Depuis la nuit des temps, la cité cosmopolite de Tanger, située à la pointe nord du royaume est la porte d'entrée de l'Afrique. Que le visiteur arrive par ferry depuis l'Espagne voisine ou la France, ou qu’il prenne un vol de moins de trois heures depuis l’une des capitales européennes (à partir de Paris dès cet été), l'accès y est simple et, de par sa connectivité avec le réseau autoroutier et l’avantage que procure la ligne ferroviaire à grande vitesse qui la relie avec Kénitra, Rabat et Casablanca, c'est aussi une base idéale pour explorer le pays.
Mais, il faut surtout prendre le temps de découvrir la ville, chargée d’histoire, et ses attractions qui font d’elle l’une des plus excitantes d’Afrique. Cette belle ville portuaire est un riche mélange de nombreuses cultures, ce qui la rend unique à tous points de vue tant elle a connu au cours de sa riche histoire des ères différentes de brassage.
Après plus de 2 500 ans, il n'est pas surprenant que la ville ait connu des hauts et des bas au cours des âges. Initialement fondée au 5ème siècle avant-JC par des colons carthaginois, Tanger a changé de mains entre toutes sortes d'empires et de puissances coloniales.
De la Grèce antique à Rome et du Portugal à l'Angleterre, il y a eu une quantité infinie d'influences variées sur sa culture et ses habitants, mais aucun des tumultes qui l’ont façonnée n'était aussi étrange que lorsqu'elle a été offerte dans le cadre d'une dot à Charles II d'Angleterre lorsqu'il a épousé Catherine de Bragance. Elle est restée sous le contrôle de l'Angleterre pendant un peu plus de 20 ans, jusqu’au jour où a été décidé que le coût d'entretien et le risque de sécession étaient trop élevés. Avant d'évacuer les troupes anglaises et leurs familles, les Anglais firent sauter tous les aménagements et fortifications qu'ils avaient réalisés, laissant la ville en ruine.
L’ancienne « zone internationale » du début du 20ème siècle, dotée d’un complexe système de gouvernance impliquant 30 pays, a été le point de ralliement de plusieurs générations d’artistes, de romanciers, de figures mondaines, de princes et de divas, mais aussi d’espions, d’aventuriers et de libertins venus y trouver refuge, qui ont forgé dans l’imaginaire de tous, l’image d’une ville captivante, créative, rebelle et sensorielle.
Aussi, Tanger fut aussi un havre de repli pour les renégats et les contrebandiers aux 19ème et 20ème siècles, bien que les traces d'activité interlopes dans la région remontent au 17ème siècle. La culture pop, cependant, l'utilise toujours comme lieu et source d'inspiration pour ses histoires d’aventure, comme pour les fictions My Favorite Spy et The Bourne Ultimatum, pour ne citer que celles-ci.
Des géants de la culture tombés sous le charme
Matisse, Kerouac, Bowles, Jagger, Hendrix, Smith et bien d’autres ont été attiré par la lumière éblouissante de Tanger, son melting pot culturel, ses sonorités et la culture décontractée de ses habitants et de ses lieux, sources inépuisables d’inspiration, notamment pour la Beat Generation.
Le célèbre écrivain de la ville, Mohamed Choukri, auteur du fameux « Pain nu », a eu après des débuts très modestes, à travailler avec des géants de la littérature, dont Paul Bowles et Jean Genet, et s'est lié d'amitié avec eux. On peut retrouver cette atmosphère culturelle enivrante en visitant l’incontournable Librairie des Colonnes.

De nos jours, et après de longues années d’endormissement, la ville est redevenue un des phares du Maroc moderne grâce à son récent développement et la réhabilitation de son patrimoine, attirant comme un aimant une nouvelle vague de talents, de créateurs lui insufflant un second départ.
La ville, depuis une vingtaine d’années, s'est efforcée de préserver et restaurer de nombreux monuments et sites historiques qui ont pétri son identité pour les générations à venir. Aujourd'hui, forte de son héritage et des profondes métamorphoses, Tanger séduit à nouveau touristes, intellectuels, industriels et hommes d'affaires.
Tanger a de quoi toujours impressionner et inspirer. C'est toujours un endroit animé et fascinant, avec son gigantesque port, le plus grand d’Afrique, et son hinterland industriel portes du Maroc vers le reste du monde.
En pleine expansion, la ville du Détroit a retrouvé sa vitalité d’antan, que l’on ressent que ce soit au lieu de rendez-vous privilégié des Tangérois, La Terrasse des Paresseux, sur le boulevard Pasteur où il est si agréable de flâner.
L'endroit est prisé, avec ses longues-vues, ses canons historiques pointés sur le détroit de Gibraltar, du haut de ses remparts, récemment restaurés ou encore sur la place du Grand Socco, ombragée par les palmiers, là où le 9 avril 1947, le sultan Mohammed V y prononça son émouvant discours appelant à l'indépendance du royaume.
La Cinémathèque de Tanger, sur le flanc sud du Grand Socco, est l'un des pôles créatifs les plus en vue, gérés par des artistes locaux. Niché derrière la façade d'origine du cinéma art déco Rif, il comprend le premier cinéma d'art et d'archives cinématographiques d'Afrique du Nord, ainsi qu'un café et un espace de travail où les hipsters piannotent sur des ordinateurs portables sous un mur d'affiches vintage.
Les pelouses parsemées d'arbres du jardin de La Mendoubia donnent de la fraîcheur au nord du Grand Socco, tandis qu'à l'est, les ruelles enchevêtrées invitent à la balade au cœur de la vieille médina, fondée il y a sept siècles et récemment relookée.
Il y a une atmosphère espagnole qui baigne certains de ses quartiers, où les échoppes et les cafés aux auvents rayés de bleu azur sont surmontés d'appartements art déco ou aux balcons de fer forgé en enfilade.
Au sud se trouve la Légation américaine, la première propriété diplomatique des Etats-Unis à l’étranger, offerte par le sultan du Maroc en 1821. Cela a créé un lien durable entre les deux pays. La bâtisse au style andalou qui n'abrite plus de diplomates a depuis été transformée en musée que les visiteurs peuvent visiter et admirer sa remarquable collection d'art.
Dans les souks de la médina, des groupes de marchands vendent des seaux d'olives scintillants, des arcs-en-ciel de babouches, des épices parfumées, du pain fraîchement cuit et des piles soignées de mandarines, le fruit emblématique de Tanger. Comme le suggère l'étymologie similaire du fruit et de la ville, la délicieuse mandarine Tangerine tire son nom de l’antique cité Tingis. Le cépage mandarine a fait son chemin en Europe dans les années 1800, exporté via le port de Tanger. La ville était si connue pour ses fruits onctueux que les habitants de Tanger ont même été appelés Tangerinois pendant un certain temps. La ville n'exporte plus sa récolte locale, de sorte que seuls les habitants ou les touristes chanceux peuvent goûter ces agrumes cultivés dans ses jardins et vergers.
Faites une pause sur la place Petit Socco pour un thé à la menthe, soit au Café Tingis - un autre lieu d'observation prisé par les passants - soit sur le toit du Palais Zahia, un riad de charme décoré de couleurs vives. Alors que le thé vert est originaire de Chine, la touche marocaine consistant à ajouter une bonne quantité de menthes vertes au pot est, assure-t-on, originaire de Tanger et est devenue un symbole de l’hospitalité du royaume et de sa culture.
La Kasbah, la haute citadelle dans le coin nord-ouest de la médina, offre une perspective différente. Son musée des cultures méditerranéennes a été entièrement rénové.
Et un nouveau Musée d’art contemporain y a ouvert ses portes. Situé dans l’enceinte de l’ancienne prison de la Kasbah, le Musée de la Kasbah, espace d’art contemporain se veut un lieu vivant de rencontres, d’échanges et de partages et présente une programmation culturelle et des expositions liées à la région du nord. Celui consacré au grand explorateur natif de Tanger, Ibn Batouta, vaut aussi le détour.
Entrez via Bab el-Assa, représentée par Matisse dans les années 1910, et vous passerez devant la belle fontaine Assa, richement décorée de carreaux de mosaïque de zellige. Il y a plus de merveilles à Dar el Makhzen, le palais qui domine la fortification, dont les céramiques, soieries et manuscrits enluminés du Musée des Arts Marocains et du Musée des Antiquités.
Le fouillis environnant de maisons blanchies à la chaux recèle une poignée de galeries d'art, de peintures murales et de restaurants, dont El Morocco Club, l'un des les plus réputés de la ville intra-muros.
Les toits au-delà du regard offrent un panorama d’exception sur le nouveau port de pêche, qui fait partie de l’ambition plan urbanistique « Tanger Métropole », dont la marina urbaine, Tanja Marina Bay, en est le milestone au sud-est de la médina.
Le revival des lieux de mémoire
Au quartier de Malabata subsiste la bâtisse que le journaliste britannique Walter Burton Harris, envoyé spécial Times, avait imaginé et construit dans un style néo-mauresque très en vogue à la fin du 19ème siècle. Il y recevait l’élite du monde politique et intellectuel. Il en fait un lieu de discussions des grands évènements, d’alliances et de négociations. Mais suite à des dettes de jeu, il a été contraint de se séparer de son petit paradis qu’il céda au propriétaire espagnol du Casino Onofre Zapata.
De fait, la belle demeure et son parc seront transformés en Casino-Parc, jusqu’à l’occupation de Tanger par les troupes espagnoles lors de la seconde guerre mondiale. Dans les années 60, le domaine est racheté par le Club Med pour y aménager l’un de ses villages.
En 1992, le Club Med quitte Tanger, laissant le domaine intact et inhabité. Jadis florissant, le bâtiment avait mis la clé sous la porte… il n’était que l’ombre de son ombre, parvenant si bas qu’il devait mécaniquement remonter. Pour ce faire, une impulsion était nécessaire. Après vingt ans d’abandon, ce bijou architectural a été rénové, et surtout converti en un espace muséal.
A sa récente inauguration, le Musée Villa Harris a exposé des tableaux d’artistes majeurs ayant sublimé le Maroc au début du 20ème siècle, tels que Frank Tapiro, Jacques Majorelle, Claudio Bravo ou encore Edy-Legrand aux côtés d’œuvres des premières générations d’artistes marocains modernes, de Ben Ali R’bati et Mohamed Sarghini à Jilali Gharbaoui, Fatima Hassan, Mohamed Hamri et Farid Belkahia, entre autres.
Un autre des emblèmes de Tanger est sans conteste le Gran Teatro Cervantes. Le lieu mythique qui a vu passer des ténors italiens, des comédiennes françaises, ou des stars égyptiennes, sans compter les plus grandes vedettes espagnoles, est longtemps resté à l’abandon, avant qu’un accord de donation entre les royaumes d’Espagne et du Maroc ne vienne organiser sa gestion et sa restauration.
Son histoire est celle d’un couple de passionnés. Au tournant du 20ème siècle, Manuel Peña Rodríguez, un pêcheur de Cadix et sa femme s’installent dans la Tanger cosmopolite qui attire alors aventuriers, investisseurs, colons et simples travailleurs européens en quête de fortune. Le couple rejoint un vieil oncle qui après sa mort leur lègue quelques biens, dont un terrain sur lequel, les deux époux décident d’ériger un théâtre et pour mettre la culture espagnole au cœur de la ville.
Pour 650 000 pesetas l’architecte espagnol Diego Jiménez Armstrong, natif de Tanger est chargé de le construire. Ce sera un ouvrage Art nouveau en béton armé doté de fresques du peintre Federico Ribera Bussato. Les sculptures extérieures sont réalisées par l'artiste sévillan Cándido Mata Cañamaque. Diego Jiménez Armstrong y place également dix mille ampoules en s’inspirant du Teatro Real de Madrid. Le théâtre est nommé Le Cervantes en référence au grand romancier espagnol Miguel de Cervantes. Le ton est alors donné avec le choix de ce nom emblématique.
Le Gran Teatro Cervantes est inauguré en décembre 1913 et il deviendra le lieu de vie incontournable des exilés espagnols et du reste de la communauté tangéroise. Avec ses 919 places, il est à ce moment le plus grand théâtre d’Afrique du Nord et un lieu de promotion très important pour les artistes de la péninsule jouxtant le détroit.
Trop imposant et très coûteux, il est finalement cédé à l’Etat espagnol en 1928 pour 450 000 pesetas. Le théâtre propose un programme varié avec des opéras (dont les voix d’Adelina Patti et d’Enrico Caruso), des pièces de théâtre (avec María Guerrero, Margarita Xirgu, la Française Cécile Sorel ou encore les divas égyptiennes Youssef Wahbi et Fatma Rochdi). La troupe de théâtre locale Al Hilal y présenta plusieurs pièces, dont Othello, en arabe, en 1929.
Les plus grandes vedettes de la chanson viennent au Cervantes pour rencontrer leur public hispano-marocain. On peut citer la venue des chanteuses de copla Carmen Sevilla, Imperio Argentina, Juanita Reina, Lola Flores… Il y eut également Antonio Molina, le chanteur de flamenco Manolo Caracol et le Cubain Antonio Machín.
C’est d’ailleurs en venant jouer à Tanger en 1947 et en rencontrant les Espagnols ayant fui le franquisme que Juanito Valderrama composera sa plus grande chanson, El Emigrante (l’émigré).
Durant cinq décennies, le théâtre vit au rythme des concerts et des opéras qui y sont donnés et lorsque la rentabilité n’est plus au rendez-vous et que le public espagnol devient de plus en plus clairsemé, le Gran Teatro Cervantes se mue en salle de catch !
Après l’indépendance, en 1956, le théâtre connaît de nouveaux troubles. Les Espagnols quittent peu à peu Tanger. Le gouvernement délaisse le lieu. Le lieu se réinvente un temps en salle de cinéma, mais les conditions sont vraiment mauvaises et la salle se dégrade. Il ferme définitivement en 1962, mais sa renaissance est désormais assurée.
Autre lieu en passe d’être sauvé de l’oubli et magnifié est la Plaza de Toros. De style hispano-mauresque, cette arène espagnole dédiée à la tauromachie avait été classée comme monument historique en mai 2016. Elle avait été construite en 1950 sous le protectorat espagnol et était dotée à l'époque d'une capacité de 13 000 places assises. L’arène de Tanger était la dernière de toute l'Afrique.
La place n'avait servi pour les corridas que pendant six ans, jusqu'à l'indépendance du Maroc. En 1970, elle avait été ouverte brièvement pour une ultime corrida, servant par la suite à d'autres activités : combats de boxe, salles de concert, défilés de mode, etc.
Pour une promenade au coucher du soleil, descendez vers la corniche et la plage ou, mieux encore, dirigez-vous vers l'ouest jusqu'au Cap Spartel, une réserve naturelle verdoyante où un phare veille sur les eaux mêlées de l'Atlantique et de la Méditerranée.
Non loin se trouve l'attraction populaire connue sous le nom des Grottes d'Hercule. La principale s'ouvre sur la terre par un trou creusé et l'autre extrémité mène à la mer, où les Phéniciens, et non le ressac des flots, dit la légende, l'auraient sculptée en forme d'Afrique. Les grottes font partie de nombreux mythes, mais celle qui a inspiré leur nom se fonde sur le périple du héros d'Homère, qui se serait reposé dans ces excavations après le 11ème de ses 12 travaux ayant séparé le continent africain du sud de l’Europe.
Autre site emblématique à visiter est sans conteste le Parc Perdicaris. D’une superficie de près de 70 ha, plus connu sous le nom de forêt de Rmilat, celui-ci constitue un véritable parc botanique contenant des centaines d’espèces autochtones et exotiques, et qui offre en plus, une vue imprenable sur le Détroit de Gibraltar et l’Océan tout proche.

Situé à 4 km de Tanger, ce lieu de détente doit son nom à Ion Perdicaris, riche américain d’origine grecque et consul des Etats-Unis. En 1887, il acheta ce domaine essentiellement pour sa femme, qui, souffrant de la tuberculose, devait profiter du grand air. A cette fin, il y aménagea d’innombrables chemins pour que chaque jour, la promenade soit différente.
Ion Perdicaris, s'était fait connaître en 1904 après avoir été kidnappé par le brigand Raïssouni sévissant dans le nord du pays. Il avait été enlevé en compagnie de son beau-fils Varley, de nationalité britannique. Les rebelles du clan Raïssouni avaient pu opérer malgré l'intervention du président américain Théodore Roosevelt qui envoya une flotte de guerre. Il n'a dû son salut qu'après le versement d'une rançon de 70 000 dollars par l'entregent du Chérif de Ouazzane.
La propriété, récupérée par l’Etat en 1958, a été déclaré Site d’Intérêt Biologique et Ecologique (SIBE), de par l’importance de la biodiversité qu’elle héberge et son château tout récemment transformé en Centre d’interprétation du patrimoine. L’architecture de la demeure, érigée sur une colline surplombant elle aussi le détroit, se caractérise par l’adoption d’un style composite alliant l’anglo-saxon Queen Anne, le style classique et le médiéval.
Au rez-de-chaussée est exposé l’histoire d’Ion Perdicaris et de sa résidence, ainsi que le contexte historique général de la Tanger internationale, diplomatique et multiculturelle à travers une exposition d’objets du quotidien, de cartes et de photographies. À l’étage, l’exposition traite de la diversité et de la richesse biologique de la forêt environnante aménagée en parc naturel urbain à travers une exposition picturale pédagogique illustrant quelques espèces de la faune et de la flore de la région.
De retour en ville, il est souvent recommandé d’assister à un concert ou à une lecture au Labo Studios, à l'Institut Français ou à l'Instituto Cervantes. Des événements culturels y ont ainsi souvent lieu : si le collectif de performances hip-hop local Groupe Acrobatique de Tanger s’y trouve, laissez tout tomber et allez applaudir les gymnastes, conseillent les meilleurs guides de la cité venteuse.
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