« Les neiges s’amollissent aux cimes du Haut Atlas, et la rive de la vallée déborde pour que pousse Ouarzazate, une rose immaculée, au cœur du désert ». C'est ainsi que décrit le poète amazigh Abderrahmane Haddou sa ville campée à 1 136 m d'attitude, à la rencontre des deux vallées issues du Haut Atlas et formant le bassin de Drâa.
Ouarzazate, c'est l'éden vert aux pentes des ksour d'argile et de kasbahs ornés de hautes tours bâties sur les rives des fleuves traçant une série d'oasis verdoyantes et florissantes vers lesquelles affluent les touristes y arrivant à travers les profonds ravins qui l’entourent.
Des ksour d'argile
En dévalant le col de Tizi N’Tichka, jaillit l'auguste montagne voilée de blanc. Le soleil étincelle pendant les matinées de février et la chaleur frôle les 20 degrés et peut même fléchir jusqu'à 7 degrés, le soir. Cette région méridionale est fidèle à son climat continental. Pénétrée par le froid de l'hiver, elle est bercée par la chaleur de l'été.
Trente kilomètres avant d'atteindre le centre de Ouarzazate, les visiteurs virent immanquablement en direction du nord-ouest à travers le village de Tabouraht pour se diriger vers le ksar d'Ait Ben Haddou, bâti sur une mer de sable côtoyant la vallée.
C'est un extraordinaire ensemble de bâtiments offrant un panorama complet des techniques de construction en terre présahariennes. Les plus anciennes constructions ne paraissent pas antérieures au XVIIe siècle, bien que leur structure et leur technique se soient propagées dès une époque très reculée dans les vallées du sud marocain. Le site aurait été également un des nombreux comptoirs sur la route commerciale qui liait l'ancien Soudan à Marrakech par la vallée du Drâa et le col de Tizi-n'Telouet.
« Les touristes commencent à affluer au ksar maintenant que les frontières aériennes sont de nouveau ouvertes et que les mesures de précautions sont allégées », se satisfait Lahcen, un guide touristique local. « Nombreux sont originaires d'ici », commente Abdallah, cousin de Lahcen et l'un des notables du ksar d'argile. Lahcen rassemble un groupe de touristes et déballe le conte de la célèbre kasbah.

Il entame son exposé en faisant appel à la légende de ce grand souverain, père de quatre filles, qui a édifié quatre tours pour ses demoiselles, dont Aissata et Telouata, se référant à des documents, des livres et des fouilles. Seules quatre familles habitent encore à l'intérieur du ksar, cependant le lieu était bel et bien un rassemblement résidentiel au sein d'un espace unifié, entouré d'un immense mur flanqué de ses quatre tours et d'une porte monumentale.
« Il ne faisait pas partie du bâtiment historique, mais il a été construit par une société de production pour des fins cinématographiques », prétend Lahcen. Dans l'enceinte du palais, il y a une mosquée, une synagogue et des marchands qui vendent des produits locaux aux touristes.
Ils parsèment les allées abritées de roseaux et de bois de dragonnier Ajgal, ramené de l'acre voisin. Entre les boutiques, se niche l'atelier d'un jeune homme sculptant les roseaux sur un étal de bois avec beaucoup de minutie et de créativité.
Le ksar d'Aït Ben-Haddou s'érige en emblème de l'architecture des oasis du Drâa, qui se distingue par le ksar en tant que type d'habitation traditionnelle et en tant qu'institution sociale, politique et économique, adaptée aux conditions environnementales de la région, aux transformations historiques et aux aléas économiques. C'est certainement ce qui le qualifiera à être classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1987, et d'être avant ce classement un centre de rayonnement fascinant les plus grandes productions cinématographiques du monde.
Sur la rive opposée du ksar, des restaurants servent des plats locaux et internationaux répondant à tous les pouvoirs d'achat. Les hôtels et maisons d'hôtes s'alignent, en préservant l'architecture locale ne s’écartant pas des couleurs et des lignes des kasbahs faites de pisé d'argile.
Des Romains et des Pharaons à Ouarzazate
Les studios Atlas accueillent en premier celui qui arrive du Ksar d'Aït Ben-Haddou. À cinq kilomètres à l'ouest de Ouarzazate, apparaissent les plus grands studios à ciel ouvert du monde. Tout est relié au cinéma ici.
Même Ibrahim, le gardien de voitures, qui se tient devant leur porte. L'homme porte sous son manteau des dizaines de photos qui le montrent guerrier dans la civilisation romaine, croyant avant la crucifixion du Christ, ou encore égyptien gouverné par Ramsès dans un immense palais pharaonique... On l’aura compris, il a joué comme figurant dans d'innombrables péplums américains.

Le billet d'entrée est de 70 dirhams. « En moyenne, le studio reçoit, en temps normal, environ 200 touristes par jour, et le nombre peut augmenter pendant les jours fériés et les week-ends », précise Abdou en réponse à une question posée par un membre d'une famille pakistanaise qui visitait l'endroit. Il est guide touristique des lieux.
C'est un jeune homme d'une vingtaine d'années, toujours souriant, comme la plupart des habitants de Ouarzazate. Il parle couramment l'anglais et égrène l'ensemble des productions qui y ont été tournées depuis de longues années. Abdou déambule entre les décors qui font référence à différentes époques et partage beaucoup d’informations sur les sociétés de production qui les ont réalisées, les coûts, les héros, les réalisateurs, la musique et les décorateurs.
Les studios Atlas disposent d'un hôtel quatre étoiles. Les chambres de cet établissement portent les noms des blockbusters hollywoodiens tournés à Ouarzazate tels que Prince of Persia de Mike Newell et Gladiator de Ridley Scott.
Un trône de fer est placé à l'entrée de la cour d'un hôtel faisant référence au passage des acteurs de la série Game of Thrones.

Lieu de passage vers les grands espaces
Ouarzazate est un mot berbère signifiant « pied du ravin », dit-on, tandis qu'un autre récit oral dit que le sens fait référence à « la ville tranquille ». La cité moderne a été fondée en 1928. Quant aux kasbahs, elles sont anciennes puisque les travaux des archéologues montrent que certaines d'entre elles ont été construites dès le XIe siècle. Les caravanes en provenance de Marrakech ou du Tafilalet passaient d'ici pour se rendre à Tombouctou par la vallée du Drâa.

Aujourd'hui, la ville est un lieu de rencontre pour les caravanes touristiques souhaitant visiter la Vallée des roses à Qalaat M’gouna et les Gorges du Dadès, la Vallée de Todgha, Erg Chebbi, plus connu sous le nom de Dunes de Merzouga, ou Erg Chegaga dans le désert de M'hamid El Ghizlane. Ouarzazate est l'une des portes du désert oriental, et la majesté de la kasbah de Taourirt indique le rôle stratégique de la ville à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Un touriste peut entrer dans la kasbah, au prix de 20 dirhams, et découvrir l'architecture de ce lieu grandiose bâti par la famille El Glaoui et l’histoire de sa grande figure historique, Thami El Glaoui, l'un des pachas les plus puissants et les plus célèbres de la période du Protectorat.
Devant la kasbah, se tient le Musée du Cinéma dont le rôle n'est pas seulement de conserver et d'exposer l'histoire cinématographique de la région, mais également de constituer un espace où sont organisés de nombreux événements qui accueillent les délégations assistant aux conférences à Ouarzazate autour de dîners fastueux. La plus récente était la Conférence internationale sur l'éco-tourisme.

À Ouarzazate, on peut encore admirer le squelette d’un ancien dinosaure herbivore et apercevoir au loin la plus grande centrale solaire au monde. « La ville est aussi une terre de prédilection pour les amoureux de la nature et des sports de montagne et les randonneurs, en particulier à Jebel M'goun et Siroua », explique Fatima Agoujil, vice-présidente du Conseil régional du tourisme (CRT). Elle se dit optimiste quant à l'avenir du secteur touristique dans la région, notamment après l'ouverture de l'espace aérien. Les réservations pour le printemps sont très encourageantes, indique-t-elle.

La ville abrite 52 hôtels étoilés, 85 maisons d'hôtes, 24 restaurants classés, 13 agences de voyage, 203 sociétés de transports touristiques, 28 agences de location de voitures, 306 guides touristiques, en plus de refuges, d'auberges et de sociétés de sports mécaniques.

Les cafés et restaurants dispersés sur la place du 3 mars et la place des Almohades proposent aux clients différents types de mets.
Les visiteurs peuvent faire leurs emplettes dans l'allée partant de la place des Almohades. Le plus ancien et le plus célèbre des restaurants de la ville est indéniablement « Dimitri » géré par une famille grecque depuis 1928.
Ouarzazate n'est pas qu'une rose, comme le décrit le poète berbère, mais plutôt une exquise porte ouverte à tout aventurier désireux de découvrir les oasis, comme celle de Fint à 15 kilomètres à peine de la ville et les déserts. Aux alentours de la cité, une diversité ethnique et géographique sans pareil invite à la découverte...