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14.08.2019 à 13 H 31 • Mis à jour le 06.01.2024 à 13 H 10
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ENQUÊTE

Les «Lolita Express» de Jeffrey Epstein ont fait escale au Maroc

Création : Mohamed Mhannaoui / Le Desk
Le royaume parmi les destinations fétiches du multimillionnaire dans sa quête « d’esclaves sexuelles » ? En 2002, il s’y est rendu à bord de son jet privé accompagné de ses deux rabatteuses attitrées et d’un mannequin mineure pour en repartir avec en plus un passager de marque : Bill Clinton, ex-président des Etats-Unis. Trois mois avant sa mort en cellule, son autre avion a fait un ultime et mystérieux aller-retour Paris-Rabat…

Le Maroc a fait partie des destinations de Jeffrey Epstein, le gestionnaire de hedge fund multimillionnaire de 66 ans, retrouvé mort samedi 10 août dans sa cellule d'une prison de Manhattan.


Près d’un mois plus tôt, le 6 juillet dernier, des agents du FBI l'ont cueilli sur le tarmac de Teterboro, à la descente d'un de ses jets privés. Deux jours plus tard, le procureur de Manhattan l’inculpait pour trafic sexuel de mineures et association de malfaiteurs en vue d’exploiter sexuellement des mineures. Il risquait 45 années de prison.


Celui qui ne cessait ses pérégrinations entre ses nombreuses demeures et d'autres lieux de villégiature à travers le monde (Floride, Nouveau-Mexique, îles Vierges américaines, Paris etc.) et qui avait déjà été poursuivi en 2005 pour abus sexuels, avait-il aussi ses habitudes dans le royaume ? Jeffrey Epstein a-t-il sévi au Maroc ? Des jeunes filles marocaines ou transitant par le Maroc, ont-elles été recrutées afin d'assouvir son besoin permanent de nouvelles « esclaves sexuelles » ?


La divulgation des carnets de vol de ses avions privés par le site Gawker en 2015 montre qu'en 2002, il y a fait un déplacement remarqué en compagnie de son ancienne maîtresse, confidente et collaboratrice Ghislaine Maxwell, fille du magnat de la presse britannique Robert Maxwell (décédé en 1991 alors qu'il naviguait sur son yacht au large des Canaries), et de son assistante Sarah Kellen, toutes deux soupçonnées d’être ses principales rabatteuses.


Ce vol est aujourd’hui au cœur de la théorie conspirationniste sur la mort suspecte d’Epstein qu’alimente par ailleurs le président Trump, dont lui-même était proche de longue date et voisin à Palm Beach. En 2002, Donald Trump décrit ainsi son ami « Jeff » pour un portrait réalisé par le New York Magazine : « Cela fait quinze ans que je connais Jeff. C'est un gars génial ». « On s'amuse bien avec lui. La rumeur dit même qu'il aime autant les femmes que moi, et que beaucoup d'entre elles sont plutôt jeunes », poursuit-il. « Cela ne fait aucun doute, Jeffrey profite bien de sa vie sociale. »


Donald Trump, Melania Knauss, Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell à Palm Beach, en février 2000. DAVIDOFF STUDIOS/ GETTY IMAGES

 

Mais Trump tente aujourd’hui de nier cet enthousiasme passé pour le richissime pédophile en participant à détourner l’attention sur un de ses prédécesseurs à la Maison Blanche : Bill Clinton. Ce dernier, comme d’autres célébrités politiques et mondaines a été un des passagers assidus des « Lolita Express », les jets privés d’Epstein ainsi désignés en référence au célèbre roman de Nabokov.

 

Et justement, le 13 juillet 2002, après une journée passée en territoire marocain, Jeffrey Epstein embarquait Bill Clinton à bord de son Boeing 727. L'ex- président des Etats-Unis de 1993 à 2001 était venu à Rabat avec sa femme Hillary et leur fille Chelsea pour assister au mariage du roi Mohammed VI avec la princesse Lalla Salma.


« Jeffrey est à la fois un financier très prospère et un philanthrope engagé qui a un sens aigu des marchés mondiaux et une connaissance approfondie de la science du XXIe siècle », avait déclaré Clinton à la même époque par l'intermédiaire d'un porte-parole. « J'ai particulièrement apprécié sa perspicacité et sa générosité lors de son récent voyage en Afrique pour travailler sur la démocratisation, l'autonomisation des pauvres, le service aux citoyens et la lutte contre le VIH/sida », avait-il ajouté.


Les jeunes femmes des Lolita Express de Jeffrey Epstein. Archives


Epstein a-t-il juste fait le taxi pour Clinton ? David Rodgers, un des pilotes attitrés d’Epstein a été entendu sous serment par les enquêteurs américains. Il se remémore ainsi ce voyage au Maroc :


- Souvenez –vous de ce vol ? A Paris.

 - (…)

 - Pas vraiment.

 - (…)

 - Il y avait beaucoup de monde, ce qui était...

 - Vous ne vous en souvenez pas ?

 - Non

 - Donc vous ne vous souvenez pas du but du vol ?

 - Non

 - Juillet 2002, c'est à la page 58.

 - D'accord

 - LF (LFNM, indicatif de l’aéroport de Nice Côte d’Azur, ndlr) ? C'est Nice, ça.

 - Et où alliez-vous ?

 - Tanger.

 - Et puis de Tanger à.. ?

 - Dans un autre endroit au Maroc.

 - Je crois que c'est Marrakech. Je pourrais me tromper là-dessus… C'est définitivement le Maroc.

 - C’est de là que vous aviez embarqué Bill Clinton ?

 - Laissez moi voir…

 - GMME (indicatif de l’aéroport de Rabat-Salé, ndlr)…ce serait Rabat, la capitale du Maroc, je crois…

 - Saviez-vous qu'avant ce vol, vous prendriez Bill Clinton à un moment donné ?

 - Je pense que oui, oui.

 - Qui était dans l'avion avec Bill Clinton ?

 - Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell, Sarah Kellen, Prince Andrew, Cindy Lopez, Président Clinton, Doug Band, Mike (garde du corps de Bill Clinton, ndlr) et 8 personnes des services secrets.

 - (…)

 - Où emmenez-vous Bill Clinton ?

 - Nous sommes allés aux Açores pour faire le plein de carburant, puis nous sommes allés à JFK… Kennedy, New York.


Bill Clinton posant avec une très jeune fille à bord du Lolita Express. Twitter


Les documents de vol établis par Rodgers montrent en effet que le Boeing 727 immatriculé au Delaware sous le n° N908JE , en provenance de Nice ce jour-là, a fait une première escale à Tanger avant de rallier Rabat et repartir vers l’aéroport de Santa Maria situé près de Vila do Porto aux Açores. De là, il a traversé l’Atlantique pour atterrir à New York.


Le plan de vol du Boeing 727 de Jeffrey Epstein établi par son pilote David Rodgers consigne l'escapade marocaine de juillet 2002.


« Entre au moins 2002 et 2005, Epstein a sexuellement exploité et abusé de dizaines de jeunes filles mineures en les incitant à avoir des rapports sexuels avec lui en échange d’argent », détaille l'acte d'accusation du procureur de Manhattan. « Afin de maintenir et d’accroître son stock de victimes, Epstein en payait certaines pour qu’elles recrutent à leur tour d’autres mineures dont il pourrait également abuser. »


Désignés par le procureur de Manhattan, sans les nommer à ce stade, comme ses « associés », amis ou connaissances, des figures centrales ayant alimenté ou participé à son réseau criminel faisaient partie de ses voyages au Maroc.


Outre son ex-petite amie Ghislaine Maxwell, décrite comme sa « maquerelle » et qui a disparu des radars et Sarah Kellen, son assistante qui agrémentait ses déplacements de rendez-vous pour des « massages », nom de code pour ce qui s'apparente à des années d'abus sexuels sur des jeunes femmes mineures, « parfois aussi jeunes que quatorze ans » d'après le procureur de Manhattan, Epstein avait aussi invité à Tanger, puis Rabat, le prince Andrew, deuxième fils de la reine Elizabeth II d’Angleterre.


Virginia Roberts Giuffre avec le prince britannique Andrew, accusé d'avoir profité du réseau sexuel d'Epstein. À droite, Ghislaine Maxwell. Archives


Celui-ci est accusé par Virginia Giuffre, née Roberts, principale plaignante de l’affaire Epstein de l’avoir sexuellement abusée alors qu’elle était mineure. Le prince Andrew aurait eu des rapports sexuels, moyennant rémunération, avec l’Américaine, alors âgé de 17 ans, sur l’île privée d’Epstein dans les Caraïbes, mais aussi à Londres et à New York… Selon d'autres documents de vol révélés par l'instruction judiciaire, Roberts avait aussi accompagné Epstein et Maxwell pour un saut de puce du 8 au 9 mars 2001 à Tanger en provenance d'Espagne...A bord, se trouvait aussi le célèbre décorateur Alberto Pinto, fils d’un argentin et d'une mère tangéroise né en 1943 à Casablanca et décédé en France en 2012, ainsi que sa soeur Linda, héritière de son cabinet...


Le designer Alberto Pinto et sa soeur Linda


Epstein accompagné de son esclave sexuelle Virginia Roberts a voyagé à Tanger en mars 2001


Un autre personnage-clé du scandale était aussi à bord du vol du 13 juillet 2002 à destination du Maroc : Cindy Lopez, mineure à l’époque des faits faisant partie du catalogue de jeunes mannequins de l’agence parisienne Karin Models. Jean Luc Brunel, ancien patron de Karin Models qui dirige l'agence MC2 a été un rouage français essentiel du système mis en place par Epstein, comme l’a montré l’enquête de Mediapart. Il est lui-même accusé par plusieurs femmes de crimes sexuels, alors qu’elles étaient mineures.


Cindy Lopez, l'éditeur John Brockman et Sarah Kellen au début des années 2000. Archives


Dans son carnet d’adresses qui date de 2004-2005, baptisé « black book » par la presse américaine, Epstein aligne une liste impressionnante d’artistes, d’hommes politiques, d’hommes d’affaires (Donald Trump, Tony Blair, les anciens Premiers ministres israéliens Ehud Barak et Ehud Olmert, les hommes d’affaires Michael Bloomberg, Rupert Murdoch et Bernie Ecclestone, les stars Mick Jagger, Phil Collins, Dustin Hoffman, Kevin Spacey, Naomi Campbell. Sans oublier l’écrivain – aujourd’hui décédé – Elie Wiesel, ou encore le duc et la duchesse d’York). On y retrouve aussi le nom de Cindy Lopez (Buklarewicz), cerclé de noir avec une flèche pointant sur les coordonnées téléphoniques de... ses parents…



Les connexions marocaines de Jeffrey Epstein demeurent malgré tout encore un mystère. Le 25 avril 2019, son autre jet privé, un Gulfstream GV-SP enregistré au nom de Plan D, LLC et portant le numéro de queue N212JE, a volé de Paris à Rabat et est revenu 9 heures plus tard…


Le vol A/R Paris-Rabat du Gulfstream G550 de Jeffrey Epstein le 25 avril 2019

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