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Trois F-16 Fighting Falcon des Forces Royales Air volent en formation à côté d'un KC-135R Stratotanker de l'US Air Force durant les exercices African Lion 2025. Crédit : Sgt. Alexandra Longfellow /U.S. Army SETAF
17.06.2025 à 01 H 35 • Mis à jour le 17.06.2025 à 10 H 08 • Temps de lecture : 5 minutes
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n°1078.Modernisation militaire du Maroc : une puissance régionale en construction

Une note d’analyse du think tank marocain Global Governance & Sovereignty Foundation (GGSF), en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung (KAS), décrit comment le Maroc dessine les contours d’une stratégie de défense ambitieuse. Si les progrès sont notables, notamment en termes d’acquisitions d’armes sophistiquées, des lacunes subsistent en matière navale et cyber

À la faveur d’une doctrine de défense revisitée, le Maroc redessine en profondeur son architecture militaire. Les récentes acquisitions d’armement sophistiqué ne sont que la partie émergée d’un programme stratégique visant à faire des Forces armées royales (FAR) un acteur clé de la sécurité régionale, tout en préparant l’émergence d’une industrie de défense souveraine, selon une note d’analyse parue ce mois de juin, élaborée par le think tank marocain Global Governance &  Sovereignty Foundation (GGSF) en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung (KAS).


En février dernier, les FAR ont accueilli leurs premiers hélicoptères de combat AH-64 Apache, marquant une étape décisive dans la trajectoire de modernisation militaire du Maroc. Ce jalon, emblématique d’une politique d’armement qualitative, s’inscrit dans une stratégie de long terme dictée par un environnement sécuritaire en mutation  : rivalité croissante avec l’Algérie, instabilités persistantes dans le Sahel et menaces transnationales, notamment terroristes.


Une réponse aux dynamiques régionales

Face aux investissements massifs de l’Algérie, dont le ratio dépenses militaires/PIB est l’un des plus élevés au monde, le Maroc a fait le choix d’un arsenal technologique de nouvelle génération. Les acquisitions ciblent notamment les systèmes aériens, entre drones tactiques et stratégiques, avions de chasse multirôles, artillerie mobile et capacités de guerre électronique.


Dès 2021, le Maroc avait engagé une commande de 13 drones turcs Bayraktar TB2, pour un montant de 70 millions de dollars (M $), complétée plus tard par 6 unités supplémentaires. Ces appareils MALE (moyenne altitude longue endurance), dotés d’un rayon d’action de 150 km et d’une autonomie de 27 heures, permettent des opérations de renseignement, de surveillance et de frappes de précision. En 2023, un second contrat avec Baykar a ouvert la voie à l’intégration du drone Akinci, plus lourd et plus endurant (40 heures), capable d’emporter des munitions guidées de haute précision et des missiles air-air.


En appui à cette montée en puissance, Baykar a annoncé au début de cette année l’ouverture d’une usine de maintenance au Maroc. Cette structure pourra former une nouvelle génération de techniciens marocains, réduisant ainsi la dépendance logistique du Royaume vis-à-vis de ses fournisseurs étrangers.


Le Maroc, acteur sécuritaire régional

Cette modernisation confère au Maroc un rôle accru dans la stabilité régionale. Partenaire historique du Dialogue méditerranéen de l’OTAN depuis 1994, Rabat est aussi un acteur central des exercices African Lion, organisés annuellement avec les États-Unis. La coopération avec Washington s’est renforcée après le retrait américain du Niger en 2024, positionnant le Maroc comme l’un des rares partenaires fiables pour la sécurisation du Sahel et du flanc sud de l’Europe.


Avec l’achat confirmé de F-16 Block 70/72, dont la livraison est attendue en 2027, les FAR disposeront d’un vecteur de frappe moderne, intégrant de puissants radars. Sur le plan de l’artillerie, l’acquisition des systèmes Atmos 2000 israéliens vient compléter le parc de 36 canons Caesar français, offrant une capacité de feu mobile et adaptée aux conditions du désert.


Cette posture proactive va de pair avec une diplomatie de sécurité assumée. Le Maroc se veut facilitateur entre blocs sahéliens rivaux et ambitionne d’incarner une puissance stabilisatrice sur son flanc méridional, via des moyens aériens autonomes, un renseignement renforcé et une capacité de projection accrue.


Les défis d’une souveraineté industrielle

Si les acquisitions marquent un tournant, elles imposent aussi une série de défis. En 2024, Rabat s’est doté d’un budget militaire conséquent. Un effort soutenu, mais qui ne peut être linéaire dans un contexte économique contraint. La diversification des partenariats – avec les États-Unis, la Turquie, la France, Israël, mais aussi d’acteurs émergents comme l’Inde, le Brésil ou la Corée du Sud – apparaît comme un levier de souveraineté stratégique, notamment en cas de rupture dans les chaînes d’approvisionnement ou de basculement dans les alliances géopolitiques.


L’intégration industrielle en cours, que symbolise l’ancrage marocain de Lockheed Martin, suppose la montée en compétence rapide d’un écosystème local. Nouaceur, pôle aéronautique stratégique, pourrait accueillir des unités de production de pièces détachées pour drones et artillerie. À terme, la souveraineté industrielle passera par la formation d’ingénieurs, la création de centres d’innovation et des transferts de technologie contractuellement garantis.


Cap sur la mer et le cyberespace

Deux maillons faibles restent à renforcer : la capacité navale et la cyberdéfense. Avec plus de 3 500 kilomètres de littoral, le Maroc reste vulnérable aux menaces maritimes (trafics, pêche illégale, activités hostiles de puissances rivales). Or, ses moyens en frégates polyvalentes, patrouilleurs ou systèmes anti-sous-marins sont encore limités. La participation à des exercices navals de l'OTAN montre une volonté de progression, mais celle-ci devra s’incarner dans des acquisitions structurantes.


Même constat dans le domaine cyber, où les attaques contre les infrastructures critiques sont en hausse. La création d’un commandement cyber, adossé au tissu technologique marocain, offrirait une réponse stratégique, à condition d’y associer les bons partenaires et de former une élite cyber opérationnelle.


Une armée à plusieurs visages

Le Maroc conçoit désormais sa défense comme un levier de puissance et d’influence. Il ne s’agit plus seulement de garantir ses frontières, mais d’ancrer une souveraineté militaire dans une stratégie de projection, d’alliances et de diplomatie active. La logique de transformation dépasse donc les achats d’armement : elle engage tout un modèle de puissance, du renseignement jusqu’à l’industrie, en passant par la capacité à opérer dans les airs, en mer et désormais dans le cyberespace.

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