le Polisario et l’Algérie : « Par leur fragilité et leur opportunisme mal placé, les faux arguments par lesquels ils tentent désespérément de récupérer à leur avantage l’admission du Maroc à l’UA, ne sont que le signe manifeste de leur désarroi devant la percée inéluctable réalisée par le Maroc en Afrique et au sein de l’UA. Leurs déclarations soulignent, de la manière la plus parlante, leur impuissance devant l’accueil triomphal réservé à Sa Majesté le Roi, au sein de l’Union Africaine ».


L’Union Africaine, faut-il le rappeler ne dispose pas de mécanisme textuel d’exclusion d’un membre, sauf en cas de renversement de pouvoir par la force, justifiant par ailleurs des formes d'ingérence. La particularité du cas la « RASD » repose dans le fait que son admission en 1984 ne s’est pas conclue dans le respect des critères imposés aux Etats constitués, mais pour des contingences politiques et idéologiques. Dans ce sens, le Maroc fourbit déjà ses armes probablement pour parachever dans ce sens une majorité des deux-tiers, soit 36 Etats qui accepteraient d’enclencher une procédure spécifique à l’encontre de cet « intrus entré par effraction », comme se plaisent à dire les diplomates du royaume. Un chemin difficile qui justifie aujourd’hui une « forme de cohabitation de fait et provisoire », mais certainement pas une reconnaissance, nonobstant la propagande du camp adverse.

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